La prolifération des tags en ville est particulièrement difficile à enrayer. Uccle n’échappe pas à la règle. Ce problème est souvent évoqué en conseil communal et une association citoyenne en a fait son cheval de bataille ces dernières années.
La lutte contre cette pollution de l’espace urbain commence
par un effort de compréhension du message.
Un mode d’expression de jeunes en mal d’intégration sociale
Le « tagage » est le fait d’auteurs qui agissent dans l’ombre tout en étant désireux d’affirmer une identité sociale insuffisamment reconnue. C’est pour certains une manière de marquer un territoire ou tout simplement de crier « j’existe » aux yeux du monde.
La mode en est née au sein des jeunes noirs du ghetto de New York, qui ont choisi le métro comme premier support. Le caractère novateur s’affirmait par le choix du support (visible par tous), de l’instrument (la bombe aérosol) et du style (de la signature travaillée du tag à l’abstraction stylisée du graffiti).
Lorsque le tag se fait graffiti il est considéré comme une œuvre d’art par son auteur.
Enfin, s’il y a d’abord dans le tagage l’expression d’un mal-être, il faut aussi prendre en compte son caractère ludique : le défi de peindre sans se faire prendre est un stimulant, d’autant plus vif que le risque est grand. Dans cette perspective, la répression ne fait que renforcer le phénomène !
Des mesures de prévention efficaces
La multiplication des peintures murales de qualité est à encourager. Une première manière préventive de lutter contre les tags est en effet de donner à ces graffiti leurs lettres de noblesse en offrant des surfaces murales à des jeunes désireux de s’exprimer. Cela pose des problèmes d’encadrement mais qui ne sont pas insolubles.
Le mur SNCB du Vivier d’Oie est, depuis plus de 10 ans, orné d’une peinture réalisée par des élèves de 13 ans de l’école Decroly, dans le cadre d’une activité pédagogique pluridisciplinaire dont ils ont pris l’initiative avec l’accord de la Commune et de la SNCB. L’ASBL uccloise Antiride forme des jeunes à ce mode d’expression culturelle très apprécié.
Le passage souterrain en dessous de la voie ferrée à la halte de Calevoet donnait l’impression d’un coupe-gorge. A l’initiative de l’échevin ucclois des Travaux Marc Cools, il est aujourd’hui transformé par une peinture murale aux tonalités joyeuses réalisée par un artiste choisi par appel d’offre (Monsieur Van Thang) ; une nouvelle fresque murale de grande qualité a été réalisée rue Zandbeek par le même peintre. Ces réalisations sont très appréciées ; je regrette toutefois que l’on n’ait pas envisagé (au moins dans l’un des deux cas) de solliciter des jeunes ucclois en leur offrant la possibilité d’un vaste espace public où pourraient s’exprimer leur inspiration créatrice.
La lutte contre les immeubles à l’abandon est un autre moyen de prévention qui s’impose. Il est vrai qu’un espace public tagué engendre un sentiment d’insécurité. Mais le tag souligne le chancre urbain plus qu’il ne l’induit ; la disparition du chancre réduit les surfaces alléchantes pour le tagueur en puissance.
La nécessité de mesures plus quotidiennes
La tendance croissante des tagueurs à s’en prendre au mobilier urbain, comme à des façades privées et des volets de magasin, appelle cependant des réponses plus rapides.
Le service anti-tags créé sous la précédente législature, à l’initiative de l’échevin Marc Cools, fait un travail utile.
Effacement rapide sur les bâtiments publics ; nettoyage sur demande (moyennant une modeste contribution financière) sur les immeubles privés. Le problème juridique se pose de l’exigence d’avoir l’accord préalable du propriétaire pour toute intervention communale. L’exemple du nouveau règlement de la commune de St Gilles est intéressant à cet égard. Par ailleurs il faudrait multiplier l’usage possible des produits de protection anti-tag qui existent sur le marché (mais sont coûteux).
Dans le cadre des sanctions pénales autorisées sous forme de « travaux d’intérêt général », le Collège a récemment décidé d’imposer à un jeune tagueur pris en flagrant délit quelques heures de collaboration au travail de la cellule anti-tag.
Une expérience trop récente pour en faire le bilan. Une sanction « éducative » qu’il faudrait multiplier … sans pour autant en attendre des miracles !
En guise de conclusion
La peinture murale peut être source de plaisir esthétique dans le paysage urbain. Mais le « tagage » sauvage, sous la forme clandestine de l’inscription de sa « marque de passage », apparaît comme un acte particulièrement déplaisant d’incivilité.
Nous sommes en droit d’exiger un meilleur respect
de l’espace public par les jeunes citoyens.
Mais cela ne suppose-t-il pas, nécessairement, que la société témoigne plus de _ respect envers ceux qui y sont le moins bien intégrés ?