L’habitude a été prise de parler de « paysage politique ».

Ce n’est pas ce sens dérivé qui sera l’objet de ce commentaire

mais bien celui plus classique d’une étendue territoriale qui s’offre à la vue

Un beau mot qui, comme le suggère François Ost, semble résulter

« de la superposition du pays et du visage ».


J’ai toujours été très sensible à la diversité et l’harmonie des paysages.

J’aime les observer de points de vue différents, les dessiner et les photographier ; j’aime aussi contempler les tableaux impressionnistes qui les traduisent en une vision subjective.

J’ai fait mes études de géographie à une époque où celle-ci était, d’abord, considérée comme « la science des paysages », plus ou moins modelés par les civilisations humaines. Il nous est rarement donné, en effet, d’observer un paysage « naturel » ; de nos jours, l’homme a imposé sa marque sur quasi l’entièreté de la surface de la terre. J’ai donc appris à « lire » un paysage, à analyser ses différentes composantes et à les replacer dans une longue histoire naturelle et sociale.

Ma perception des paysages urbains s’est affinée par l’expérience de mon échevinat. Elle est devenue à la fois plus consciente et plus exigeante.

Un paysage est une façon d’éprouver l’espace. Il se perçoit ; on le sent et le respire. Un paysage s’aime ; on n’est pas toujours capable de dire pourquoi. Le regard que nous portons sur un paysage est imprégné de nos émotions personnelles et de nos références culturelles. D’une façon ou d’une autre, le paysage est toujours une vision « culturelle ».

Dans notre vision globale émergent des éléments qui font signe. Pour se retrouver dans un paysage on a besoin de repères. Ceux-ci apportent un sentiment de cohérence et nous rassurent. Ils donnent une identité aux lieux. Ils peuvent être à des échelles très diverses et diffèrent de jour et de nuit.

Un paysage s’analyse et se comprend. Il résulte d’une succession de temps inscrits dans un espace. Il témoigne d’une manière d’organiser l’espace marquée par une histoire. N’oublions pas, en effet, qu’il se construit ; et que le politique a une grande part de responsabilité dans sa construction et son entretien.

La protection des paysages

Il existe une « Convention européenne du paysage » (dite Convention de Florence, adoptée en 2000). Elle consacre la reconnaissance juridique du paysage « comme une composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine culturel et naturel et fondement de leur identité ».

Cette convention a été ratifiée par la Région bruxelloise, mais la mise en œuvre d’une politique concrétisant cette reconnaissance n’est pas encore effective.

La quête citadine d’un paysage « naturel »

Les habitants des villes manifestent souvent une grande soif de nature. Cette quête de nature (en terme de paysage) présente le paradoxe de conduire à une destruction de la nature (en terme d’écosystème et de biosphère) lorsqu’elle conduit à privilégier le modèle d’un habitat diffus de maisons unifamiliales isolées dans leur jardin avec son corollaire d’une grande dépendance à l’automobile.

L’empreinte écologique d’une ville compacte et mixte, construite en mitoyennetés, est évidemment beaucoup moins grande : emprise au sol et surface extérieure diminuées, moindres coûts d’énergie et de construction, pollution réduite. Et la présence d’éléments de verdurisation peut y être multipliée sous des formes moins très diversifiées.

Qu’en est-il du paysage ucclois ?

Vu d’en haut, le paysage urbanisé de notre commune apparaît comme particulièrement vert. Une impression qui se confirme lorsqu’on le découvre à pied ou à vélo. Il porte encore localement l’empreinte d’un passé rural ; et les étapes d’une urbanisation progressive se lisent au travers de tissus résidentiels très différenciés des points de vue urbanistique et sociologique.

Ce paysage est fait de pleins et de vides. On croit souvent que ce qui fait le paysage urbain c’est l’agencement des volumes construits. C’est oublier que c’est dans l’espace en creux délimité par ces volumes pleins que s’inscrit notre champ de vision et notre liberté de mouvement. Et que c’est d’abord lui qui, par sa forme, ses proportions et son aménagement, influence la qualité des lieux.

Les qualités de ce paysage doivent être préservées. Il y va de la responsabilité des pouvoirs publics. Plusieurs services ucclois y contribuent.

  • Le service public de l’Urbanisme assume un rôle important de gardien de la richesse et de la cohérence du paysage urbain.

    Par sa vigilance dans l’instruction des demandes de permis il peut empêcher les gabarits en rupture d’échelle, les fermetures de perspectives, les atteintes aux sites classés, le manque d’animation de façades trop massives, l’éradication de la nature en ville… Il peut conseiller les citoyens et encourager les réalisations architecturales privées de qualité. Par l’élaboration de plans d’aménagement, il peut orienter et baliser l’évolution à long terme d’un quartier.
  • Le service des Travaux s’occupe, lui, plus particulièrement de l’aménagement des espaces publics.

    Plusieurs places ont été rénovées ces dernières années (St Job, parvis St Pierre, Stalle, Danco). La présence envahissante des voitures en stationnement y a été réduite au bénéfice d’une meilleure perception des qualités de l’espace. Le petit mobilier urbain et le choix des matériaux de revêtement du sol ont été réfléchis ; ils ont toute leur importance dans l’esthétique d’un espace public. De même que l’éclairage nocturne. Celui-ci est régi à Uccle par un « plan lumière » de qualité adopté en 2003 ; il vise notamment à la mise en valeur du patrimoine architectural et des espaces verts. La lumière devient une composante du paysage, qui peut être créatrice d’une ambiance et d’une symbolique significative des lieux.
  • Le service Vert est responsable des arbres d’alignement dans les voiries communales, de l’entretien des parcs publics et des petits espaces fleuris.

    Le concours annuel d’ « Uccle en fleurs » incite les habitants à verduriser leurs façades et leurs vitrines ; il rencontre un grand succès.
  • Les services de police et les fonctionnaires autorisés à dresser des amendes administratives contribuent à la lutte contre la dégradation du paysage urbain

    Dépôts clandestins, vandalisme, tagage sauvage et immeubles abandonnés peuvent être causes d’une dégradation d’un quartier rapidement contagieuse et dévalorisante pour ses habitants.

    Les chancres urbains sont des éléments particulièrement déplaisants dans le paysage par leur laideur et par l’insécurité qu’ils génèrent.

    Les causes en sont diverses (problèmes de succession, litiges juridiques, raisons de santé, mise en vente et manque d’acquéreurs …). L’avenir de la plupart d’entre eux a été réglé dans le courant de la législature arc-en-ciel ; plusieurs ont déjà disparu grâce à des rénovations ou reconstructions.

La qualité du paysage urbain est donc fonction de l’action conjuguée

d’un grand nombre d’acteurs, élus, fonctionnaires et citoyens.

Elle contribue grandement au bien être des habitants.

Mais le jugement que l’on porte sur un paysage

relèvera toujours d’une grande part de subjectivité.

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