La rumeur a des antennes

Elle se nourrit de cancans

Elle est bavarde et hautaine

Et grandit avec le temps

C’est un arbre sans racines

A la sève du venin

Avec des feuilles d’épines

Et des pommes à pépins

C’est bien plus gros qu’un mensonge

Ca grossit comme une éponge

Plus c’est faux plus c’est vrai

Plus c’est gros plus ça plaît

(extrait d’une chanson d’Yves Duteil)


L’étude scientifique du phénomène de la rumeur

« Information parallèle et parfois opposée à l’information officielle, la rumeur est un contre-pouvoir » « C’est la rupture d’un secret. L’information a de la valeur parce qu’elle est rare ».

(Jean-Michel Kapferer).

Il ressort des nombreuses études sur le sujet qu’il s’agit d’un phénomène complexe de circulation d’une information non officielle et non vérifiée au sein d’une collectivité, qui ne se développe pas par hasard et subit des altérations en cours de diffusion. Pour qu’elle se propage au sein d’un groupe, il faut que l’événement soit simultanément considéré comme important et chargé d’ambiguïté. Ceux qui la propagent ne doivent même pas y croire ; chacun répète une parole venue d’ailleurs, dont personne ne se sent responsable. Et on la renforce souvent en tentant de la démentir ! Dès qu’elle cesse de circuler, elle s’éteint.

Remarquons que, bien qu’elle soit souvent fausse, une rumeur peut aussi être vraie !

La rumeur est un phénomène psychosocial qui a toujours existé et qui reflète les préoccupations des gens. Elle est source de problèmes : parce que les rumeurs véhiculent le plus souvent des messages négatifs, nuisibles par le discrédit ou l’inquiétude qu’ils génèrent ; parce qu’elles se diffusent beaucoup facilement que l’information rectificatrice ; parce que certaines peuvent être « auto réalisatrices ».

Il suffit que des bruits circulent sur la fragilité d’une banque pour que les clients paniquent et retirent leurs économies, ce qui finit par mettre la banque réellement en difficulté !

Bien que la rumeur circule surtout de bouche à oreille, les journaux ont une grande responsabilité dans leur propagation.

La concurrence médiatique est telle que chacun veut être le premier à annoncer la nouvelle… quitte à devoir faire un démenti par la suite. Même l’emploi des « conditionnels » ne suffit pas à éviter les effets pervers de cette course à l’information.

Le phénomène est de nos jours considérablement et spontanément amplifié par l’essor d’Internet, qui s’avère un vecteur de rumeurs d’une incroyable efficacité !

Le danger est alors plus grand encore. Car aucun pouvoir de contrôle ne s’exerce sur ce moyen de communication profondément révolutionnaire.

Rumeur et manque de transparence du pouvoir

Le manque de transparence des détenteurs du pouvoir alimente les rumeurs.

 En raison d’une information trop tardive de la part du Collège, la contestation citoyenne du projet Avijl nous en a donné un bon exemple. La rumeur s’est d’abord répandue d’une volonté de « bétonner » qui détruira tous les jardins potagers, et aussi d’une intention spéculative de revendre les logements qui seront construits. Plus récente est celle qui s’est répandue que le maintien de la décharge enfouie était dangereux pour la santé (affirmation contraire aux conclusions de l’analyse commanditée par la Commune à un bureau d’étude spécialisé).

 L’interdiction faite au Parquet, à la veille des élections fédérales de 2007, de continuer à livrer des informations à la presse sur l’évolution des enquêtes sur la commune de Charleroi a augmenté les suspicions plus qu’elle n’a apaisé les esprits.

Mais j’ai eu plusieurs occasions de constater, dans le domaine de l’urbanisme, que des rumeurs se développaient malgré mon effort de transparence.

L’information venant du politique étant suspecte par essence, les citoyens ont tendance à croire davantage l’information biaisée qui se répand de bouche à oreille ou est diffusée par des écrits toute-boite militants.

La rumeur comme moyen stratégique de discréditer un adversaire

En période préélectorale, circulent des rumeurs relatives à des alliances secrètement négociées entre chefs de file de partis adversaires.

Un bon exemple nous en a été donné à la veille des élections fédérales de 2007 : Ecolo aurait rompu d’avec les socialistes pour se jeter dans les bras des libéraux ! Corollaire de cette rumeur, celle du transfuge d’anciens élus Ecolo vers le PS qui ont été l’objet d’un démenti dans le chef de plusieurs d’entre eux.

Les rumeurs relatives à la personnalité et la vie privée des politiques sont les plus pernicieuses.

Le plus souvent, fournir la preuve du contraire est impossible ; d’ailleurs, même après démenti, il en restera toujours quelque chose dans l’esprit des gens. Fort heureusement ce n’est pas une habitude ancrée dans les pratiques culturelles belges.

Quant aux accusations de clientélisme et de corruption, lorsqu’elles sont non fondées elles entretiennent le poujadisme et la montée de l’extrême droite. Une grande prudence s’impose à cet égard.

Rumeur au service de la défense d’intérêts économiques


L’exemple de l’influence des rumeurs sur les cours de la Bourse est bien connu. Il est d’autres domaines où ce moyen est utilisé.

A l’heure où sont rendus publics les rapports consensuels du GIEC sur le réchauffement climatique, ses causes et ses conséquences, une poignée de « scientifiques » persistent à contester ces réalités. Ceux qui les paient espèrent semer le doute dans l’esprit du public, au bénéfice des nombreux lobbying industriels qui craignent la remise en cause de notre société de consommation.

Quel que soit leur mobile, ceux qui font courir une rumeur

portent une grande responsabilité morale.

Car nombreux sont ceux qui croient à la véracité

de l’adage populaire « il n’y a pas de fumée sans feu ».

« A tout autre nom de bruit dans la langue correspond un verbe. C’est pratique.
Quand il y a un verbe, il y a un sujet. Mais à la rumeur ne correspond pas de verbe. C’est habile.

Car quand il n’y a pas de verbe, il n’y a pas de sujet non plus. La rumeur est insaisissable ».

(Emmanuel Hocquard)

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