« Il n’y a pas à Uccle de pratiques clientélistes ».

La plupart des responsables politiques vous l’affirmeront.

Est-il si sûr que ce soit vrai ?

Oui, dans une très large mesure. Et pourtant….


En politique, le clientélisme est une forme d’électoralisme particulièrement pernicieuse. Il peut rendre le citoyen dépendant d’une allégeance politique pour la satisfaction de ses besoins essentiels. Il biaise fondamentalement les valeurs de la démocratie. Chacun pense qu’il est cependant très répandu…

Je souscris totalement à l’affirmation qu’il n’y avait pas de clientélisme à Uccle en ce qui concerne l’attribution des marchés publics et l’octroi des permis d’urbanisme sous la majorité arc-en-ciel.

Je peux témoigner de la rigueur du travail des services de l’administration dans l’instruction de ces dossiers comme du fait que les décisions du Collège ont toujours été prises dans le respect de la loi avec grande objectivité.

Je serai plus nuancée en matière d’emploi et de logement. La conviction est en effet largement répandue qu’il est utile d’être « recommandé » par un politique pour appuyer sa candidature. Pourquoi ?

Pas tellement parce qu’une telle recommandation est réellement efficace ; mais plutôt parce que, plus ou moins délibérément, beaucoup d’élus entretiennent dans l’esprit des citoyens l’idée qu’elle peut l’être ! Et que très nombreux sont les citoyens qui en acceptent le principe : leurs fréquentes démarches individuelles en témoignent.

Il existe en effet une forme subtile de clientélisme pour un élu : laisser croire que c’est grâce à votre intervention que la personne demanderesse a obtenu un logement public ou un emploi communal ou, qu’à tout le moins, « vous y avez été pour quelque chose » (copie de votre lettre adressée à l’échevin responsable à l’appui).

Ne pas accorder des faveurs, mais des droits

Je n’ai pas l’expérience des « permanences sociales » qui ne sont pas une pratique habituelle du parti Ecolo. Il m’a semblé pourtant qu’il est possible d’accueillir, d’écouter et de conseiller les citoyens sans tomber dans le piège du clientélisme.

Nombreux sont ceux qui sont venus me trouver, en tant qu’échevine de la Régie foncière, avec l’espoir d’obtenir un logement public en location. A chacun, je m’efforçais d’expliquer que le choix des locataires était fait par le Collège en référence à des critères objectifs ; que toutes les demandes étaient prises en considération de la même façon ; et que la politique menée par le Collège visait à augmenter l’offre de logements publics pour pouvoir mieux répondre, à l’avenir, aux besoins des moins nantis. Les gens ont droit à ce qu’on leur explique les réalités à prendre en compte ; et ils apprécient que leur interlocuteur s’en donne la peine.

Il faut savoir qu’en 6 ans de législature arc-en-ciel, le Collège n’a attribué en location qu’une douzaine seulement de logements publics.

En dehors du parc de logements régi par les sociétés de logement social (soumises à la tutelle régionale de la SLRB), la Commune ne disposait en effet que d’un nombre réduit de logements, dont la plupart ne sont pas devenus disponibles.

Je peux témoigner de l’objectivité de cette démarche collégiale.

Le choix des nouveaux locataires était d’autant plus délicat que la demande était beaucoup plus importante que l’offre. Il s’est fait sur base d’un tableau comparatif établi par l’administration, résumant les informations relatives à tous les dossiers rentrés. Des points étaient attribués à chacune des candidatures en fonction de plusieurs critères combinés. En cas d’hésitation, notre décision a été postposée dans l’attente des conclusions d’un entretien avec les demandeurs.

Quant à la désignation des locataires par les « sociétés de logement social », elle est régie par une législation régionale très précise. Celle-ci prévoit la possibilité ou l’obligation de déroger aux règles générales de priorité prescrites, mais seulement pour des motifs exceptionnels.

Il peut être tentant d’abuser de cette possibilité de dérogation ! En tant que présidente Ecolo de la S.U.L, (Société Uccloise de Logement social) Marijke Vanderschelden a dû se montrer très vigilante à cet égard.

Vers une réglementation officielle de l’attribution des logements communaux

Une défaite politique Ecolo en fin de législature mérite ici d’être explicitée.

Dans la perspective d’un très grand accroissement futur du parc de la Régie foncière communale dans le cadre des deux projets de construction que le Collège arc-en-ciel avait initiés (sur le plateau Avijl et rue de la Pêcherie), il m’est apparu nécessaire d’élaborer un règlement d’octroi, à faire adopter par le conseil communal.

Un règlement rendu public, officialisant un système objectif de critères d’attribution des logements publics (sociaux et moyens) mis en location par la régie foncière, et dont le caractère contraignant couperait l’herbe sous le pied à toute velléité de clientélisme de la part du pouvoir comme aussi à tout procès d’intention à cet égard de la part des citoyens.

Mon espoir était l’adoption de ce règlement avant la fin de la législature. Cet objectif n’a pas été atteint, alors qu’il aurait pu l’être. Une défaite politique regrettable, due à un manque d’unité, inhabituel, de la majorité arc-en-ciel.

Il est vrai que j’ai proposé un projet de règlement en débat au Collège très tardivement : le travail mené avec l’administration avait pris plus de temps que prévu (il nous fallait faire œuvre pionnière) car la pondération des différents critères retenus demandait des choix politiques difficiles !

Mais, surtout, des considérations politiciennes ont joué d’une manière déterminante pour postposer la décision ; suite à la pression de Françoise Dupuis (chef de groupe du PS) auprès du Bourgmestre, j’ai été obligée d’accepter le retrait de ce point de l’ordre du jour du conseil communal de novembre 2006 (sans que je sois même autorisée à en expliquer publiquement les raisons). Est-il nécessaire de préciser que le PS était d’ores et déjà assuré de détenir le nouvel Echevinat du Logement dans la future législature !

Depuis lors les choses ont pu évoluer en la matière (dans la vague d’une volonté politique plus affirmée d’éradiquer le clientélisme suite aux exemples fâcheux des « affaires » de Wallonie).

Au niveau régional Ecolo et PS ont fait adopter une ordonnance imposant aux communes l’obligation à partir de juillet 2009 de se doter d’un règlement qui fixe les critères d’attribution des logements publics (communaux et CPAS).

Au niveau communal, Uccle puis St Gilles ont adopté leur règlement (comme l’avait fait bien plus tôt la commune de Watermael-Boitsfort à l’initiative des Verts). Le règlement ucclois mouture socialiste présente l’avantage d’une plus grande simplicité que celui que j’avais proposé ; mais, non fondé sur un système de points, il garantit moins bien l’impossibilité de céder aux tentations clientélistes. Quant au conseil communal de Molenbeek il a été bien au-delà : sous l’impulsion du Bourgmestre et de l’échevin du Logement (socialistes) ce règlement communal exclut les mandataires politiques du processus de décision (via la création d’une « commission » chargée de cette responsabilité) !

La politique ne peut être un marché où on « achète » son élection.

(Marc Cools, échevin à Uccle)

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