Ce mot évoque le plus souvent une cohabitation des deux sexes.

Il s’utilise cependant aujourd’hui dans trois sens différents.


Une mixité des genres aujourd’hui généralisée en Occident

Le concept de « genre » est récent. Il ne se réfère pas aux différences biologiques entre hommes et femmes mais bien à la construction sociale de la « masculinité » et de la « féminité ».

Le principe de la mixité des genres est désormais acquis en éducation.

La façade de l’athénée d’Uccle (demeurée inchangée avec ses deux entrées affichées « filles » et « garçons ») est un témoignage d’une époque scolaire révolue. Mais la mixité n’est devenue obligatoire dans l’enseignement officiel belge qu’en 1970 et l’imposition légale des mêmes choix d’études pour filles et garçons ne date que de 1978. Les mouvements de jeunesse sont eux aussi pratiquement tous devenus mixtes aujourd’hui.

La recette n’est pourtant pas miraculeuse : le sexisme est loin d’être mort. Tout un chapitre de cet abécédaire y est consacré.

De nombreux faits en témoignent dans les domaines du langage, de l’emploi, des salaires et de la publicité plus particulièrement… mais aussi de l’éducation (à commencer par le choix des jouets !).

La mise en pratique de la mixité progresse dans les milieux professionnels, y compris ceux qui étaient traditionnellement les plus réfractaires tels que l’armée, la police, et les pompiers. Mais le déséquilibre des genres demeure flagrant dans de nombreuses professions (en Belgique, 90% des secrétaires et des infirmiers sont des femmes alors qu’elles ne représentent que 13% des ingénieurs) et nos responsables politiques demeurent très majoritairement masculins malgré la parité sur les listes.

Combattre le sexisme est d’autant plus difficile qu’il est souvent inconscient.

Des recherches récentes ont mis en lumière, par exemple, que les enseignants ne se comportaient pas de la même façon vis-à-vis de leurs élèves selon qu’ils sont filles ou garçons. Ils laissent par exemple à ces derniers un plus large espace de parole ! Et, en 1973 déjà, la psycho-pédagogue italienne Elena Belotti dénonçait, dans son livre à succès « Du côté des petites filles », le fait que la discrimination commençait dès le premier âge par la manière différente dont les mères prodiguent leurs soins aux nouveaux-nés selon qu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille !

Une mixité des fonctions encore toute relative en urbanisme

Lorsqu’une planification urbanistique se mit en place après la seconde guerre mondiale, elle se référa fondamentalement aux conceptions fonctionnalistes de la « Charte d’Athènes ».

Celle-ci, écrite par le célèbre architecte français Le Corbusier en 1942, distingue quatre fonctions urbaines : habiter, travailler, se récréer et circuler. L’image du trèfle à trois feuilles avec ses nervures symbolise bien la volonté de cette charte d’une nette séparation dans l’espace des trois premières fonctions, avec la création d’un réseau de voies de circulation les reliant entre elles. C’est un principe d’organisation urbaine qui va influencer, pendant un demi-siècle, les plans d’aménagement de toutes les villes européennes.

Cela explique que le premier plan bruxellois d’aménagement du territoire (le « Plan de secteur » adopté en 1979) imposa un découpage de l’espace urbain en zonesd’affectation monofonctionnelle homogènes (à quelques exceptions près).
Mais dans le PRAS (nouveau Plan Bruxellois d’Affectation des Sols adopté en 2001), le principe d’une mixité urbaine s’est affirmé.

Le plan distingue deux types de zones résidentielles et deux types de zones mixtes dans l’objectif d’une autorisation croissante de la coexistence de différents types de fonctions au sein d’une même zone.

Dans une perspective d’avenir, la mixité fonctionnelle s’impose. On en revient aujourd’hui à l’idée d’une ville où peuvent coexister des hommes et des activités diversifiées dans un même espace. Cette mixité des fonctions est une manière de réduire les besoins de déplacement en ville et donc la consommation d’énergie et la pollution qu’ils engendrent. Elle est pourtant mal intégrée dans l’esprit des habitants et encore trop peu concrétisée par les acteurs du développement urbain.

Cette mixité fonctionnelle peut se concevoir à des échelles spatiales différentes : celle d’un quartier, d’un îlot, voire d’un immeuble. Celui de la tour Martini (construite dans les années 60 à la place Rogier et récemment démolie) en était un bon exemple, étonnamment précurseur : elles abritait des fonctions commerciales, culturelles et résidentielles étagées.

Les zones « mixtes » et de « forte mixité » au PRAS sont relativement peu nombreuses à Uccle. Bien que des activités diversifiées y soient autorisables (logement, petites et moyennes entreprises, bureaux d’indépendants, commerces, services publics, espaces verts) les promoteurs ont aujourd’hui tendance à privilégier la fonction résidentielle : le libre jeu de la loi du marché fait que le logement est devenu plus rentable que le bureau, surtout lorsqu’il est « de standing ».

Dans l’objectif d’une politique de maintien dans notre commune d’activités de production qui sont sources d’emploi, j’ai relayé auprès du Collège un rapport bien argumenté de l’administration de l’Urbanisme préconisant l’adoption d’une « ligne directrice » dans l’instruction des demandes de permis qui concernent ces zones.

Le débat fut intéressant. Sans aboutir à une prise de décision formelle : l’imposition communale d’un certain taux de mixité était difficile car une telle précision ne figure pas dans les prescriptions du PRAS et le choix d’un chiffre aurait inévitablement comporté une part d’arbitraire. Le Collège préféra se garder la liberté d’une prise de décision au cas par cas ; mais j’espère que cette sensibilisation au problème n’aura pas été inutile.

Une mixité sociale qui fait encore souvent peur
Le concept de mixité sociale relève plus de l’ordre d’un discours idéologique (se voulant progressiste) que de la réalité vécue dans les faits.

Difficile de commenter cette expression aujourd’hui sans faire d’abord référence au « décret mixité » dans les établissements scolaires secondaires !

Ce problème d’actualité est né d’une volonté politique récente dont j’approuve le principe (tout en estimant que la mixité sociale recherchée – à juste titre – n’est pas le garant certain d’une meilleure formation scolaire !). Il s’avère malheureusement, que la mixité dans les écoles se décrète moins qu’elle ne se construit sur le terrain et que les modalités proposées pour la réaliser présentent des effets pervers.

Face à ce problème difficile à résoudre, je suis particulièrement sensible aux contradictions suivantes : l’incompatibilité entre l’idéal d’une école de proximité et celui d’une mixité sociale au sein de chacune des écoles ; et le conflit de valeurs entre la plus grande liberté de choix possible pour tous les parents et l’intérêt d’une continuité pédagogique entre le primaire et le secondaire (d’autant plus légitimement recherchée qu’il s’agit d’un enseignement alternatif s’inscrivant dans l’éducation nouvelle).

Il me parait plus pertinent de m’étendre ici davantage sur la question de la mixité sociale dans les quartiers d’habitation ; et, d’une manière plus générale, des politiques d’aménagement du territoire urbain comme instrument pour atteindre cet objectif.

Les habitants des quartiers bourgeois des communes bruxelloises de la deuxième couronne préfèrent rester entre eux. La proximité d’une « cité sociale » leur donne un sentiment d’insécurité ; et la crainte d’une dévalorisation de leur propriété immobilière chèrement acquise est implicite dans leurs réticences.

Les exemples ucclois du Melkriek et du plateau Avijl ont largement témoigné de cet état d’esprit. La nécessité de répondre au besoin insatisfait de logements sociaux est pourtant généralement admise ; mais, si possible, pas trop près de chez soi (la tentation nimby n’est jamais loin !).
Plutôt que de créer de nouveaux « ghettos », on prône la dispersion des habitations sociales dans l’espace. Les « agences immobilières sociales » sont un instrument très utile à cette fin. Mais elles sont loin de suffire à répondre à l’ampleur des besoins à satisfaire.

La construction de logements à finalité sociale s’impose donc sur les terrains dont disposent encore les pouvoirs publics en région bruxelloise ; la maîtrise du sol et du bâti en ville est en effet devenue un des principaux enjeux du combat pour plus de justice sociale.

J’ai fait dresser la carte des terrains à bâtir publics ucclois. Deux permettent un ensemble de constructions d’une certaine envergure : le terrain du CPAS au Moensberg et le plateau Avijl propriété de la Régie foncière communale. Sur ce dernier, de loin le plus vaste, le projet mixte de 200 logements envisagé par la Commune, (pour moitié sociaux et moitié des logements moyens) qui nécessitait au préalable la révision d’un ancien plan d’urbanisme en vigueur pour ce quartier. Comme en témoigne un autre texte de cet abécédaire, il a suscité une opposition farouche (présentée au nom de la défense de l’espace vert).

L’incompréhension et la peur naissent de l’inconnu. Les contacts entre personnes de statuts sociaux différents peuvent être favorisés par un aménagement ouvert et convivial de l’espace public, propice aux rencontres et au dialogue.

Dans le cas du projet du Moensberg, initié par la Région, tous les logements seront sociaux. Les riverains ont déploré à juste titre le fait que le projet tel que présenté à l’enquête publique était trop replié sur lui-même : car, cela mérite d’être souligné, les habitants de ce quartier n’ont pas témoigné du syndrome nimby si fréquent dans les quartiers résidentiels des communes de la deuxième couronne !

Soyons cependant conscients qu’une politique volontariste de dispersion des logements sociaux dans l’espace n’est pas le garant de la mixité sociale recherchée. Elle risque au contraire de favoriser les replis identitaires. L’incompréhension et la peur qui naissent de l’inconnu s’ajoutent à la volonté de se retrouver entre gens qui ont les mêmes habitudes de vie.

Le processus spontané inverse de « gentrification » de quartiers urbains populaires (reconquis par des individus de classe moyenne en mal d’un retour aux centres ville) risque lui aussi de ne pas favoriser une plus grande mixité étant donnés les mécanismes insidieux d’exclusion sociale qui sont liés à l’inévitable augmentation du coût des logements qui en résulte. Et lorsque les pouvoirs publics renforcent la tendance par les rénovations urbaines des contrats de quartier n’aggravent-ils pas le risque d’exclusion des populations les plus fragiles forcées de s’installer ailleurs… mais où ? La gentrification est un fait, qui peut s’observer dans de nombreux quartiers bruxellois ; ses implications sociales font aujourd’hui l’objet d’un large débat dans lequel les politiques devraient s’impliquer davantage.

Les quartiers peu à peu transformés par une gentrification spontanée ne sont pas toujours dans le centre ville : celui de St Job en est un bon exemple à Uccle, de même que celui du Balais à Watermael-Boitsfort. Dans le cas de St Job, il est intéressant de constater que les jardins potagers du plateau Avijl constituent un espace de convivialité propice aux échanges entre personnes d’origine sociale diverses que réunit une même passion pour le retour à la terre.

Les contacts entre personnes de statuts sociaux différents peuvent être favorisés par un aménagement ouvert et convivial des espaces publics, propice aux rencontres et au dialogue. A quoi s’opposent, bien sûr, certaines politiques locales de défense des lieux publics contre les « indésirables » (mendiants, drogués, sans-abri, immigrés, jeunes désoeuvrés…!).
Une ville comme Los Angeles offre un bien triste exemple caricatural de cet urbanisme sécuritaire. Mais, attention, nos Collèges communaux ne sont pas à l’abri de la tentation d’éliminer les signes visibles d’un malaise social plutôt que d’en soigner les causes.

Trois mixités, trois idéaux qui donnent matière à réflexion !

Share This