J’hésite à signer des pétitions. A la lecture attentive du texte qui m’est soumis, je trouve le plus souvent l’un ou l’autre passage qui me pose problème. Par ailleurs, l’information qui m’est donnée me paraît souvent insuffisante pour me faire une opinion fondée.
Différente m’apparaît la démarche d’Amnesty International. Le poids du nombre est aussi utilisé comme moyen de pression ; mais chacun des signataires s’est impliqué dans l’action militante, en prenant la peine d’approfondir son information avant l’envoi d’un courrier à titre personnel.
Il y a pétition et pétition.
Les mobilisations de masse en matière d’éthique, au nom du respect des droits de l’homme, sont un message de la société civile qu’il est parfois nécessaire que les politiques entendent. Tout autre chose, me semble-t-il, est la pétition qui naît spontanément d’une contestation riveraine d’un projet d’urbanisme.
On est en effet en droit de se demander quelle est la légitimité démocratique de pétitions qui sont proposées à la signature de personnes qui n’ont parfois qu’une connaissance superficielle du dossier qu’elles dénoncent. D’autant plus que le texte expose souvent des informations biaisées, voire erronées.
Les leaders des comités de quartier mettent généralement en exergue le grand nombre de signatures récoltées. J’ai toujours essayé de leur faire comprendre que l’élément le plus susceptible d’influencer la décision n’était pas le nombre des signataires mais la pertinence et la qualité des arguments avancés.
Une association citoyenne fonde son action sur la sensibilisation des médias et le lancement de pétitions. Elle en a fait son nom : « Pétition-Patrimoine ».
Son action se fonde sur la législation en vigueur qui oblige le Gouvernement régional à entamer une procédure de classement pour un bien s’il reçoit une pétition d’au moins 150 signatures appuyée d’un avis favorable de la CRMS (Commission Royale des Monuments et Sites). Elle milite, par principe, pour la préservation de tout ce qui est ancien dans le bâti bruxellois.
Tout en reconnaissant l’utilité d’un combat militant contre les démolitions abusives, je déplore le mode d’action qu’elle privilégie parce qu’il esquive le débat contradictoire.
En effet, j’ai été surprise de constater que cette ASBL est rarement représentée lors des séances publiques des commissions de concertation ; et qu’il lui arrive souvent de lancer une pétition pendant l’enquête publique, voire même après que la commission ait rendu son avis.
Le cas d’une des dernières villas style « cottage anglo-normand » de l’avenue Churchill (menacée de destruction par un projet d’immeuble à appartements conforme à la législation en vigueur) fit cependant exception : en commission de concertation, le représentant de l’ASBL avait fait un vibrant plaidoyer en faveur de la préservation de la villa. Si nous avons, non sans hésitation, finit pas décider de refuser le permis demandé, ce n’est pas en raison de la pétition tardivement reçue ; l’introduction d’une demande de classement a constitué un fait nouveau dont le Collège a jugé légitime de tenir compte.
Par contre, dans le cas de la délivrance d’un permis pour un immeuble remplaçant une ancienne maison de l’avenue Brugmann (en très mauvais état), Pétition-Patrimoine n’était pas présente à la commission de concertation ; et le conflit s’est aggravé par le fait que l’association a ensuite accusé la Commune d’incurie. Après une mise au point de ma part, les journalistes n’ont pas relayé ce point de vue manifestement tendancieux.
L’initiateur d’une pétition porte une lourde responsabilité.
Il lui appartient de mesurer son propos et de prendre la peine d’expliciter
honnêtement la cause qu’il défend aux personnes dont il sollicite la signature.
A défaut de quoi, cette pratique est de la pseudo-démocratie,
qui peut virer à de la manipulation délibérée.