Voilà un mot qu’il est dommage d’avoir dû inventer !

Le mot français « intégriste » apparaît, nous apprend Alain Rey, en 1913 dans le contexte d’un parti catholique espagnol qui militait pour la subordination de l’Etat à l’Eglise, avant de s’appliquer, d’une manière plus générale, à tout « conservatisme qui s’appuie sur une interprétation stricte, étroite, bornée d’une croyance ».

L’intégrisme est sourd et aveugle à toute autre vérité que la sienne.

Il n’est pas une opinion parmi d’autres ;

il est la négation même de l’espace politique

rendant possible le libre débat d’opinion.


La dénonciation des dangers de l’intégrisme fait à juste titre la une de l’actualité internationale. Conviction de détenir la Vérité, refus d’évolution, aveuglement, fanatisme, …. autant d’états d’esprit capables de mobiliser les foules et de justifier les pires excès.

Quel rapport avec la gestion d’une commune ?

En me référant à l’attachement immuable des intégristes aux valeurs traditionnelles qu’ils défendent, j’ai rencontré dans ma pratique échevinale des attitudes qui relèvent, toutes proportions gardées, d’un certain « intégrisme ».

Un « intégrisme » patrimonial

Il existe un grand intérêt citoyen pour tout ce qui est ancien, sans distinction. Ce souci témoigne d’une volonté d’entretien de la mémoire collective qui a certes des aspects très positifs ; mais elle gagnerait à s’exprimer de manière moins passionnelle et devrait être plus à même de relativiser.

Le moindre bâtiment ancien menacé peut susciter une mobilisation qui, via la diffusion de pétitions, dépasse, très largement le cadre des riverains. J’ai par exemple reçu des lettres provenant du sud de la Belgique lorsqu’il était question de la démolition d’une minuscule chapelle chaussée d’Alsemberg (dans le cadre de la rénovation de l’immeuble dans lequel elle était encastrée).

Cette préoccupation généralisée a été relayée au niveau politique régional par l’institution d’un Ministère du Patrimoine et d’une Commission Royale des Monuments et Sites (CRMS). Cette dernière, composée d’experts indépendants, rend des avis sur les demandes de permis d’urbanisme et d’environnement qui touchent au patrimoine ; des avis très compétents, mais qui relèvent parfois d’une échelle de valeurs manquant de réalisme et de souplesse.

Chacun sait que le parc de Wolvendael est un site classé. Mais c’est aussi un parc public donc un lieu récréatif pour les enfants. Pourquoi a-t-il été si difficile d’obtenir de la CRMS (Commission Royale des Monuments et Sites) l’autorisation d’y aménager une nouvelle aire de jeux ?

Autre exemple : les maisons de la cité sociale du Homborch datent des années 30. L’ensemble architectural n’est pas classé mais considéré comme très représentatif d’une époque. Elles avaient un urgent besoin de rénovation. Pourquoi avons-nous dû nous battre pour l’obtention du permis demandé par la S.U.L (Société Uccloise du Logement social) dans le but de les doter d’un confort mieux adapté aux exigences d’aujourd’hui ? Quant à la rénovation pourtant bien nécessaire des cités sociales classées de Watermael-Boitsfort, elle traîne encore face aux exigences patrimoniales…

La volonté patrimoniale de préserver « l’ancien » est très louable.

Elle ne doit pas pour autant s’opposer à des modifications qui s’imposent

au nom d’un autre intérêt collectif : celui des besoins sociaux.

Un « intégrisme » environnemental

Certains défenseurs de l’environnement me semblent aller trop loin dans leur volonté de limitation de l’accès des espaces verts au grand public, au nom de la protection de la Nature.

La mobilisation associative pour la protection du bois de Verrewinkel (récemment racheté par Uccle au CPAS de Bruxelles-ville) en est un exemple.

L’idée du sculpteur ucclois Olivier Strebelle (accueillie favorablement par le Collège) d’implanter quelques unes de ses œuvres à la marge du bois, voisin de son atelier, a provoqué un émoi sans pareil ; un émoi qui fut amplifié par la désinformation et exploité par un électoralisme facile (par le groupe libéral de l’opposition).

Je comprends mieux le maintien par l’IBGE (Institut bruxellois de gestion de l’Environnement) de l’exigence de garder les chiens en laisse dans la réserve naturelle du Kinsendael-Kriekenput. Une obligation qui fut récemment contestée par une pétition riveraine, avec des arguments qui méritaient pourtant d’être entendus.

Les zones vertes « Natura 2000 » légalement préservées en Europe sont pratiquement toutes des espaces « semi-naturels ». Leurs écosystèmes actuels sont le résultat de l’impact d’une action séculaire de l’homme sur la nature sauvage d’origine. S’il est légitime de prendre les mesures nécessaires à la protection de leur biodiversité, faut-il pour autant en faire des milieux clos, réservés aux seuls scientifiques chargés de leur gestion? Ce n’est pas conforme à l’esprit de la directive européenne.

N’oublions pas que la nature en ville,

à côté des multiples avantages écologiques qu’elle procure,

a un important rôle social à remplir.

Ne cédons aux tentations intégristes

La défense du patrimoine, comme celle de l’environnement, ne doit pas se figer sur une hiérarchie de valeurs qui refuse de se remettre en question. Des compromis doivent pouvoir être trouvés, qui prennent en compte des intérêts à première vue contradictoires. Proposés par les politiques et acceptés par les citoyens.

Un pouvoir politique se doit d’être à l’écoute des citoyens.

Mais il doit aussi avoir le courage de ne pas céder aux pressions de type intégriste ;

même si son image doit en pâtir aux yeux de certains.

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