Il est des voyages qui vous donnent la leçon
de votre propre étrangeté dans le regard de l’autre.
Il m’est arrivé de me trouver seule Européenne blanche au milieu d’une foule d’Africains. Il serait faux d’affirmer que je n’ai eu aucune appréhension. Mais ce sentiment s’est très rapidement estompé. Ils étaient chez eux, curieux, mais souriants et accueillants vis-à-vis de celle qui se sentait incongrue… mais dont la peur a rapidement disparu.
La peur de l’étranger commence par la perception d’une différence, physique, vestimentaire ou de comportement. Elle suscite l’évocation d’images stéréotypées relatives à des groupes sociaux. C’est une appréhension qui n’est pas facile à vaincre parce qu’elle est irrationnelle.
Dans le cadre d’un cours de sciences sociales, une de mes élèves, après avoir vanté les qualités d’accueil et de gentillesse de la famille de son petit ami d’origine arabe, conclut par cette remarque : « pour moi ce ne sont pas des arabes ». J’ai eu du mal à lui faire prendre conscience du caractère biaisé de sa démarche mentale : face au constat d’une réalité non conforme au stéréotype, elle n’a pas songé à remettre celui-ci en question !
Le propre du préjugé c’est, précisément, d’être difficilement
réformable à la lumière de l’expérience.
Des préjugés découle la peur ; et celle-ci est toujours mauvaise conseillère. La commune d’Uccle n’est pas à l’abri de ce problème. En voici quelques exemples :
Le quartier social du Homborch est victime de ce type de mécanisme mental. La rumeur lui a fait la réputation d’être un foyer chronique d’insécurité (alors que les statistiques démontrent que le taux de délinquance n’y est pas particulièrement élevé).
Les ados de l’école technique et professionnelle St Vincent (proche de la maison communale) furent l’objet d’une même réaction xénophobe : certains riverains l’ont manifesté, lors d’une enquête publique en urbanisme, en faisant un amalgame avec l’école primaire flamande voisine demanderesse du permis.
Pour des raisons similaires, l’école communale technique et professionnelle du Wolvendael aurait été fermée en 1997 si l’opposition Ecolo n’avait pas efficacement plaidé pour son maintien (via une convention de reprise avec la Communauté française). Ce combat fut difficile ; mais celui-là, nous l’avons gagné !
Plus direct encore, cet argument entendu en séance publique de commission de concertation lors de la contestation riveraine massive d’un projet de Mac Donald au quartier du Fort Jaco : « cela va nous attirer les jeunes de Schaerbeek via le tram 92 » !
Le repli identitaire comporte des risques. Le fait de laisser se développer une surreprésentation de minorités ethniques dans certains quartiers urbains engendre une ségrégation de fait. Des univers clos se constituent qui ne communiquent plus qu’à travers des clichés négatifs réciproques. L’idéologie sécuritaire croît sur ce terrain.
Mais l’extrême droite se trompe gravement. Une société est d’autant plus riche qu’elle est parvenue à s’ouvrir aux différences, biologiques, sociales et culturelles ; et que les droits des minorités y sont reconnus. Percevoir la différence en tant que richesse potentielle plutôt que source de problèmes est un idéal vers lequel il faut tendre avec persévérance !
On ne peut y parvenir que par la multiplication des occasions de contacts entre citoyens d’appartenances différentes. C’est l’inconnu qui alimente les peurs. Nous n’avons plus peur de ceux que nous avons « apprivoisés ».
Pourtant, la politique européenne frileuse en matière d’asile et d’immigration est marquée par de la xénophobie au point de conduire l’Europe à renier l’idéal des droits de l’homme qu’elle prétend défendre !
Le racisme, c’est « le mépris et le rejet de l’autre au nom de son appartenance ».
De la xénophobie au racisme il n’y a qu’un pas.
Fort heureusement, le pas n’est pas toujours franchi.