« L’école est là pour instruire, pas pour éduquer » entend-on dire souvent.

Je crois au contraire à la mission éducative de l’école.


A Uccle, nous avons un échevinat de « l’Education et de l’Enseignement » et non de « l’Instruction publique ». La nuance est d’importance et je suis sensible au choix politique implicite de cette double dénomination uccloise. Par ailleurs, j’approuve le fait de ne pas réduire la responsabilité d’un échevin aux seules écoles « publiques » ; même si les autres ne relèvent pas de son pouvoir de gestion, elles peuvent être concernées par des actions éducatives diverses à l’initiative de la Commune.

Un enseignement communal ucclois de très bonne réputation

Le fait que ses écoles maternelles et primaires accueillent un nombre croissant d’élèves (ils étaient plus de 3700, fin 2006) témoigne que l’enseignement public ucclois est généralement fort apprécié.

On ne peut pas le qualifier de « novateur » même si des expériences intéressantes sont menées dans certaines des écoles. La lecture du « projet pédagogique » de l’enseignement communal ucclois (rédigé sous la tutelle de l’inspecteur pédagogique précédent) est en effet révélatrice d’une option résolument prise en faveur d’un enseignement de type « traditionnel ».

Le primat du français et des mathématiques est souligné ;

l’accent est mis sur « l’importance de la mémorisation » ainsi que « des leçons et des devoirs quotidiens dés la première année primaire » ;

les « activités d’éveil doivent être restituées dans un programme scolaire structuré » ;

les « techniques nouvelles » sont seulement recommandées pour l’apprentissage des langues étrangères ;

des sessions d’examens ont lieu deux fois par an « permettant de mesurer l’acquis des élèves »;

et la distribution des prix est un événement annuel important.

Joëlle Maison, la nouvelle échevine FDF entrée en fonction en 2007, témoigne d’une volonté manifeste d’ouverture aux questions pédagogiques. Elle se montre à titre personnel ouverte aux méthodes dites « alternatives » mais elle estime néanmoins que la mission d’un enseignement officiel, ouvert à tous, n’est pas de faire de tels choix pédagogiques (voir le journal communal de mars 2007).

A la lumière de l’expérience d’une longue pratique personnelle d’un enseignement s’inscrivant dans le cadre des « méthodes actives » (comme élève puis comme professeur à l’école Decroly établie à Uccle depuis 1927 et qui vient de fêter ses 100 ans d’existence), je ne peux adhérer à cette option de la politique scolaire communale !

L’intérêt d’une pédagogie alternative

  • Je ne crois pas aux vertus d’une « pédagogie de l’éponge » fondée sur l’acquisition par l’élève d’un savoir déversé d’en haut et qu’on lui demande de restituer après l’avoir bien mémorisé.

    « Ce que j’entends, je l’oublie

    Ce que je vois, je m’en souviens

    Ce que j’ai fait, je le sais »

    dit un proverbe chinois.
  • J’opte pour un enseignement qui stimule l’activité de l’enfant en partant de l’observation, directe, globale et motivante des réalités concrètes.
  • Je conteste la primauté accordée aux mathématiques et à la maîtrise de sa langue maternelle quand elle conduit à sous-estimer l’importance de l’apport des autres disciplines.
  • Je crois possible d’imaginer des manières de travailler qui allient l’exploitation des intérêts spontanés de l’enfant et ce qu’il est dans son intérêt d’apprendre.
  • J’adhère à l’idée d’une pédagogie de « l’enfant sujet » : un enfant qui devient acteur dans un apprentissage collectif fondé sur l’échange avec les autres, sur l’expérimentation, la recherche et la réflexion personnelle ; dont la créativité et l’esprit critique peuvent s’exprimer (avec le développement d’une distance critique par rapport à la réalité qui seule permet l’innovation).
  • Une pédagogie qui fait confiance à l’enfant, à qui on permet de progresser à son rythme, à qui on donne le droit à l’erreur en lui proposant d’agir pour apprendre et non d’apprendre avant de pouvoir agir.
  • Une pédagogie résolument fondée sur la coopération et non la compétition.
  • Une pédagogie qui vise à l’épanouissement global de l’enfant en tant que personne, des points de vue intellectuel, bien sûr, mais aussi physique et social.

    « L’éducation nouvelle forme des hommes plus libres,

    plus créateurs, dans un monde plus solidaire »

    (Philippe Meirieu, au colloque sur les pédagogies actives organisé conjointement

    par l’école Decroly et l’ULB en avril 2007).

Alors je pose la question : Pourquoi les enfants dont les parents font le choix de l’école officielle (pour des raisons qui sont tout à fait légitimes) n’y auraient-ils pas droit, eux aussi, à cette éducation nouvelle?

Je regrette que le pouvoir communal n’accepte pas de s’ouvrir davantage à des méthodes qui ont pourtant fait leurs preuves. Il pourrait, tout au moins, offrir une certaine diversité pédagogique, en encourageant une ou deux de ses écoles à faire des expériences en ce sens. L’exemple de la commune d’Evere est ici à souligner : l’école « Clair Vivre », qui applique la méthode Freinet depuis 1952, est bien une école « communale ».

Mon implication personnelle

Je me suis impliquée avec beaucoup d’enthousiasme dans mon métier de « prof » ; un métier difficile mais source de beaucoup d’enrichissement.

Je pense que l’enseignant peut être un « éveilleur », ouvert au dialogue, capable de susciter le désir d’apprendre s’il fait confiance aux jeunes et les aide à acquérir confiance en eux. J’estime sa mission éducative particulièrement importante pour la remise en question des stéréotypes xénophobes (voire racistes) et sexistes dont notre société demeure imprégnée. Je crois que l’enseignant est aussi un « donneur de clés », pour s’ouvrir au monde et le comprendre. Pour donner l’envie de participer à sa (re)construction.

« L’essentiel en éducation n’est pas le contenu du discours

mais l’intensité de l’échange provoqué par la parole »

(Albert Jacquard)

J’ai continué, dans mon travail politique, de me montrer pédagogue.

Ce qui m’a valu d’être traitée ironiquement de « prof » par certains de mes adversaires politiques. On ne se refait donc pas !

Se montrer pédagogue n’est pourtant pas une tare. Ce n’est afficher du mépris à l’égard de son interlocuteur (même s’il n’est plus un enfant !). Bien au contraire : car plus le savoir sera partagé, mieux chacun sera en mesure de participer au débat démocratique. Je suis d’ailleurs restée moi-même toujours avide de découvertes et de nouveaux apprentissages
.

L’éducation est le meilleur des investissements pour l’avenir ;

elle peut contribuer à former des hommes et des femmes capables

de répondre solidairement aux défis d’aujourd’hui et de demain.

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