Une richesse communale uccloise

Dans une commune verte comme Uccle on trouve un très grand nombre de jardins privés, le plus souvent invisibles depuis l’espace public. Ils sont de taille très variable. Les plus petits ne sont pas ceux qui ont le moins de charme.

Les jardins répondent au rêve de nombreuses familles avec enfants. Ils font aussi la joie des retraités qui les plantent et les entretiennent avec amour. Ils sont des havres de paix et du plaisir pour les yeux.

L’engouement pour le jardinage ne date pas d’hier. Les amoureux des jardins sont des passionnés, souvent solitaires. Jardiner c’est prévoir, c’est se projeter dans le temps ; c’est s’inscrire dans un temps à la fois cyclique et linéaire. Entre nature et culture le jardin occupe une place singulière : parce qu’on aime la nature on la transforme, on y met de l’ordre. La tendance est aujourd’hui à un retour d’une certaine tolérance vis-à-vis d’un jardin plus sauvage, le plus naturel possible, sans emploi de pesticides.

Une cinquantaines de jardins ucclois ont reçu le label « nature en jardin » décerné par l’association Natagora. Certains s’ouvrent au public à l’occasion de journées-découverte.

A côté des jardins d’agrément il existe aussi beaucoup de jardins-potagers. On les trouve sur des parcelles bâtissables louées par le pouvoir public communal ou régional, la SNCB ou, plus rarement par un propriétaire privé (comme à la rue de Beersel).

Ils se sont disséminés dans l’espace communal dans des zones provisoirement délaissées qui se raréfient à mesure que progresse l’urbanisation. J’en avais fait le recensement cartographique dans l’Atlas d’Uccle réalisé par le groupe local Ecolo en 1997 ; cette carte n’est plus d’actualité.

Vers une politique potagère

A mon arrivée comme échevin, il n’y avait pas de « politique potagère » à Uccle. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existait pas de potagers communaux à gérer ; mais leur existence n’intéressait guère le Collège !

Ils s’étaient implantés, depuis longtemps, sur trois propriétés communales : le plateau Avijl, un terrain en bordure de la rue de Stalle longeant la voie ferrée et un terrain dans la vallée de Linkebeek.

Il paraîtra probablement paradoxal aux contestataires du projet public de logement sur le plateau Avijl que je revendique à la fois l’initiative d’une politique potagère uccloise et celle d’un PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol) permettant de bâtir au détriment d’une partie des potagers du plateau. Pourtant, dans mon esprit, ces deux choix politiques ne s’opposaient pas ; ils étaient même complémentaires.

Les sites potagers ucclois m’apparaissent comme une grande richesse,

qu’il faut préserver autant que possible,

pour des raisons tant écologiques que paysagères et sociales.

Mais plusieurs problèmes se posaient pour les parcelles potagères communales.

 Sur Avijl, plusieurs locataires avaient érigé des constructions « bidonvillesques », objet des plaintes récurrentes d’une partie des habitants de l’immeuble de la rue Jean Benaets. D’autre part, la taille des parcelles louées étant fort inégale, certains locataires étaient très favorisés par rapport à d’autres.

 A Stalle, le terrain communal était squatté par des exploitants dont la Commune ignorait l’identité ! Le terrain était encombré de divers détritus. Une partie de la surface était destinée à la future déchetterie communale.

 Enfin, de manière générale, l’IBGE nous avait alertés en matière de pollution des sols : il s’avérait en effet que plusieurs terrains potagers régionaux étaient gravement contaminés au point de rendre dangereuse la consommation alimentaire des légumes cultivés.

Une politique potagère s’imposait donc. Elle comporta plusieurs aspects.

  • L’établissement d’une nouvelle convention entre la Régie foncière et les locataires du plateau Avijl.

    Une convention exigeante des points de vue paysager et écologique et qu’il a fallu faire approuver par le Conseil communal.
  • L’engagement d’un bureau d’étude spécialisé en analyse de sols et une information de nos locataires-exploitants pour les inciter à la prudence dans l’attente des résultats.

    Ceux-ci se sont heureusement révélés rassurants : aucun des forages réalisés ne présentait des teneurs en polluants qui dépassaient les normes admises pour les terrains cultivés.
  • Le réaménagement en profondeur de la partie du site de Stalle destinée à rester potagère (après en avoir informé les exploitants par voie d’affiche).

    Un apport de terres nouvelles fut nécessaire ainsi que le bornage de nouvelles limites de parcelles d’égale superficie, suivis d’une mise en location en bonne et due forme. Le site est aujourd’hui devenu un modèle du genre, à la satisfaction générale.

L’attachement des habitants des villes aux espaces potagers

Le charme et la convivialité des espaces de jardins potagers urbains sont très généralement célébrés. Je pense que c’est à très juste titre.

J’ai constaté en effet combien était grand l’attachement des jardiniers à cette activité de loisir. Un loisir d’autant plus apprécié qu’il est un travail créatif, qui s’effectue en plein air et dans un calme relatif, tout en procurant une ressource alimentaire de qualité. Un loisir qui exige beaucoup de savoir faire et de patience et qui multiplie les occasions de contacts sociaux. Une activité qui contribue à maintenir dans les villes de précieux espaces de contact avec la nature ; avec un impact paysager et éducatif indéniable.

Cependant, sans vouloir altérer cette image idyllique, je dois reconnaître que certains exploitants sont très loin d’une pratique écologique (emploi de produits chimiques, accumulation de déchets…). Et aussi qu’il m’a fallu souvent intervenir avec l’espoir d’apporter une solution aux déboires de certains locataires jardiniers victimes de vandalisme, de vols ou de pressions déplaisantes de la part de leurs voisins.

Utilité des potagers urbains pour les populations relativement défavorisées

Une part importante des sites potagers ucclois sont situés dans des zones résidentielles aérées, peuplées d’une majorité d’habitants à revenu élevé et qui ont la chance de disposer d’un jardin, souvent de belle dimension. Une localisation proche d’habitants déjà privilégiés qui n’est donc pas la plus adéquate !

Un site se trouve inclus dans un quartier densément bâti où vivent beaucoup de personnes au revenu très modeste : l’intérieur de l’îlot Tillens-Rosendael (en bordure de la chaussée d’Alsemberg). S’il y en avait un à sauvegarder en priorité, c’était bien celui-là ! C’était la volonté de tous ceux qui combattirent, en son temps, l’importante promotion immobilière privée dont il était menacé.

Alors conseillère communale dans l’opposition, j’ai participé à ce combat aux côtés des riverains dont l’action citoyenne fut exemplaire. Une action qui a conduit à sauver le site par l’inscription de ce terrain propriété du CPAS de Forest en « zone verte » au PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) à l’exception d’une bande constructible à front de la rue Rosendael.

En début de législature, une concertation très positive entre les communes d’Uccle et de Forest, le comité de quartier et l’IBGE avait abouti à un accord relatif aux modalités de gestion conjointes du site. Malheureusement, la déception fut grande ensuite : les analyses faites par l’IBGE ont révélé, en 2002, un degré élevé de pollution du sol, le rendant impropre à des cultures alimentaires !

Il a fallu attendre 2006 pour que la Ministre régionale de l’Environnement, Evelyne Huytebroeck, trouve les moyens de concrétiser sa promesse d’un assainissement des sols qui a permis une reprise de l’activité potagère en toute sécurité sur une partie de l’espace vert par ailleurs très bien réaménagé dans son ensemble, avec un site de compostage collectif.

Les potagers du Keyembempt, étaient aussi menacés, parce que pollués. Ils ont aussi un rôle social important à jouer dans le quartier de Calevoet.
_Le site est aujourd’hui réhabilité dans le cadre d’un excellent projet public (dont la Commune a assuré l’instruction) de réaménagement de l’ensemble de ce bel espace vert qui appartient à la Région.

Les jardins, aussi petits soient-ils, sont d’une importance de type existentiel

pour les nombreux citadins qui ont « la main verte ».

Ils contribuent à multiplier dans l’espace urbain la présence d’une nature

qui, bien que domestiquée, y assume un rôle écologique primordial.

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