L’autonomie communale est beaucoup plus réduite qu’on ne le croit généralement.

La plupart des décisions d’une Commune sont soumises
à l’approbation du pouvoir régional de « tutelle ».

Je n’évoquerai ici que les difficultés rencontrées à Uccle face à la tutelle régionale

dans deux dossiers relevant du domaine de l’urbanisme.


Le cas exemplatif de la demande de permis de lotir Engeland-du Puits

Ce pouvoir de tutelle s’exprime par la voix de l’administration régionale de l’AATL (Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement). Mais il arrive que les fonctionnaires régionaux doivent se soumettre aux injonctions du cabinet ministériel dont leur service dépend !

Cette importante demande de permis concernait un vaste projet de logements (plusieurs centaines), situé au sein d’un espace vert de qualité dans le sud du territoire communal et qui a suscité une très vive contestation riveraine. Je pense qu’il est un exemple très représentatif des interventions du cabinet ministériel dans le dossier d’une promotion immobilière privée.

 Je n’ai pas oublié cette réunion où je fus convoquée d’autorité par le Ministre libéral Draps en charge de l’Urbanisme à la Région. Il s’agissait de la version bis du projet (nous avions refusé la première).

Je m’y suis rendue accompagnée d’un des architectes communaux. Nous nous sommes trouvés, avec quelques fonctionnaires régionaux, face à une impressionnante brochette de représentants du demandeur (trois sociétés immobilières momentanément associées). L’architecte de ce dernier (lui-même prévenu seulement la veille) nous a fait un exposé présentant la nouvelle version du projet (moins dense mais d’une conception similaire à celle du premier). Nous avons pu poser quelques questions techniques. Puis le chef de cabinet, qui présidait la réunion, a rapidement conclu qu’il espérait « qu’il n’y aurait désormais plus de problème du côté de la Commune ». Il n’a pas eu l’air d’apprécier le caractère prudemment évasif de ma réponse…

 Quelques mois plus tard, après avoir obtenu l’accord du Collège ucclois, je convainquais la commission de concertation de demander au Gouvernement l’imposition d’une étude d’incidences. Contre la volonté explicite du même chef de cabinet ! A l’approche de l’échéance électorale de 2004, le Ministre a cependant pris la décision de répondre favorablement à cette demande.

 Après le changement de majorité, la tutelle de ce dossier a été reprise par le cabinet Dupuis (socialiste). Il est intervenu, d’une manière décisive, pour le maintien du nombre de logements présenté dans la deuxième demande (contrairement au souhait du Collège de le réduire). Tout en imposant, fort utilement, que 40 d’entre eux soient des logements « conventionnés » ; un élément novateur qui a fait changer le Collège d’avis à l’égard du nombre de logements acceptés. Au grand dam des riverains.

 D’autre part, le même cabinet n’a pas voulu avaliser les conditions imposées par la Commune en matière de mobilité et de gestion des eaux ; une attitude paradoxale car c’étaient pourtant les deux domaines sujets à inquiétude qui avaient été explicitement mis en avant par le Gouvernement précédent pour motiver, à titre exceptionnel, l’imposition de l’étude d’incidences ! La Commune ayant le droit d’être plus restrictive que la Région dans l’imposition de conditions, ses exigences ont heureusement pu être maintenues.

Je n’ai donc pu que constater la volonté de deux cabinets successifs d’interférer grandement dans ce dossier avant la prise de décision finale par le Collège communal !

Le cas du PPAS Prince de Ligne-Vivier d’Oie

Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas facile pour un pouvoir communal d’obtenir l’agréation d’un « Plan particulier d’affectation du sol » (PPAS) par le Gouvernement régional !

Nous en avons fait la triste expérience avec le PPAS Prince de Ligne-Vivier d’Oie. Quatre ans de travail semblent être annihilés en fin de procédure.

 L’élaboration de ce plan fut laborieuse. En raison d’une prise en charge de qualité inégale par le bureau d’étude ; mais aussi d’une longue incertitude quant à la teneur précise du permis qui allait être délivré pour la halte RER du Vivier d’Oie. Amendé à plusieurs reprises, le projet de plan avait obtenu, en fin de législature, l’assentiment des habitants et celui du conseil communal.

 Au début de la nouvelle législature de 2007, la Ministre responsable refusa de le présenter au Gouvernement pour l’agréation finale. Il est vrai que se posait un problème de respect de la procédure : quelques changements ont été apportés au plan tel qu’il avait été soumis à enquête publique qui ont été jugés utiles mais trop importants dans le cadre de ce que permet la législation en vigueur. Celle-ci n’autorise en effet que des modifications « mineures » après l’enquête publique ; ce qui est paradoxal puisque l’enquête a précisément pour but de permettre à tous les habitants concernés d’exprimer leurs remarques critiques !

 Après mon départ, les architectes du service de l’urbanisme communal avaient pourtant intelligemment plaidé notre cause en apportant réponse à tous les arguments avancés par le cabinet ministériel à l’appui de son refus. Peine perdue… le juridisme a prévalu sur l’efficacité politique !

Mon objectif premier, en initiant ce PPAS dès 2002, était de baliser strictement les possibilités de valorisation spéculative des terrains vendus au privé par la SNCB ; un choix politique visant à préserver les qualités résidentielles du quartier sans en empêcher le développement en tant que futur pôle intermodal de déplacement. Et, en 2006, il y avait urgence, compte tenu d’importantes promotions immobilières en cours d’élaboration, de la mise en service de la nouvelle halte RER et du dynamisme potentiel du noyau commercial du Vivier d’Oie !

Je sors amère de cette expérience, avec le sentiment que la Commune a été confrontée à une tutelle régionale excessivement formaliste. Et je comprends mal en quoi les exigences de celle-ci ont servi ici l’intérêt général !

C’est pourquoi je ne peux m’empêcher d’imaginer une volonté de « détricotage » par un cabinet socialiste du travail mené par une échevine Ecolo. Je reconnais toutefois que c’est un procès d’intention !

Un pouvoir de tutelle pourtant bien nécessaire

Les conseils du pouvoir de tutelle peuvent être précieux. Il est par ailleurs nécessaire qu’un pouvoir supérieur contrôle le respect de la légalité par les pouvoirs locaux. Enfin, dans le contexte d’un grand morcellement des compétences entre les 19 communes de la Région, la tutelle régionale peut exercer un rôle très utile de coordination des politiques locales.

Ceci dit, je ne conteste donc nullement le principe d’une tutelle

mais plutôt la façon dont elle s’exerce sur certains dossiers délicats !

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