Si un terme est aujourd’hui à la mode c’est bien celui-là ;

utilisé à toutes les sauces sans que soit explicité le sens qu’on lui donne.

Par ailleurs parler « d’environnement » évoque l’idée d’une conception dualiste

d’un homme face à une « nature objet » et non partie intégrante de cette nature.

Un mot piège en somme. Et une querelle de mots qui n’est pas vaine.

Impossible pourtant d’éviter d’employer ce mot

tant son usage est devenu habituel dans le langage courant !


Un contenu sémantique largement ouvert

  • Distinguons d’abord deux préoccupations : celle de la défense de « l’Environnement » et celle de la défense de « mon environnement ».

    La première s’inscrit dans un souci de l’intérêt général à long terme.

    Elle suppose une prise de conscience des problèmes environnementaux élargie en termes d’espace (ici et ailleurs) et de temps (aujourd’hui et demain). Elle est une démarche fondée sur un savoir scientifique rationnel.

    La seconde s’appuie sur des éléments concrets, visibles, et des perceptions qui comportent légitimement une large part d’émotion.

    Elle est plus mobilisatrice que la seconde mais elle peut conduire à des dérives du type « réactions nimby ». Il y a dérapage quand le combat pour l’environnement devient un moyen de sauvegarder la qualité de vie d’une communauté privilégiée.

    Il arrive que les objectifs des deux visions se rejoignent. Le risque est grand, cependant, que la première serve plus ou moins consciemment d’alibi à la seconde !

    Dans un but de clarté j’utiliserai la majuscule pour désigner la préoccupation d’intérêt général.
  • Soyons également conscients de l’existence d’une perception plus ou moins large du concept.

    Trois niveaux de signification du terme cohabitent dans notre société

    d’après Thierry Poucet dans un intéressant ouvrage publié en 1992 (« L’environnement, le comprendre pour le reconstruire ») :

     Premier niveau : La perception populaire spontanée d’un environnement menacé par des pollutions, qui est largement alimentée par les médias (images négatives de catastrophes environnementales, dont l’oiseau englué de pétrole est devenu le symbole) et par la publicité (images positives de la « pureté » de ce qui est naturel).

     Deuxième niveau : L’approche scientifique qui analyse méthodiquement tous les grands thèmes du milieu naturel concernés par la problématique et produit des rapports nourris sur lesquels se fondent, en principe, les « politiques de l’Environnement » menées par les pouvoirs responsables (à tous les niveaux, local, régional, national, européen et mondial).

     Troisième niveau : Une signification beaucoup plus large du mot, englobant toutes les composantes du cadre de vie des êtres humains, y compris celles qui ne sont pas naturelles comme l’aménagement de l’espace, les paysages, les transports en commun, les relations sociales, la sécurité, voire même les grands équilibres géopolitiques…

    Remarquons que la définition peu précise retenue par la Commission européenne rejoint cette conception la plus large :

    « L’ensemble des éléments qui forment dans la complexité de leurs relations

    les cadres, les milieux et les conditions de vie de l’homme et de la société ».

Une politique de l’Environnement

  • Un pouvoir de proximité tel que le pouvoir communal a une grande responsabilité en matière d’Environnement.

    D’abord par les décisions politiques qu’il prend dans sa pratique quotidienne.

    Je me souviens que ma première interpellation en tant que conseillère communale de l’opposition portait le titre suivant : « Y a-t-il une véritable politique de l’environnement à Uccle » ? A l’époque, Uccle n’avait pas encore engagé un écoconseiller; et l’ajout, tout récent, de cette compétence collégiale me paraissait encore très formel. Six ans plus tard, je me retrouvais échevine de l’Environnement, avec un service administratif composé seulement d’un fonctionnaire et demi et des compétences amputées de domaines importants (propreté publique, espaces verts publics et arbres de voirie, économat) demeurés sous la responsabilité d’autres échevins.

Je n’ai rencontré aucune difficulté pour faire accepter par la majorité arc-en-ciel la pratique novatrice d’une subsidiation d’associations environnementales. Moins facile fut l’imposition de conditions environnementales exigeantes à la délivrance des permis d’urbanisme et aux projets communaux de construction de logements. Plus difficile encore l’amorce d’une dynamique de comportements soucieux d’Environnement au sein des services de l’administration dépendants d’autres échevinats (par exemple pour la gestion du site sensible du cimetière communal, les achats de l’économat ou les économies d’énergie). Le rôle transversal de l’écoconseiller avait du mal à s’affirmer face à l’administration.

En 2007, après le départ d’Ecolo de la majorité, l’importance et l’influence du service ont paradoxalement pu grandir : il n’était plus à craindre que l’aura d’une politique environnementale locale plus déterminée ne bénéficie à notre parti du point de vue électoral ! Un plan de gestion du cimetière est en bonne voie ; une politique énergétique se met en place à l’échelle de tous les bâtiments communaux ; et le nouveau Collège a proposé au conseil communal l’élaboration d’un agenda 21 !

Ensuite parce qu’une commune peut assumer un rôle important en matière d’éducation à l’Environnement.

Je pense plus particulièrement ici à la formation des enseignants des écoles communales et à l’encadrement des locataires des logements sociaux. Le réseau IDée (pour l’Information et la Diffusion en Education à l’Environnement), créé à l’initiative des associations Inter Environnement Bruxelles et Wallonie, peut être apporter une aide précieuse à cet égard sous la forme d’outils pédagogiques divers.

  • L’essentiel des compétences est cependant assumé par le pouvoir régional.

    En Région de Bruxelles-Capitale, la création de l’Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement (IBGE) en 1989 témoigne d’une volonté politique d’organiser la gestion de l’Environnement d’une manière globale et intégrée.

    Cette administration dépend du ministère de l’Environnement (géré par une Ecolo depuis 1994) alors que l’organisation du service régional de la Propreté publique relève cependant d’un autre ministère (PS).
    Les domaines de compétences de l’IBGE sont larges : déchets, qualité de l’air, bruit, espaces verts, eau, sol et énergie. C’est l’IBGE qui délivre les permis d’environnement. Les fonctionnaires de cette administration avec qui j’ai eu l’occasion de travailler, dans les commissions de concertation et pour les dossiers des plans particuliers (PPAS) et des études d’incindences, se montraient généralement coopératifs et compétents.

La Commune : terrain d’action privilégié en matière de politique de l’Environnement ?

A première vue, oui. Il s’agit en effet d’un domaine de proximité dont les citoyens peuvent aisément percevoir les aspects concrets. Il s’agit aussi d’un domaine où les communes ont un pouvoir de décision relativement large ; avec des pratiques de concertation qui sont entrées dans les mœurs et dans lequel les représentants des milieux associatifs ont été pionniers.

N’oublions pas cependant que les problèmes d’environnement ne connaissent pas de frontières ! Et que des politiques efficaces passent nécessairement par une vision élargie au-delà des limites d’une commune, voire même d’une région ou d’un pays.

En Belgique, la naissance d’associations civiles comme Inter-environnement et le Bral (son homologue flamand), qui sont devenus des groupes de pression citoyens dynamiques et très influents, témoigne d’une volonté d’aborder ces problèmes de plus haut que le champ d’action communal. Le risque existe bel et bien, en effet, que soit menée une politique locale qui reporte les nuisances sur les communes voisines, par exemple en matière de gestion des déchets ou d’infrastructure de transports en commun !

Environnement et participation citoyenne

C’est en matière d’Environnement au sens large du terme (aménagement du territoire compris) que les citoyens réclament plus particulièrement le droit d’une démocratie participative qui s’oppose au monopole d’un pouvoir technocratique.

Cette revendication légitime pose un double problème.

  • Le premier est celui de l’expertise technique.

    Les décideurs se réfèrent à deux niveaux d’expertise : celui des fonctionnaires des administrations communales et régionales ; et celui des bureaux d’étude. Face à ces « experts », les habitants riverains d’un projet contesté se présentent comme détenteurs d’une compétence d’autant plus grande qu’ils ont bénéficié d’une formation de niveau supérieur.

    Pour ma part, j’ai tendance à faire confiance aux spécialistes. Tout en étant consciente que leurs avis peuvent diverger ; et que certains d’entre eux perdent le recul nécessaire pour avoir une vue d’ensemble d’une question. Mais j’ai aussi constaté que l’on trouve, dans les milieux associatifs, un vivier de remarquables compétences environnementales qui n’ont pas toujours l’écoute qu’elles méritent d’autant plus que leur militantisme est désintéressé.
  • Le second est la contradiction qui peut apparaître entre la défense de « mon environnement » et les exigences de la protection de « l’Environnement »

    Chacun s’accorde, par exemple, à trouver plus agréable la qualité de vie dans des quartiers résidentiels calmes et verts, d’une urbanisation aérée. Un rêve qui s’oppose à la ville dense et mixte de demain souhaitable pour des raisons d’économie d’énergie.

Environnement et développement durable

Le concept de développement durable (ou soutenable) est né à partir de préoccupations environnementales à l’échelle planétaire. Mais il s’articule explicitement autour de trois dimensions à intégrer : l’économique, l’environnemental et le social.

Dans cette trilogie faut-il considérer que l’environnemental est le pilier prioritaire ?

Certains pensent que oui et ils ne manquent pas d’arguments.
C’est la survie à terme de l’humanité qui est l’enjeu du combat pour la préservation des grands équilibres écologiques et de la biodiversité ; comme d’une gestion responsable des ressources naturelles agricoles, minières et énergétiques.

Par ailleurs, « les questions environnementales transcendent les clivages Nord -Sud » entend-on souvent dire. En réalité ce sont les plus pauvres, les plus faibles des hommes qui sont les plus affectés par les conséquences d’une dégradation de leur environnement parce qu’il n’ont pas les moyens de se protéger.

Le lancement, à l’initiative de Koffi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations Unies, d’un « Forum humanitaire mondial » à Genève en octobre 2007 répond à ce problème d’une inégalité des collectivités humaines face aux risques environnementaux. L’objectif de ce forum est de servir de catalyseur d’une action coordonnée pour parer aux conséquences du changement climatique et de renforcer « les capacités de résilience des communautés les plus vulnérables et ayant le plus besoin d’aide ». On est bien ici dans l’esprit d’un véritable développement durable.

Personnellement, j’adhère à l’idée d’un primat de l’environnemental en tant que fil conducteur de la réflexion sur l’avenir de la planète et de ses habitants. Mais je constate que l’insistance mise sur le pôle de l’Environnement risque de laisser dans l’ombre la dimension sociale du concept de développement durable, trop souvent oubliée alors qu’elle est tout aussi prioritaire.

Car s’il est possible de s’imposer des contraintes environnementales sans remise en question très fondamentale du système économique actuel, l’objectif d’une plus grande justice sociale est autrement révolutionnaire donc beaucoup plus difficile à faire accepter !

Aujourd’hui, « l’Environnement » fait vendre. Doit-on s’en réjouir ?

J’ai envie de répondre oui et non.

Oui, parce que la récupération des préoccupations environnementales par la publicité a beau être naïve, elle contribue à la prise de conscience des citoyens-consommateurs que nous sommes.

Ils sont de plus en plus nombreux ceux qui recherchent une nourriture saine, des appareils économes en énergie et des produits ménagers peu polluants.

Non, parce que ne nous y trompons pas : encore rares sont les entreprises spontanément animées d’une volonté de stratégie à long terme. La plupart se plient aux contraintes qui leur sont imposées par le pouvoir politique (notamment dans le cadre du protocole de Kyoto) tout en continuant de fonder leur politique économique et financière sur la croissance de la production et de la consommation des biens matériels qu’elles produisent. Avec le souci prioritaire de rétribuer leurs actionnaires, quand elles en ont. Les profits des grandes sociétés sont trop rarement réinvestis dans des secteurs porteurs d’avenir.

L’Environnement, spécificité des partis verts ?
Là, je réponds oui, sans hésitation !
Il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître l’expertise et l’authenticité du parti Ecolo en matière d’Environnement.

Tant du point de vue de la réflexion théorique que de la prise en compte des réalités ; et aussi de la mise en pratique d’actions politiques concrètes, chaque fois qu’il n’en est pas empêché par les partenaires-adversaires des coalitions dans lesquelles il est admis.

Il est évident qu’en voulant démontrer, par l’aménagement de leur discours, que les « partis verts » n’ont pas le monopole de l’Environnement, les autres partis poursuivent des objectifs électoralistes. Ils ajoutent une préoccupation environnementale à des idéologies (libéralisme, socialisme, humanisme) qui ne sont pas fondamentalement remises en question pour autant.

Pour les partis traditionnels, l’environnement (avec ou sans majuscule)

est devenu une vitrine au goût du jour.

Il n’a pas encore véritablement changé le contenu du magasin !

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