J’ai la chance d’être propriétaire de la petite maison où j’habite aujourd’hui. Mais pendant longtemps j’ai connu le sort des familles à revenus modestes, locataires de leur logement et à la merci des aléas liés à cette dépendance pour la satisfaction d’un besoin vital. Dans chacun de mes très nombreux logements successifs, j’ai engrangé des souvenirs et laissé un morceau de mon cœur.

Ma prise en charge des compétences échevinales de l’Urbanisme et de la Régie foncière n’était donc pas dénuée d’une part d’affectivité !

Le droit au logement, un droit vital

Ce droit est désormais inscrit dans la Constitution belge. Par ailleurs, le Code régional du Logement entré en vigueur en 2004, définit des normes de qualité et de sécurité pour la mise en location d’un logement.

Mais quel droit est considéré comme le plus sacré : celui du propriétaire à disposer librement de son bien ou celui de tous à disposer d’un toit ? Poser la question c’est y répondre ; car si le second était concrétisé dans les faits la question ne devrait pas être posée !

Sans remettre en cause les droits des bailleurs, la protection des droits des locataires me semble avoir droit à la priorité.
Au nom de la défense des plus démunis et parce qu’il existe des propriétaires abuseurs ; mais aussi parce qu’un propriétaire dispose d’un capital qu’il est aisé de faire fructifier.

Dans le contexte du marché immobilier privé en hausse depuis de nombreuses années, il est possible pour un propriétaire de doubler sa mise en moins de 10 ans !

Par ailleurs les « Agences Immobilières Sociales » (AIS), qui existent aujourd’hui dans la plupart des communes bruxelloises, apportent une réponse intéressante au problème des propriétaires qui se plaignent du comportement de leurs locataires (dégradation du bien, retard de paiement…).

Les AIS louent à des personnes qui répondent aux conditions du logement social. C’est une solution particulièrement appropriée pour les propriétaires qui sont des personnes âgées puisque l’AIS assure le paiement d’un loyer régulier et prend en charge toutes les responsabilités inhérentes à la location et l’entretien du logement. L’ensemble des AIS bruxelloises ne représentent pourtant encore qu’environ 2000 logements (vu la réticence de beaucoup de propriétaires à accepter de ne toucher qu’un loyer modéré).

Je suis cependant favorable aux mesures politiques qui facilitent l’accès à la propriété de son propre logement. Car être propriétaire procure une sécurité précieuse pour la satisfaction d’un besoin vital ; ce qui s’avère particulièrement utile pour compenser l’insuffisance des pensions légales trop modestes.

La politique communale uccloise du logement

Depuis 2007, existe à Uccle un « Echevinat du Logement » (géré par le PS).

Une décision qui est plus qu’un symbole de l’importance accordée à la question. Elle va permettre une action politique plus efficace par le regroupement de compétences qui étaient dispersées.

Mais la prise de conscience du problème du logement ne date pas d’aujourd’hui. Dès l’an 2000, le Collège l’avait considéré comme prioritaire ; et, contrairement à ce qu’a prétendu l’opposition, un gros travail a été fourni par la majorité arc-en-ciel dans ce domaine. A commencer par l’établissement préalable nécessaire d’un constat objectif (un bilan des réalités communales en matière de logement, des problèmes qui se posent et des services existants pour y répondre) conduisant à des propositions d’actions qui relèvent des possibilités d’un pouvoir local.

Je me suis grandement impliquée, en étroite collaboration avec l’échevine Claudine Verstraeten, dans la rédaction de cette note de synthèse (« Pour une politique communale dynamique du logement »), qui fut longuement débattue en Collège avant d’être présentée au Conseil communal où elle a fait l’objet d’un échange fructueux en septembre 2005.

Les principaux faits de ce constat peuvent être résumés comme suit :

  • Une commune de propriétaires

    Contrairement à l’ensemble de la Région de Bruxelles-Capitale (où près de 60% des ménages sont locataires), Uccle est une commune dont une majorité des habitants a la chance d’être propriétaire de son logement.

    Ce qui n’empêche pas le problème du prix des loyers de s’y poser de manière de plus en plus aiguë, comme dans la plupart des autres communes de la région.
  • Une véritable crise du logement à Uccle

    Que ce soit sur le marché acquisitif ou locatif, il est de plus en plus difficile, même pour des ménages à revenus « moyens » de trouver à se loger sur Uccle à un prix abordable. La hausse du marché immobilier est générale à toute la région bruxelloise ; mais c’est à Uccle que les prix des maisons sont aujourd’hui les plus élevés.

    Plusieurs facteurs concourent à cette situation communale problématique.

     Un coût du terrain très élevé, qui se répercute au niveau de celui des promotions immobilières et conduit les promoteurs à vouloir densifier au maximum.

    La part du foncier dans le coût d’une habitation est de plus en plus importante en région bruxelloise. Le prix moyen du terrain a augmenté de 28% à Bruxelles en 2006 ! C’est pourquoi il est important que les pouvoirs publics gardent la maîtrise du foncier sur les terrains dont ils sont propriétaires.

     Une promotion immobilière privée très active qui privilégie la construction de logements « de standing », dits « supérieurs »… lorsqu’ils ne sont pas qualifiées de « grand luxe » dans les annonces publicitaires !

     Une demande de maisons unifamiliales renforcée par l’arrivée de résidents à haut revenu (fonctionnaires européens, cadres de multinationales…) attirés par un environnement vert de qualité.

     Une demande d’appartements accrue par une proportion croissante d’habitants du troisième âge relativement aisés.

     Une offre publique de logements fort limitée, insuffisante pour peser sur le marché locatif.
  • Un nombre de logements inoccupés relativement limité (contrairement à d’autres communes bruxelloises)

    Leur nombre n’est pas très élevé (beaucoup moins nombreux que ne l’affirme la rumeur !) et il s’est avéré que, dans la plupart des cas, le propriétaire pouvait justifier d’une raison valable à cet état de son bien. Citons notamment parmi les causes évoquées le conflit de succession non réglé, le contentieux avec un architecte ou un entrepreneur, un état de santé temporairement défectueux, le besoin d’une aire de stockage à l’étage au dessus d’un commerce… Uccle n’est pas victime des procédés spéculatifs dénoncés à juste titre dans le centre ville.
  • Et le logement social ?

    Il existe à Uccle des logements sociaux relativement dispersés dans l’espace. Un grand nombre de sites mais un petit nombre relatif de logements : moins de 5% du parc total de logements (un des deux taux les plus bas des 19 communes bruxelloises).

    Homborch, Stalle, St Job, Melkriek, Merlo, Neerstalle sont les sites des cités sociales (énumérées ici dans l’ordre chronologique de leur implantation des années 30 aux années 90). Deux d’entre elles sont des cités-jardins (Homborch et Melkriek).

    Ces logements sont gérés par deux sociétés agréées par la société régionale de logements sociaux (SLRB) : la S.U.L (Société Uccloise du Logement) et la société coopérative COBRALO. Sans oublier la vingtaine de logements sociaux gérés par la Régie foncière communale.

Des remèdes diversifiés ont été mis en œuvre fruit d’un consensus au sein de la majorité arc-en-ciel :

 Etude d’importants projets de construction de logements publics sociaux et moyens (Melkriek, Avijl, Pêcherie) sur des terrains bâtissables appartenant à la Commune.

 Rénovation par la S.U.L d’une quinzaine de maisons dans la cité sociale du Homborch et de l’immeuble social de la chaussée de St Job.

 Recensement systématique des immeubles inoccupés et modification du règlement communal pour accélérer la perception de la taxe (dont le montant aurait dû aussi être augmenté).

 Etablissement d’un cadastre des étages non affectés à du logement dans les noyaux commerciaux.

 Renforcement du personnel de l’Agence Immobilière Sociale (AISU).

L’essor de celle d’Uccle se heurte à la difficulté de trouver des propriétaires qui acceptent de ne toucher qu’un loyer nettement inférieur à celui qu’ils pourraient aisément obtenir sur le marché privé. Ils sont pourtant déchargés du travail de gestion de la location et le paiement du loyer leur est garanti que le logement soit occupé ou non : deux avantages sérieux !

 Refus des demandes de permis pour la division d’un immeuble en logements si ceux-ci sont de médiocre qualité. Imposition, par contre, d’une entrée séparée permettant l’accès aux étages, lors des demandes de rénovation des commerces..

 Imposition d’une part de logements moyens « conventionnés » (à prix modérés) à titre de « charge d’urbanisme » dans le gros projet privé de lotissement du plateau Engeland.

 Exonération partielle du précompte immobilier pour les jeunes ménages ucclois lors de l’acquisition de leur première habitation.

 Mise en place d’un « observatoire du logement » (avec un subside régional malheureusement fort limité).


Ces décisions de la majorité arc-en-ciel visaient à répondre à un double besoin pressant : celui de logements sociaux et celui de logements moyens à loyer modéré (accessibles à un prix inférieur à ceux du marché).

Dans le même esprit, d’autres solutions sont envisageables au niveau communal :

  • L’exploitation des instruments légaux au service d’une politique publique de réhabilitation de logements.

     Le droit de préemption (priorité d’achat donnée au pouvoir public lors d’une vente) et le droit d’expropriation (droit d’acquérir un bien foncier ou immobilier pour cause d’utilité publique moyennant le versement d’une juste indemnité) sont rarement mis en oeuvre par les pouvoirs publics communaux (en raison des réticences à s’opposer au sacro saint droit de propriété mais aussi d’un manque de capacités financières pour ce type d’acquisition).

     Plus réaliste est la mise en application du « droit de gestion publique » des logements inoccupés. La Régie foncière communale uccloise envisage de proposer à des propriétaires de gérer leur bien en vue de le mettre en location (après avoir effectué des travaux si nécessaire).

     Dans le même esprit s’inscrit l’initiative du CPAS de Namur (présidé par l’écolo Philippe Defeyt) visant à négocier avec les propriétaires la remise en location des logements inoccupés, via l’arbitrage du juge de Paix si nécessaire.

     Une association bruxelloise (Renovassistance) poursuit le même objectif : elle propose aux propriétaires la prise en charge de la rénovation d’immeubles en mauvais état et leur remise en location à des familles particulièrement démunies, pour un terme à définir de commun accord. Au terme du bail, le propriétaire récupère un logement rénové. Cette ASBL fonctionne sans subsides grâce à l’apport bénévole d’architectes et de juristes ! A ma connaissance, son action n’a pas encore concerné la commune d’Uccle.
  • Le soutien à des initiatives d’habitat groupé (avec un espace de vie commun) dont la demande s’inscrit dans une nouvelle culture d’habitabilité plus conviviale et solidaire.

     Associée pour l’occasion à l’asbl Abbeyfield, le Régie foncière de Watermael-Boitsfort projette la construction d’un petit immeuble (qui permettra d’offrir 9 logements individuels avec de vastes locaux collectifs) à l’intention de personnes âgées encore valides.

     L’initiative privée récente d’un écoquartier à Tournai est un bel exemple alliant mise en commun d’équipements collectifs et économies d’énergie.
  • L’octroi d’une allocation-loyer qui pourrait être liée à l’amélioration de la qualité du bien mis en location.

     Le Fonds de solidarité communal, les CPAS et le Fonds logement régional répondent déjà dans une certaine mesure à ce besoin de soutien financier aux locataires. Le fait de mieux garantir la solvabilité du locataire, en réduisant les risques pour le propriétaire, favorise une meilleure acceptation par ce dernier d’un plafonnage du loyer.

     Toutefois la question se pose de savoir s’il vaut mieux augmenter les allocations loyers ou mener une politique visant à augmenter l’offre de logement social…

J’ai personnellement été fort déçue par le contenu du volet Logement de l’agenda 21 ucclois adopté par le Conseil communal en octobre 2009. Les engagements ne sont pas chiffrés en matière de logements publics et tous les instruments à la portée d’un pouvoir local ne me semblent pas avoir été mis en oeuvre dans ce plan d’action.

Les politiques régionale et fédérale du logement

Une politique communale du logement n’est évidemment que le complément des politiques fédérale et régionale en la matière.

  • L’idée d’une régulation des loyers sur le marché privé est dans l’air.

    Elle est depuis longtemps pratiquée dans d’autres pays et défendue par Ecolo. Mais elle pose le problème des critères d’objectivation des loyers de référence.

    C’est un sujet où se manifeste une vive opposition idéologique droite/gauche.

    La première version de la note Logement présentée au Collège par les échevines Ecolo et socialiste faisait référence à la possibilité fédérale ou régionale d’instaurer un « moratoire » sur le prix des loyers ; nous avons dû la supprimer à la demande des membres du MR !

    Les arguments habituellement opposés aux mesures d’encadrement ne paraissent pas déterminants (« Les propriétaires n’entretiennent plus leur bien » ; « ils sélectionnent les candidats les plus fiables »…). Pourtant, des régimes d’encadrement des loyers existent déjà dans des pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg). Ils s’avèrent bénéfiques tant pour les locataires que pour les « bons » propriétaires parce que les hausses de loyers sont liées à l’amélioration de la qualité du logement.


    Récemment le débat a progressé sur la question.

     Au fédéral : obligation légale d’afficher le prix du loyer demandé et intervention du juge de paix si le prix est jugé excessif (mais le contrôle est à charge des communes qui n’ont pas les moyens de l’assurer !).

     Au régional bruxellois: vote (début mai 07) d’une résolution non contraignante mais dont la portée symbolique est importante ; réflexion en cours sur une modification de la loi sur les baux (matière récemment régionalisée).
  • Des réformes fiscales seraient très utiles.

    Une autre façon de modérer l’augmentation des loyers serait la taxation des revenus locatifs réels plutôt que celle de la valeur cadastrale du bien, avec déduction possible des charges. Cette réforme fiscale permettrait d’aboutir à une autorégulation des loyers et inciterait à la rénovation des bâtiments.

    On pourrait aussi exempter du précompte immobilier les propriétaires qui confient leur bien à une AIS.
  • La Société Régionale de Logement Bruxelloise (SLRB) mène une politique de construction de logements sur les terrains publics encore disponibles.

    Le fait de construire sur des propriétés foncières publiques diminue fortement le coût. Fort ambitieux, le « plan logement régional », initié par la Ministre socialiste Françoise Dupuis, prévoyait la construction de 5.000 logements à mettre en location (2/3 de logements sociaux et 1/3 de logements moyens).

    L’objectif était très louable mais le moins que l’on puisse dire est que sa concrétisation a été bien lente !

    L’exemple ucclois du projet Moensberg témoigne qu’une des raisons de cette lenteur réside dans des maladresses de conception des projets, trop souvent pas assez concertés avec les communes concernées.

    Le secrétaire d’Etat Ecolo Christos Doulkeridis qui lui a succédé semble l’avoir compris. Le plan logement régional est relancé avec des objectifs plus réalistes, notamment en termes de gabarits.

Trois remarques générales à propos de la conception des logements publics :

 L’intégration des projets dans leur environnement doit être une préoccupation dominante, avec la volonté de ne pas créer des ghettos repliés sur eux-mêmes ;

 L’architecte ne connaît pas les futurs occupants de ces logements, il est donc prudent d’en diversifier la taille et intéressant de prévoir une possibilité de recomposition des espaces de vie (habitat évolutif) ;

 L’investissement dans les performances énergétiques des logements sociaux devrait être une priorité pour diminuer les charges des futurs habitants (ce qui n’a malheureusement pas toujours été le cas).

Par ailleurs la Société de Développement Régional Bruxellois (SDRB) réalise d’intéressants projets de construction de logements moyens acquisitifs, vendus à des prix conventionnés.

Ils sont réservés à des ménages ne dépassant pas un certain seuil de revenu et proposés à l’achat à des prix très inférieurs aux prix du marché privé (avec l’obligation de ne pas revendre avant un moyen terme afin d’éviter les visées spéculatives). Décision a été prise en 2009 de ne plus construire que des logements passifs ou à haute performance énergétique.

Aucun des projets SDRB n’est situé sur Uccle, ce qui est regrettable compte tenu de la forte demande non satisfaite de logements moyens accessibles aux jeunes ménages.


Le Fond du Logement est un second outil public favorisant l’accès à la propriété de ménages bruxellois à revenu limité (par l’octroi de prêts hypothécaires à des taux très avantageux).
Une augmentation du parc de logements à prix « régulés » est nécessaire et possible dans beaucoup de communes, à commencer par celle d’Uccle.

En 2009, le gouvernement de l’Olivier bruxellois s’est fixé comme objectif d’atteindre dans chaque commune un quota de 15% de logements à gestion publique et à finalité sociale.

La crise du logement en Région bruxelloise

joue un rôle majeur dans la dualisation sociale.

Y remédier devrait être considéré comme une priorité.

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