Réchauffement climatique et augmentation des prix de l’énergie : la schizophrénie est de retour. D’un côté les caméras montrent le désastre causé par Katrina et de l’autre les micros se tendent pour recueillir les plaintes de tous ceux pour qui il est scandaleux que l’Etat ‘s’enrichisse’ en encaissant un surplus de recettes découlant de la hausse des prix des carburants. Entre la détresse des victimes de Katrina et les problèmes de budget que posent aux Belges la montée des prix de l’énergie, il y a pourtant un lien évident à établir et des conclusions politiques à tirer : la terre a de plus en plus chaud parce que nous brûlons trop de pétrole. Pour nous chauffer, pour produire et pour nous déplacer. Et à la Nouvelle Orléans comme chez nous en Wallonie et à Bruxelles, ce sont les personnes les plus défavorisées qui sont les victimes des crises écologiques que les gouvernements n’ont pas eu le courage d’anticiper. Là bas, parce que l’Etat a abandonné les plus pauvres aux conséquences de la catastrophe. Ici, parce que ce sont les plus démunis qui sont le plus fortement touchés par le renchérissement du pétrole.
En Belgique, nous avons beau jeu de nous moquer de George Bush qui refuse de signer Kyoto. Mais nous n’avons pas vraiment de quoi nous vanter. Les mesures concoctées par le gouvernement fédéral sont comme des digues de papier pour arrêter un cyclone. Et si certains comparent dangereusement l’Etat à une entreprise privée qui « profite » de la hausse du pétrole, c’est peut-être parce qu’il ne nous montre pas vraiment qu’il est à la hauteur des bouleversements qui s’annoncent. Plus ou moins consciemment, chacun d’entre nous comprend que l’histoire s’accèlère et juge dérisoires les mesures qui sont avancées pour parer au plus pressé. Chacun sent bien qu’elles ne représentent pas grand-chose par rapport à une croissance du prix du pétrole qui ne fait que commencer. Nous sommes en train de vivre une révolution énergétique et climatique et il est de plus en plus urgent que nous nous y préparions collectivement. Cela implique bien sûr la mise en œuvre de mesures audacieuses et novatrices. Mais cela requiert avant tout énormément de courage de la part de tous les décideurs politiques : celui d’oser dire que tout va changer et pas un peu. Et qu’il dépend de nous que ce soit pour plus de bien-être pour tous. Dans nos modes de produire comme de consommer. Si nous voulons limiter à 2° la hausse moyenne des températures planétaires d’ici la fin du siècle, il va nous falloir diviser par deux (au moins) nos émissions de Gaz à Effet de Serre. La raréfaction prévisible du pétrole va peut-être nous y aider. Mais nous ne devons pas attendre que cela se produise « naturellement ». Parce que si nous ne prenons pas les devants, ce sont encore et toujours les personnes les plus fragiles économiquement qui vont en faire les premières les frais. Quelques exemples concrets de courage : dire qu’il faut investir massivement dans l’isolation et les économies d’énergie. En commençant par le logement social. Et surtout le faire. Massivement ? Pas question de quelques centaines de millions d’euros. Ce sont des investissements colossaux dont nous avons besoin. Pour un plan d’isolation et de développement des énergies renouvelables.
Du courage ? Le politique doit oser annoncer clairement que le règne de la bagnole toute puissante, c’est terminé ! Notre climat attend de l’Etat non seulement qu’il impose aux constructeurs automobiles le respect de ses engagements en matière d’émissions de CO2, mais qu’il informe en profondeur le public sur les méfaits des 4X4 et autres véhicules polluants, en sanctionnant fiscalement leur usage au profit des véhicules les plus économes. Un énorme chantier s’ouvre. Il est culturel : rebaptiser la « Journée sans voiture » en « journée du piéton et du cycliste », ce n’est pas qu’un changement de mots, c’est indiquer un changement de valeurs. C’est dans nos villes wallonnes et à Bruxelles, suivre l’exemple des métropoles modernes et continuer à rendre l’espace public aux usagers doux. Le chantier est aussi économique : nous devons anticiper la réduction de notre parc automobile, notamment en rendant notre économie moins dépendante de la voiture et en anticipant la reconversion de notre industrie automobile et plus généralement de tout le secteur du transport routier. Nous devons aussi investir massivement dans le développement des Transports en commun, en commençant par le rail dont le fédéral et la Wallonie se moquent complètement comme l’indique l’enterrement du projet Eurocaprail (liaison ferroviaire Bruxelles-Namur-Luembourg) par André Antoine (CDH) et ses alliés francophones du gouvernement fédéral. Les choix à faire sont clairs : renoncer à tout investissement dans de nouvelles infrastructures routières et affecter les moyens à des alternatives à la route. Mais plus fondamentalement, il nous revient surtout de nous préparer aux bouleversements de nos modes de production et de consommation que ne manquera pas d’imposer la raréfaction du pétrole.
L’actuelle division internationale du travail (en d’autres mots, la mondialisation se fonde sur l’utopie d’un pétrole inépuisable et sur la possibilité de transporter n’importe quels biens sur des distances illimitées. Une donnée qui va évoluer et dont il faut tenir compte dans la stratégie de redéploiement de l’économie wallonne. Prospective, planification, anticipation ? Peut-on vraiment attendre cela de représentants de partis qui dimanche se presseront pour avoir l’insigne privilège de plastronner dans les tribunes d’un événement sportif (sic) lourdement subsidié qui fait pourtant l’apologie du gaspillage énergétique ?