Croissance… un bien beau mot lorsqu’il évoque la croissance de l’enfant ou celle de l’arbre.
J’imagine cependant, qu’en épinglant le mot dans la table des matières de cet abécédaire, vous pensiez plutôt à la sacro sainte « Croissance », celle des économistes et des discours politiques. A moins que vous n’ayez songé à la croissance de la population ? Je commencerai par cette dernière.
Croissance démographique locale.
On peut lire dans le dossier de base du PCD (Plan Communal de Développement adopté en 1997) la proposition suivante :
« Uccle dispose des atouts pour s’inscrire dans le scénario volontariste du PRD
(«Plan Régional de Développement ») qui vise à augmenter
la population dans la région de Bruxelles-Capitale de 3,6%,
ce qui représente une augmentation de 2.674 habitants en 4 ans ».
Ce taux de croissance aurait conduit la population uccloise à +/- 80.000 habitants en 2005 (retrouvant le niveau maximum qu’elle avait atteint en 1971). _ Un objectif qui n’a pas été atteint.
Il était tacitement entendu, au sein du Collège ucclois, qu’il fallait enrayer la tendance à la décroissance de la population communale. Le Bourgmestre était fier de pouvoir annoncer récemment
en conseil communal qu’elle avait même augmenté !
Mais dans l’esprit de nombreux habitants privilégiés de la commune, il était implicite qu’un tel objectif visait à augmenter les recettes fiscales … au détriment de « leurs » précieux espaces verts !
Cela mérite réflexion, et aussi discussion. Pourquoi le choix d’une telle politique de développement démographique?
- D’abord par solidarité à l’échelle régionale.
Si l’on s’accordait sur la nécessité d’enrayer l’inquiétant déclin de la population bruxelloise (avec la perte de rentrées fiscales qui en découle), il apparaissait normal que notre commune contribue à l’effort commun. - Mais aussi dans l’intérêt propre de la commune d’Uccle.
La pyramide des âges uccloise a vieilli, par la base (moins de jeunes) et par le sommet (plus de vieux), sensiblement plus que celle des communes bruxelloises centrales. Une telle évolution n’est pas souhaitable. Elle induit une collectivité moins dynamique, moins créative ; et politiquement plus conservatrice. Par ailleurs une partie des familles « émigrées » dans la périphérie urbaine faute de trouver un logement à un prix abordable ont conservé leurs attaches dans la ville ; ce qui aggrave les problèmes de mobilité par une augmentation du flux quotidien des navetteurs à travers notre commune.
L’objectif politique d’un rajeunissement de notre population est donc légitime.
Il implique une augmentation de l’offre de logements accessibles à des jeunes ménages avec enfants. Or, la promotion immobilière privée, très active à Uccle depuis l’entrée en vigueur du PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol), n’a guère répondu à ce besoin.
La plupart des gros projets privés mettent sur le marché des logements de standing (dits « moyens supérieurs ») parce qu’ils rapportent davantage et permettent de compenser le coût de plus en plus élevé du foncier. Le libre jeu du marché aboutit ici (comme dans beaucoup d’autres domaines) à l’opposé de la politique « sociale » préconisée. Les logements de standing ucclois attirent certes un nombre croissant d’habitants ; mais pas ceux qui étaient recherchés.
A moins, comme le souhaitent certains élus libéraux (sans le dire explicitement),qu’il n’y ait volonté de maintenir à Uccle une population majoritairement aisée ; donc susceptible de rapporter des recettes qui permettent le maintien des taux de fiscalité parmi les plus bas de la Région … et de voter MR !
Ceci donne-t-il raison aux citoyens défenseurs des espaces verts dont je parlais plus haut ? Oui, dans une certaine mesure.
Mais non, lorsqu’ils vont jusqu’à affirmer qu’à Uccle « on favorise la promotion immobilière spéculative ».
En tant qu’échevine responsable de l’Urbanisme, je peux témoigner, en tout cas, que ce ne fut pas le cas pendant les 6 ans de majorité arc-en-ciel. Bien au contraire. Les nombreux promoteurs dont les projets ont été éconduits sont bien placés pour le savoir !
Croissance économique
« N’avoir que le PIB comme feuille de route revient à comptabiliser en positif les flux monétaires générés par les pollutions, les maladies, les accidents de la route et les catastrophes…
A la limite dans ce système, plus les dépenses de santé augmentent,
plus la santé de l’économie se renforce ! »
(Nicolas Hulot Pour un pacte écologique 2006)
Il est manifeste que la réflexion des politiques, de tous les partis et à tous les niveaux de pouvoir, est profondément imprégnée de la pensée néolibérale en la matière.
La croissance est un dogme, unanimement considérée comme le premier signe de la bonne santé d’une société. C’est à la fois un postulat et un objectif. Elle se mesure par un indicateur chiffré (le PIB) dont le rythme d’évolution est suivi avec inquiétude, tant par les économistes que par les politiques.
Flandre et Wallonie rivalisent en taux de croissance.
Lors du débat télévisé de « Mise au point » le 25 mars 2007, nos responsables fédéraux
étaient fiers de souligner que la croissance économique belge
était supérieure à celle des autres pays européens.
Tous les partis ? Non, car il y a une exception notable, celle des Verts !
Relayant cette remise en question écologiste,
j’écrivais ce qui suit dans de notre journal Ecolo ucclois (« le Carré vert ») de mai 2007 :
« La planète est un monde fini ; et c’est toute l’humanité qui est embarquée sur le même vaisseau. Un monde dont les ressources ne sont pas inépuisables et dont les équilibres écologiques sont aujourd’hui gravement mis en péril par l’activité humaine. Chacun commence à en prendre conscience.
Dans ce contexte, continuer de tabler sur la possibilité d’une croissance économique sans limite n’a pas de sens. Il est impératif et urgent de remettre en question cette vision politique à court terme dont la myopie est dangereuse ; et qui ne profite véritablement qu’aux détenteurs du capital investi dans les marchés de la finance.
Faut-il alors parler de « croissance zéro » ou de « décroissance » ? Oui et non.
Décroissance possible, certes, de toutes les productions qui visent à réparer des dégâts. Soins de santé liés aux diverses pollutions, conséquences diverses des accidents de la route, dépenses liées au stress, dépollution des sols et des mers, coût des guerres, sont quelques exemples parmi beaucoup d’autres d’activités rémunérées considérées à tort comme des « valeurs ajoutées » au PIB.
Décroissance également par la réduction de toutes les formes de gaspillage. Déchets non recyclés, énergie dissipée, transports inutiles, luxes et gadgets superflus.
Décroissance, enfin, par le fait de prendre en compte de manière négative, dans le calcul du PIB, les ponctions sur le capital naturel des ressources exercées par la production de biens matériels.
Mais croissance tout aussi nécessaire – et possible – dans les nombreux secteurs qui contribuent au bien-être social et sont des investissements rentables pour l’avenir. Recherche-développement dans les domaines des énergies renouvelables et des économies d’énergie, de l’écoconstruction et du biomimétisme ; meilleur soutien au secteur non-marchand et aux entreprises d’économie sociale ; investissement accru dans celui de l’éducation et de la jeunesse ; développement des activités de réparation ; dématérialisation de certains biens et services …
Il ne s’agit donc pas de générer moins de biens et de services, mais de les produire autrement et d’en créer de nouveaux. Il ne s’agit pas de réduire le nombre d’emplois mais de les multiplier dans des offres porteuses d’avenir et non délocalisables. Il s’agit d’adhérer à un projet de société global, novateur et mobilisateur, qui s’oppose fermement aux inégalités croissantes générées par un système économique mondial mal régulé.
Par leur remise en question du modèle actuel de développement économique, c’est un changement radical de direction que proposent les « partis verts », dans l’intérêt de tous, ici et ailleurs, aujourd’hui et demain. Un changement profond qui suppose une véritable mutation culturelle qu’à l’heure actuelle les partis écologistes sont les seuls à préconiser. »
Je crois inutile de remanier ce texte. Si ce n’est pour souligner que beaucoup reste à inventer pour que s’exerce un contrôle humain de l’Economie (une science dont les prétendues « lois » sont loin d’être une fatalité !) à finalité écologique et sociale.
Et vous renvoyer aux mots « paradigme » et « développement durable » !