Uccle, le 7 juillet 2004.
L’ordre du jour de la commission de concertation prévoit 20 dossiers d’urbanisme.
Lorsque l’heure arrive d’examiner un projet particulièrement contesté,
un habitant s’y oppose, d’une manière très agressive :
il m’accuse d’avoir inscrit volontairement ce dossier pendant les vacances
« afin d’avoir moins d’habitants présents à la séance publique » !
En réalité, la décision de cette séance supplémentaire de la commission (suivant de près celle de la fin juin) s’expliquait par l’afflux, habituel à cette époque, d’un grand nombre de demandes de permis introduites à temps pour être traitées avant les vacances d’été. Et notre volonté, malgré la présence de plusieurs gros dossiers à l’ordre du jour, de ménager dans le planning un temps suffisant pour que chaque projet puisse être débattu oralement dans de bonnes conditions. L’accusation était donc particulièrement malvenue.
Le procès d’intention est particulièrement blessant. Mais le mandataire politique s’y expose inévitablement ; parce qu’on lui prête une soif de pouvoir, de gloire, voire d’avantages matériels.
Des procès d’intention sont souvent faits aux responsables de la délivrance des permis privés. Le pouvoir public est accusé de partialité par les riverains qui contestent un projet ou dénoncent ce qu’ils estiment être une infraction.
Ce fut par exemple le cas d’un dossier particulièrement délicat relatif à la construction d’une villa en intérieur d’îlot en bordure d’une zone verte protégée et d’un talus escarpé dont la stabilité était incertaine. Dans le contexte d’une longue procédure de recours, des accusations erronées (fondées sur une interprétation subjective des faits) se sont avérées telles que l’échevin Cools et moi-même avons jugé nécessaire de diffuser un message toutes boites dans le quartier, avec l’espoir que cela mettrait un terme aux excès d’une désinformation susceptible d’entacher gravement la confiance du citoyen à l’égard du pouvoir communal.
Les projets publics suscitent également des procès d’intention.
Je me rappelle par exemple, de la vive inquiétude de certains riverains de l’avenue Lancaster, face au projet de réaménagement de la voirie et des trottoirs, présenté par l’échevin Marc Cools. Ils accusaient la Commune de vouloir transformer leur rue en une artère de grand trafic de transit au détriment du calme et de la sécurité des piétons. Les travaux se sont terminés à la satisfaction générale et cette rue est aujourd’hui incluse dans une zone 30 !
Mon plus mauvais souvenir fut certainement d’être accusée, simultanément et de manière contradictoire, à propos de l’épineux dossier du plateau Avijl.
D’une part, le Bourgmestre exaspéré par la lenteur de l’avancement de ce projet public de construction de logements m’avait reproché de faire traîner volontairement les choses (au nom d’une réticence écologique à l’idée de dégrader un bel espace vert). D’autre part, je recevais de la part d’une habitante du quartier, une lettre incendiaire m’accusant de poursuivre une « glorification personnelle » en voulant concrétiser sous ma responsabilité un projet d’urbanisation qui avait dû être reporté dans le passé à plusieurs reprises.
Mon expérience personnelle de l’exercice d’un mandat exécutif m’incite à me méfier des rumeurs qui alimentent (via les médias ou le bouche à oreille) des procès d’intention à l’égard des élus d’autres communes.
J’essaye toujours de m’informer à bonne source avant de me forger une opinion. Il s’avère le plus souvent que les raisons d’une décision contestée ont été mal interprétées, que les retards s’expliquent par des causes qui ne relèvent pas d’une mauvaise volonté. Ce qui n’exclut évidemment pas l’éventualité d’abus de pouvoir et de manœuvres politiciennes !
M’est-il arrivé moi-même de faire des procès d’intention à l’encontre d’adversaires politiques ?
Je me souviens de la fausse interprétation que j’avais faite (alors que j’étais conseillère communale dans l’opposition) des intentions de l’échevin de l’Urbanisme de l’époque lors de l’instruction de la demande de permis concernant la propriété Delvaux. Un dossier pour lequel la Commune a fini par avoir une attitude très ferme face à la position partisane du Ministre régional libéral de l’époque.
Je reconnais aussi que la méfiance des élus Ecolo ucclois à l’égard des intentions stratégiques de la Ministre socialiste en charge de l’Urbanisme et du Logement à la Région était excessive ; quelques faits récents témoignent cependant qu’elle n’était pas tout à fait injustifiée !
En politique comme en amour, le procès d’intention témoigne d’a priori
qui entretiennent l’incompréhension, attisent les conflits
et masquent les véritables enjeux.