Ce néologisme d’origine anglophone est aujourd’hui intégré au vocabulaire sociologique.

Il signifie littéralement : « Not In My BackYard » soit « pas dans mon jardin ».

C’est le cri de celui qui défend son environnement proche face à un projet d’implantation.


L’expression est connotée péjorativement. On parle d’ailleurs du « syndrome » nimby ; ce qui suppose qu’il s’agit de symptômes d’un état pathologique. Le « nimbysme » (pardonnez-moi cet autre néologisme) a aujourd’hui très mauvaise presse. Mais, en même temps, la multiplication de ce type de réactions conflictuelles fait question et alimente aujourd’hui de nombreux débats de fond relatifs à la stigmatisation de ce type d’attitude.

Je crois qu’il faut ici distinguer le caractère du projet mis en cause : l’implantation contestée est-elle d’intérêt collectif ou particulier ? Et aussi prendre en compte l’importance fondamentale de l’information et de la concertation dans ce type de conflit.

Une image négative justifiée ?

Trois craintes principales sont susceptibles de susciter le réflexe nimby d’un habitant: la crainte d’une dégradation de son cadre de vie ; dans certains cas celle d’une atteinte à sa santé ou à sa sécurité ; et enfin celle d’une dévalorisation de son bien immobilier.

Alimenté par ces peurs, la réaction nimby est contagieuse. Elle devient rapidement un emballement collectif générateur d’un militantisme contestataire tenace. Elle conduit souvent à proposer d’autres localisations jugées plus adéquates.

L’image négative d’un « syndrome nimby » est certes justifiée quand des populations favorisées contestent l’implantation dans leur voisinage d’un équipement collectif utile voire nécessaire (équipement hospitalier, école, déchetterie, logements sociaux…), en raison de ses nuisances réelles ou supposées. Ce qui implique, forcément, qu’il aille se mettre ailleurs ! Et vouloir reléguer les nuisances d’un projet d’intérêt général sur les catégories sociales les plus défavorisées ou suggérer des localisations de moindre qualité pour les infrastructures projetées alimente le cercle vicieux de la discrimination socio-spatiale.

Le meilleur exemple que je puisse en donner est l’intervention d’une habitante du quartier Fond’Roy lors de l’assemblée générale annuelle du comité de quartier. C’était l’époque où s’annonçait l’instruction d’une demande de permis introduite par la clinique psychiatrique Fond’Roy pour d’importants travaux de transformation ; l’assemblée témoignait d’une inquiétude d’autant plus grande que la teneur du projet était encore mal connue. Après avoir déclaré qu’elle « pensait exprimer publiquement ce que tous pensaient tout bas », cette personne affirma que « ce type d’établissements, il faudrait les implanter en bordure du ring ». Cela se passe de commentaire !

D’autant plus que la clinique en question existe là depuis le début du siècle, donc depuis bien avant que ne se soit développé ce quartier résidentiel privilégié.

Mais le caractère nimby des contestations riveraines n’est pas toujours aussi évident.

Car c’est la défense de l’Environnement qui est mise en avant, arguments scientifiques et juridiques à l’appui, pas celle de « son » environnement. Et l’on explique, de bonne foi, toutes les raisons qui justifient par exemple la préservation de la zone verte menacée par un projet immobilier.

Dans le militantisme environnemental d’aujourd’hui,

remarque Henry Goldman dans la revue « Politique » de février 2007,

« la motivation de type nimby s’habille le plus souvent d’une rhétorique vertueuse ».

Par ailleurs, des mouvements de résistance citoyens fondés au départ sur des motivations individuelles égocentriques peuvent conduire à des réflexions collectives plus générales sur les relations de l’homme avec la nature et sur celles du citoyen avec le pouvoir.

Le cas de la contestation du projet de construction de logements publics sur le plateau Avijl à Uccle me semble en être un bon exemple.

Un sens restrictif du concept ?
Tous les conflits d’implantation ne sont pas nimby.
Il y a en effet des exceptions notoires de combats environnementaux non nimby ! Uccle en a connu plusieurs.

Trois célèbres luttes citoyennes uccloises (contre le passage d’un ring autoroutier dans la vallée de St Job, pour le maintien du Kauwberg en espace vert et contre le projet d’incinérateur de Drogenbos) me semblent, par exemple, avoir eu la grande qualité de n’être pas entachés de nimbysme. L’objectif était ici celui de l’intérêt collectif à long terme de la région bruxelloise dans son ensemble ; non pas la défense de leur cadre de vie par les habitants d’un quartier. Les leaders de la contestation n’étaient d’ailleurs pas des riverains mais des associations environnementales.

Certaines contestations vont même plus loin en remettant en question le choix technique sous-tendant le projet d’implantation (d’une centrale nucléaire par exemple ou d’une usine de biocarburants …). On est dans ce cas face à un conflit de type BANANA : Built Absolutely Nothing Anywhere Near Anybody !
Les militants environnementaux mettent alors en avant l’idée d’une solidarité beaucoup plus élargie que celle défendue implicitement par leur détracteurs invoquant le concept nimby ; et la stigmatisation de leur action provoque l’escalade dans le conflit.

Par ailleurs, la question se pose de savoir si l’on encore parler de nimbysme lorsqu’il s’agit de la contestation de projets immobiliers privés?
On peut estimer que non puisqu’il ne s’agit pas ici d’un projet d’intérêt général (quoique cela soit discutable s’il s’agit par exemple de construire du logement répondant à un réel besoin).

Mais j’ai été frappée par la tonalité de l’argumentation fréquemment développée par les riverains. Comme si le fait de s’être installé le premier quelque part conférait le droit de s’opposer à ce que les suivants puissent faire de même !

La réponse politique au phénomène nimby

Par électoralisme, les élus de l’opposition sont tentés de « surfer », sur toutes les contestations riveraines des comités de quartier.

J’ai été souvent sollicitée en tant que conseillère communale dans l’opposition ; mais je ne crois pas avoir cédé à cette tentation ! Un exemple : mon refus de soutenir l’opposition riveraine à l’implantation de la nouvelle déchetterie communale rue de Stalle.

Ceux de la majorité se montrent souvent plus nuancés. Probablement parce que mieux à même d’aborder les dossiers d’urbanisme dans toute leur complexité ; mais aussi, surtout, parce qu’ils participent à la lourde responsabilité de la prise de décision.

Devenue échevine, j’ai veillé à fonder toujours mes jugements sur une analyse des demandes de permis la plus objective possible, à la lumière d’une large confrontation des différents points de vue. Et j’ai veillé aussi à expliquer les raisons des décisions prises.

Le problème difficile se pose d’une évaluation objective par le pouvoir public de la réalité et de l’ampleur des nuisances potentielles du projet (voire dans le cas d’une installation industrielle polluante de la mesure du risque pour la santé des riverains). C’est ici une affaire d’expertise mais aussi de confiance.

L’expert est là pour éclairer ; il appartient à l’autorité publique de décider. La crédibilité de l’expertise sera d’autant plus grande que les bureaux d’étude consultés pourront communiquer avec la population en cours de processus.

La confiance des citoyens est très liée au fait qu’ils se sentent écoutés dans un climat transparent. Une façon de limiter le développement du phénomène nimby est l’information et la consultation des parties concernées le plus tôt possible.

Ne réduisons pas toutes les contestations citoyennes au nimbysme.

Mais ne laissons pas le syndrome nimby polluer

les démarches de démocratie participative.

La défense de son espace territorial

est une réaction instinctive généralisée dans le règne animal.

Mais de tous les animaux, l’homme est le seul à avoir la capacité de maîtriser

ses instincts, au nom d’exigences éthiques qu’il s’est imposées et qui l’honorent.

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