« Les idées c’est contagieux »

proclamait l’affiche du parti Ecolo pour les élections communales de 2006.

Elle manquait certes de visibilité. Elle était pourtant porteuse de sens

par ce slogan associé à l’image de l’essaimage d’un pissenlit à maturité.


« Culture », un mot polysémique

De quel sens est-il ici question ?

Non pas de la « Culture » des centres culturels et des ministres ; ni de celle des personnes dites « cultivées ». Mais bien de celle des anthropologues qui utilisent le mot dans un sens beaucoup plus large.

Les définitions anthropologiques sont multiples ; il en est deux que je préfère :

« La culture est une façon de penser, de sentir, de croire et de faire. C’est le savoir d’un groupe emmagasiné dans les souvenirs des hommes, dans les livres, dans les objets. » (Kluckhohn)

« La culture est l’héritage social d’une communauté humaine. Cet héritage consiste en un ensemble de modes de vie standardisés d’adaptation à la nature, de normes et d’institutions qui règlent les relations sociales et d’un corpus de savoir, de valeurs, de croyances qui expliquent l’expérience
de la communauté, expriment sa capacité de création et motivent son action. » (Ribeiro)

C’est le sens anthropologique qui convient le mieux au processus de contagion culturelle que je voudrais évoquer ici.

Ecolo : un parti semeur d’idées
Un parti minoritaire, à qui l’occasion n’est pas souvent offerte d’exercer un pouvoir exécutif (et qui y reste rarement longtemps !), dispose néanmoins d’un pouvoir de rayonnement qui va bien au-delà de son poids électoral relatif.

A la manière d’un « mouvement citoyen » (mais sans toutefois bénéficier du même crédit), il peut contribuer à infléchir les mentalités, les comportements et les décisions ; en misant sur une contagion culturelle à l’égard de la société civile comme aussi des autres partis.

Pendant sa participation à la majorité uccloise, Ecolo a lancé des idées et a adopté des comportements novateurs (notamment en matière de relations avec l’administration et de communication avec les citoyens). Au fil du temps, certaines de nos pratiques ont fait des émules ; et certaines de nos idées, une fois apprivoisées, n’ont plus été rejetées.

Mystère d’un processus de contagion culturelle qui s’avère évident, même si les mécanismes en sont souvent mal perçus… Ainsi par exemple :

 Pourquoi la commune d’Uccle, timorée en matière de vélo et traditionnellement très réfractaire à l’idée des « sens uniques limités » autorisés aux cyclistes (SUL), a-t-elle été une des premières à matérialiser sur le terrain ce qui était devenu une obligation légale ?

 Pourquoi le Collège ucclois, longtemps réticent à l’idée d’élaborer un « Plan de déplacement d’entreprise » de l’administration communale, a-t-il enfin accepté (fin 2006) d’y consacrer un budget relativement important ?

 Pourquoi le Conseil communal ucclois s’est-il, enfin, mis à boire de l’eau du robinet ?

 Pourquoi l’expression « participation citoyenne » ne fait-elle plus sourire les membres du Collège (même s’il continue de se montrer réticent quant à une réelle mise en pratique) ?

 Pourquoi l’exigence de pratiques d’écoconstruction est-elle aujourd’hui considérée comme normale dans les conditions imposées aux permis d’urbanisme?

Quelques exemples à d’autres niveaux de pouvoir :

 L’idée du « tiers investisseur » (lancée par les représentants Ecolo pour faciliter l’accès des habitants aux primes environnementales) qui fait lentement son chemin dans la réflexion des autres partis ;

 la prise de conscience de plus en plus généralisée du danger d’une exposition prolongée aux ondes électromagnétiques de la communication par GSM (avec acceptation d’une imposition de normes plus exigeantes) ;

 et aussi, bien sûr, notre remise en question pionnière du cumul des mandats politiques.

Etopia, le centre d’étude et de prospective du parti Ecolo, assume en tant qu’espace ouvert de réflexion et de dialogue un rôle important dans ce processus de « percolation » d’idées nouvelles. Une action efficace pour la promotion de l’écologie politique auprès des citoyens, des associations, des entreprises… et peut-être aussi des autres partis !

Le « Vert » est plus que jamais dans l’air.

Les citoyens en réclament depuis longtemps. On assiste à un phénomène manifeste de contagion dans les comportements privés. Sous la pression de nouvelles normes sociales, la transition écologique est en marche au cœur de la société.

Les politiques y viennent eux aussi. Nos partenaires ucclois se montraient pourtant réticents à mener des politiques écologiques novatrices lorsque nous participions au pouvoir. Je constate que leurs réticences semblent en passe de s’estomper depuis qu’Ecolo n’est plus dans la majorité !

Serait-ce un effet de mode récent ou la preuve que nous les avons convaincus ? Ne serait-ce pas plutôt parce que ce n’est plus Ecolo qui sera crédité d’innovations « vertes » devenues électoralement porteuses ! J’en viens à me dire que la concrétisation récente du projet d’un « agenda 21 local » aurait été plus difficile à faire accepter si j’en avais porté publiquement le leadership !

Nos idées sont récupérées. Peu importe ; et même tant mieux. L’essentiel n’est-il pas que nous ayons impulsé une dynamique ? Le souvenir de la paternité des avancées s’efface rapidement dans la mémoire collective. Le résultat, lui, demeure.

En guise de conclusion

Inutile de souligner la valeur de l’exemple en terme de contagion culturelle. Important aussi de prendre conscience que des changements de comportement peuvent être induits moins difficilement par des contacts spontanés entre citoyens que par des injonctions émanant du pouvoir politique ! Le rôle des leaders d’opinion issus de la société civile est souvent essentiel.

Restons cependant conscients de la portée relativement limitée de cette contagion culturelle face aux profonds conflits d’intérêt (économiques et politiques) qui sont en jeu dans un rapport de forces où les partis verts demeurent encore très minoritaires dans le paysage politique.

Il est évident que le changement nécessaire dans bien des domaines passera par la contrainte de lois nouvelles. Mais celles-ci seront d’autant moins difficiles à promulguer et faire respecter que la contagion culturelle aura préparé le terrain par un lent processus de maturation collective.

II est frappant, dans la plupart des cas, de constater qu’un temps très long est nécessaire pour le processus de contagion culturelle aboutisse à des résultats concrets issus des assemblées législatives. Ainsi par exemple, la norme bruxelloise d’ « immission » de 3V/M pour les antennes GSM est le résultat d’un combat écologiste de 10 ans, enfin récompensé !

Les autres partis font croire aujourd’hui qu’ils n’ont pas besoin des Verts pour s’engager dans une politique de développement durable.

Fort bien.

Mais n’oublions pas que l’original vaut toujours mieux que la copie, aussi bien imitée soit-elle !

Share This