Chaque parti tend aujourd’hui à se montrer « généraliste ».
Les programmes des partis sont de plus en plus riches
parce qu’ils visent à couvrir le champ de tous les aspects de la gestion politique.
Les différences entre partis s’affirment surtout
par la mise en exergue d’une série d’objectifs présentés comme des priorités.
Lors des négociations postélectorales pour la formation d’une majorité,
les accords et les points de rupture concernent ce que chacun présente comme des exigences prioritaires.
Les choix prioritaires des partis en campagne
Ils sont fondés sur des convictions idéologiques mais ils se prennent souvent aussi dans un souci de stratégie électorale.
L’exemple des élections présidentielles françaises est intéressant à cet égard. Dans la foulée du pacte écologique proposé aux candidats par Nicolas Hulot (et signé par 5 d’entre eux), on aurait pu s’attendre à ce que le thème du réchauffement climatique devienne prioritaire à leur yeux. Il n’en a rien été. Le climat est devenu un chapitre parmi d’autres de leur programme, rapidement abordé le plus souvent en fin des débats. Un phénomène similaire a caractérisé les récentes élections fédérales belges. Les autres partis se sont limités à ce qu’Ecolo a dénommé « l’écologie des plateaux de télévision » ! L’électeur a-t-il été dupe ?
Quant à l’enlisement des négociations postélectorales belges en 2007, il était principalement dû à la priorité accordée par les partis flamands à la défense de positions radicales en matière institutionnelle.
L’obligation de faire des choix dans l’exercice d’un mandat exécutif
Si des économies sont nécessaires, dans un contexte d’élaboration difficile du budget ordinaire, chaque département est appelé à raboter ses demandes ; il paraît alors équitable de demander à chacun des échevins un effort chiffré d’une même ampleur. Il me semble que c’est une erreur : le Collège devrait avoir la volonté d’assumer ses choix politiques en refusant de réduire les moyens financiers des actions qu’il estime prioritaires.
Faire des choix, c’est une nécessité récurrente en politique, pour diverses raisons étroitement imbriquées : compromis nécessaires au sein d’une coalition, contraintes de temps, contraintes budgétaires, contraintes techniques, réponse à des demandes citoyennes…
L’exemple du projet public d’urbanisation partielle du plateau Avijl
Ce dossier me parait particulièrement intéressant à expliciter : car la nécessité s’est en effet imposée au pouvoir communal, à plusieurs reprises, de faire des choix de priorités bien difficiles.
Je me limiterai à celui-là (en soulignant que ce texte complète, sans faire double emploi, le long exposé qui commente le mot Avijl).
- Premier choix : construire des logements publics sur ce vaste terrain à bâtir communal ou le préserver en espace vert. Le social ou le vert ? Conflit de valeurs, douloureux pour un parti Ecolo aussi attaché à l’une qu’à l’autre !
L’accord de majorité prévoyait de construire du logement à finalité sociale sur ce site affecté au PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) en terrain à bâtir, sans plus de précisions.
Le Collège s’est ensuite mis d’accord pour le compromis que je lui ai proposé : un nombre de logements limité à 200 (soit une densité faible, la plus faible de toute la commune), moitié « sociaux » moitié « moyens » (en évitant la formation d’un « ghetto social » par une mixité des deux types de logements dans l’espace), un accès limité à l’automobile (et le maintien des cheminements piétonniers), des exigences en matière de développement durable.
Un projet beaucoup plus respectueux du site que ce que permettait le PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol) en vigueur. Un compromis qui me semblait permettre une bonne intégration des nouvelles constructions dans le bâti existant et le maintien sur le site d’une importante surface de jardins potagers (ce qui était à mes yeux une priorité).
- Deuxième choix : où construire ? quelles parties du plateau valait-il mieux préserver en espace vert ? Densifier davantage côté montagne de St Job, Benaets, Vieille rue du Moulin ? Priorité à la préservation des potagers, du petit bois, de la prairie ?
Pour des raisons de relief et de mobilité, la décision semblait s’imposer de limiter les accès carrossables et de privilégier l’accès par le sud ; un choix rapidement avalisé par le bureau d’étude, dont la validité fut confirmée par le rapport sur les incidences environnementales (RIE).
Par ailleurs, un objectif qui semblait prioritaire à mes yeux comme à ceux de l’administration était la meilleure préservation possible de la biodiversité interne du plateau.
Le choix a été fait (entre les trois options possibles proposées par le RIE) du maintien d’une partie de chacun des écosystèmes, en ménageant des relations entre eux. Tout en étant conscients qu’aucune des options n’était un idéal du seul point de vue biologique.
Un choix quelque peu infléchi ensuite, à la demande des riverains, de manière à préserver une plus grande part de la prairie (laquelle était trop sacrifiée dans le premier projet) et davantage d’espace potager.
- Troisième choix : le site boisé de l’ancienne décharge communale. Fallait-il construire
dessus pour préserver davantage les trois autres écosystèmes ? Ou ne pas y toucher ?
Assainir la décharge était la proposition des riverains, celle qui leur semblait être « le bon sens ». Un assainissement qui aurait le double avantage d’apaiser leurs inquiétudes (récemment avivées par des rumeurs) et de dégager les actuels potagers d’une bonne part des constructions. Mais dont le coût serait important (sans parler du problème de négocier avec la Région flamande pour trouver un site où déposer la grande masse de matériaux à évacuer !).
Les expertises scientifiques conseillaient au contraire de ne pas toucher au « couvercle » recouvrant des anciens débris de construction considérés comme inoffensifs s’ils restaient enfouis : une exploitation de surface en espace vert (de loisir ou potager) ne présenterait alors aucun danger pour la santé. Impossible, par contre, d’envisager de construire au-dessus de la décharge comblée, pour des raisons évidentes de stabilité.
Fallait-il accorder la priorité à la demande des riverains ? Compte tenu de tous les éléments d’information rassemblés (y compris la grande profondeur de la cavité creusée dans un terrain sableux instable), le Collège a décidé de ne pas toucher à la décharge. Des constructions pouvaient cependant être érigées sur l’aplat à l’avant de celle-ci, à front de la Vieille rue du Moulin ; après l’avoir sérieusement envisagé, j’y ai renoncé, convaincue par l’argument écologique que, du point de vue de la biodiversité, il était plus important de préserver le passage par un couloir vert relais de maillage vert entre le parc Fond Roy et l’intérieur du plateau Avijl.
- Quatrième choix : accepter ou rejeter l’alternative d’implantation du bâti proposée par le « Livre blanc » du comité de quartier.
La volonté du comité de préserver l’intérieur du plateau l’a conduit à prôner, en plus de la construction sur le site de la décharge assainie, l’implantation alternative d’un grand nombre des logements en dehors des limites du PPAS Avijl, sur un terrain appartenant lui aussi à la Régie foncière : un petit terrain situé entre la chaussée de St Job et les hauts immeubles Etrimo de la rue Jean Benaets (actuellement utilisé en parking public) ; un site peu ensoleillé et bruyant, bien médiocre pour une densification résidentielle.
Accepter une telle alternative c’était donner la priorité aux souhaits des riverains actuels (qui sont pour la plupart les heureux propriétaires d’une maison, souvent avec jardin). La majorité arc-en-ciel a choisi d’accorder la priorité à la qualité de vie des futurs locataires des logements à construire.
C’est donc un projet de PPAS fort similaire à celui présenté dans la brochure diffusée aux habitants en avril 2006 (avec quelques petites modifications allant dans le sens de leurs demandes) qui fut adopté par le conseil communal de juin.
- Cinquième choix : celui du nouveau Collège MR-PS après l’enquête publique. Respect du travail du Collège précédent ou remise fondamentale en question ?
Dans le contexte d’une participation massive à l’enquête publique pour contester le projet de plan, le nouveau Bourgmestre Armand De Decker (« empéché » et en campagne électorale fédérale !) s’est montré soucieux de ne pas déplaire aux riverains : il a exprimé sa volonté d’une suppression de toute voirie intérieure carrossable et de la préservation de la prairie. Ce qui, sans une diminution de l’ordre de grandeur de 200 logements, implique de charger davantage le bâti périphérique… aux dépens du réseau de maillage vert ?
Le principe d’une restriction de l’accès de l’intérieur d’îlot à la voiture va dans le sens de ce que j’ai toujours souhaité (mais sans avoir eu la moindre chance de l’obtenir du Collège précédent !),
Mais l’idée d’un déplacement du bâti aux dépens du bois (côté J. Benaets) me semble être un choix discutable pour plusieurs raisons : c’est dans le bois que nichent les oiseaux ; d’importants travaux de terrassement seront nécessaires ; la circulation est déjà bien difficile rue Benaets ; et les nouveaux logements seront intégrés dans un environnement de moindre qualité.
Par contre, permettre de densifier davantage la bordure de la Vieille rue du Moulin ne posait pas de gros problèmes… sauf que cela remit à l’avant plan des préoccupations l’épineuse question controversée de l’assainissement (possible ? nécessaire ?) de l’ancienne décharge communale.
- Sixième choix : répondre ou non à l’exigence pressante du comité de quartier de dépolluer la décharge ?
Dans le projet de PPAS modifié par le bureau d’étude, le choix a été confirmé par le Collège MR-PS de ne pas envisager de bâtir sur le site de la décharge. Malgré la propagation de rumeurs relatives à sa toxicité (dépassant largement les conclusions des rapports d’experts) ; et conformément aux recommandations du rapport sur les incidences environnementales en matière de biodiversité ; et compte tenu de la nature sableuse du sous-sol (rendant impossible le maintien d’une haute paroi verticale de près de 20m en amont de la zone excavée et impliquant donc un empiétement important sur la surface potagère).
Un choix qui n’a manifestement pas été compris ni admis par les défenseurs du plateau, qui semblent décidés à ne pas abandonner la lutte.
Tel qu’amendé à de multiples reprises, le PPAS Avijl finalement adopté par le Conseil communal en début mars 2009, est un compromis visant à préserver le « cœur » du plateau (priorité des riverains) tout en permettant la construction de 200 logements de qualité à finalité sociale sur ce terrain public (priorité du pouvoir communal). Reste à obtenir l’aval du gouvernement régional.
En guise de conclusion
L’exemple du projet Avijl illustre bien la nécessité comme la difficulté de faire des choix en politique.
Une page semble tournée…mais combien de temps a-t-il fallu pour l’écrire ! Et combien de temps faudra-t-il encore pour en concrétiser les intentions ? En attendant, les listes de demandes de logement à prix modéré s’allongent…
Il est décidément bien difficile, dans une commune verte comme Uccle,
d’accorder la priorité au besoin social de logements !