S’il est un site ucclois particulièrement emblématique,
c’est bien celui du plateau Avijl !
Un espace champêtre semi-naturel de 8 ha, aux écosystèmes diversifiés (bois, taillis, prairies, potagers), tout proche de l’ancien « village » de St Job au tissu social particulièrement vivant. Les zones vertes protégées du Kauwberg et du parc Fond Roy sont à deux pas et la forêt de Soignes n’est pas loin.
Il s’agit de la plus grande des réserves foncières communales, acquise lors de la faillite de la société Etrimo dans les années 1970. Un vaste terrain à bâtir régi par un PPAS (Plan particulier d’affectation du sol) élaboré dans les années 1980, en étroite concertation avec le comité de quartier de l’époque. Un plan de traversées carrossables en étoile qui permet de construire plus de 300 logements !
Pour la majorité arc-en-ciel installée en 2000, la construction de logements publics sur ce terrain était une priorité politique. Le besoin de logements accessibles à des ménages au revenu modeste est criant à Uccle !
Pour la majorité des habitants du quartier, par contre, la préservation du site en espace vert avec la convivialité de ses jardins potagers est devenue une véritable croisade.
Et, des deux côtés, on déclare de bonne foi
poursuivre un objectif à finalité sociale…
Il m’appartenait, en tant qu’échevine en charge de l’Urbanisme et de la Régie foncière, de porter le projet d’urbanisation de la majorité. Ce fut une responsabilité très lourde. Elle me confrontait à un conflit de valeurs. Et elle fut particulièrement pénible à assumer en raison des exigences du respect de la collégialité face à la contestation des riverains que j’estimais en partie légitime.
Avijl, ce fut pour moi un combat à mener sur cinq fronts et pendant quatre ans. Il me fallut affronter (avec le précieux soutien technique de quelques fonctionnaires communaux), le Collège, l’opposition au Conseil communal, les habitants du quartier, l’administration de tutelle régionale, et aussi quelques membres de mon groupe local Ecolo. Je vais m’en expliquer ci-dessous.
Doit-on parler d’un échec de la majorité arc-en-ciel sur le projet Avijl?
Je ne le pense pas. Le nouveau PPAS, tel qu’il fut proposé à l’approbation du Gouvernement régional en fin de législature, était un plan d’urbanisation partielle du plateau qui s’efforçait réellement d’allier les exigences d’une préservation de la diversité des écosystèmes (y compris une grande part de potagers), avec celles d’un urbanisme à finalité sociale de grande qualité. Un compromis défendable mais qui ne passa pas la rampe de l’enquête publique au début de la législature suivante.
Venons-en aux faits. J’ai cru utile, au nom de l’entretien de la mémoire collective, d’en faire un exposé exhaustif qui sera donc inévitablement long.
J’ai bien conscience que, malgré ma volonté d’objectivité,
il sera inévitablement entaché de ma perception subjective des événements.
- La première étape à franchir fut de convaincre le Collège de la nécessité d’élaborer un nouveau PPAS avant tout projet de construction.
C’était loin d’être évident pour ceux qui, comme le Bourgmestre Claude Desmedt, souhaitaient concrétiser au plus vite ce qui était une priorité de l’accord de majorité. J‘ai dû longuement argumenter, expliquant pourquoi le PPAS 28bis en vigueur (élaboré dans les années 80) était un cadre juridique inacceptable à mes yeux. Concrétiser ce que prévoyait ce plan eût été un massacre du site. Mais cette exigence préalable induisait un coût supplémentaire (la rémunération d’un bureau d’étude) et un retard important dans la construction de logements publics.
Un retard qui s’avéra d’ailleurs encore plus grand que prévu en raison d’un changement de la législation régionale en 2004, imposant un « rapport sur les incidences environnementales » (RIE) à tout nouveau PPAS. Pendant des mois, la tutelle régionale nous laissa dans l’ignorance du contenu précis de ce RIE et du bureau d’étude qui était habilité à le réaliser ! Les arrêtés gouvernementaux n’étaient pas prêts… L’étude s’en trouva bien malheureusement momentanément bloquée.
- La philosophie générale d’une urbanisation novatrice du site a d’abord été longuement débattue en Collège.
J’ai obtenu l’accord de celui-ci pour un projet fondé sur quatre grands axes : bonne intégration dans le tissu urbain du quartier d’un projet conçu globalement ; densité nettement inférieure à celle permise par le PPAS en vigueur (200 logements seulement, une densification particulièrement faible) ; mixité sociale (avec une moitié de logements sociaux) ; projet public pionnier en matière de développement durable.
Fin avril 2003, le Conseil communal a marqué son accord sur la proposition du Collège de procéder à une révision du PPAS 28bis dans l’esprit de cette philosophie et de lancer un appel d’offre en vue de l’engagement d’un bureau d’étude (lequel fut désigné en septembre 2003).
- Mon intention première était d’associer des représentants des habitants au travail futur du bureau d’étude.
J’ai donc informé officieusement, dès mai 2003, quelques riverains que j’avais réunis en raison de leur implication passée dans l’avenir de leur quartier. Leur réaction fut positive. Ils organisèrent une assemblée générale du comité de quartier pour relayer l’information reçue.
- C’est ensuite que les choses se gâtèrent. En quatre temps.
Deux pétitions ont circulé dans le quartier, suite à des initiatives individuelles. Elles revendiquaient le classement en espace vert de l’ensemble du plateau (l’une d’entre elles parlait d’un « projet immobilier spéculatif » en faisant allusion aux « entrepreneurs peu scrupuleux qui se moquent pas mal de faire de notre commune un bastion de brique et de béton »… le ton était donné !).
Les représentants du comité de quartier de St Job, quant à eux, ont adressé au Collège et à tous les conseillers communaux le texte d’une « motion préalable à toute révision du PPAS » qui fut l’objet d’une interpellation au conseil communal de juin 2003 (déposée par les deux conseillère CDH). Ils y exprimaient que « l’urbanisation du plateau Avijl dans une optique d’aménagement social est une nécessité pour la population uccloise ». Mais la demande était formulée d’une définition claire des logements « de type social et moyen » et du maintien de l’ensemble du plateau en propriété communale (avec des « verrous législatifs » garantissant la protection définitive des espaces verts non bâtis). Ils voulaient notamment savoir quel pourcentage du terrain serait préservé en espace vert ; et quels nouveaux accès carrossables étaient envisagés.
Cette motion fut diversement appréciée par le Collège. En son nom, j’ai publiquement souligné comme très positif le fait que le principe d’une urbanisation partielle du plateau à des fins sociales n’était pas contesté par les représentants du comité de quartier. Tout en expliquant que leurs questions étaient prématurées à ce stade, puisque c’est au bureau d’étude (pas encore désigné) qu’il appartiendrait de faire des propositions en matière d’implantation du bâti et d’accès carrossables.
J’ai aussi réaffirmé l’engagement de 50% de logements répondant aux critères des logements sociaux et la volonté communale de rester propriétaire du terrain.
Fidèle à ma volonté d’associer les habitants au processus d’élaboration du PPAS, j’ai adressé à tous les riverains une information officielle sur les intentions de la commune (sous la forme d’un toutes-boites distribué en septembre 2003). Une première réunion publique a ensuite été programmée pour le 19 février 2004. Son objectif était de préciser cette information, de présenter les membres du bureau d’étude et la méthode de travail prévue, et de recueillir les souhaits et suggestions des riverains. La semaine précédant la date de cette réunion publique, des affiches rouge et blanc ont fleuri dans tout le quartier. Sous le slogan « Avijl, un cœur à sauver » elles émanaient d’un nouveau comité dénommé « Protection et Avenir d’Avijl » constitué en juillet 2003. La mobilisation semblait très large. Le message diffusé par le tract de ce comité laissait craindre un sabotage de la réunion annoncée : «Le site champêtre du plateau n’est pas seulement un espace vert au cœur de la ville, mais aussi un outil irremplaçable d’intégration sociale et d’apprentissage de la nature » « L’aménagement du plateau doit avant tout viser à préserver et à développer les dimensions écologiques et sociales existantes ». Tout donnait à croire qu’on n’y viendrait pas pour discuter du « comment construire » mais plutôt pour s’opposer à toute construction sur le plateau.
Le Collège s’est alors braqué. J’ai cependant refusé d’annuler la réunion. La salle était comble. L’ordre du jour a pu se dérouler comme prévu, mais l’ambiance n’était guère propice au dialogue. Dans le fond de la salle, on entendait évoquer « la crainte d’une dévalorisation de mon bien ». Au-delà du combat vert, il y avait manifestement de « l’anti-social » dans l’air.
Les représentants du « comité de St Job » n’ont pas facilité les choses en qualifiant publiquement cette réunion « d’inutile ». Leur agressivité se fondait sur un malentendu : j’ai compris trop tard qu’ils pensaient, à tort, que le bureau d’étude était déjà loin dans l’élaboration du plan et que ma promesse de concertation n’avait pas été tenue. En réalité, seule l’analyse préalable du site était terminée et toutes les options d’implantation demeuraient encore envisageables.
- A l’issue de ces déconvenues, le Collège ulcéré – Bourgmestre en tête – ne m’a plus laissé de marge de manœuvre.
Mon idée de tenter de poursuivre le dialogue dans des conditions autres qu’une réunion publique ne fut pas acceptée. Seul le strict respect de la procédure légale prévue me fut autorisé. Le bureau d’étude devait poursuivre son travail, en concertation avec l’administration communale et le Collège, jusqu’à la présentation du plan au conseil communal, suivie de l’approbation par le Gouvernement régional et puis de l’enquête publique (prévue par la loi seulement en fin de procédure). Point à la ligne.
Devais-je pour autant envisager ma démission (avec le retrait d’Ecolo de la majorité) ? J’ai cru plus utile de demeurer au poste. Mais je me retrouvais dans la situation de celui que l’on envoie au feu sans lui laisser la moindre marge d’initiative pour s’adapter au terrain !
- Hormis une rencontre officieuse dans mon bureau (où je fus mise sur la sellette par une délégation d’une dizaine de membres actifs du comité), les riverains ne furent donc plus officiellement ni informés, ni entendus.
Jusqu’au moment où j’ai obtenu du Collège l’autorisation de leur présenter un avant projet finalisé (au printemps 2006). Avec la collaboration des architectes de l’urbanisme et de l’écoconseiller, j’ai donc conçu une brochure explicative, largement diffusée dans tout le quartier, avant la réunion publique de présentation d’un avant-projet prévue pour le 24 mai.
- Entre temps, le comité avait travaillé de son côté, traversé par des courants d’opinion diversifiés mais parvenant, au bout du compte, à s’exprimer d’une seule voix.
Le leader du « comité St Job » était devenu le président du « comité Avijl ». Son influence a eu le grand mérite d’infléchir la position radicale d’un refus de toute construction par une prise en compte du besoin de logements sociaux. Ce qui vaudra au comité d’être reconnu par l’ACQU (Association de Comités de Quartier Ucclois) qui lui offrira par la suite une large audience dans son journal « La lettre aux habitants ».
La conception d’un projet « alternatif » (à un plan communal dont ils n’étaient pas précisément informés), est le fruit de la mobilisation tenace du comité Protection et Avenir d’Avijl ; leur « Livre blanc » fut présenté en avril 2006, pratiquement en même temps que le projet communal. J’ai reconnu publiquement la richesse et l’intérêt de ce travail.
Malheureusement, cependant, ce Livre blanc ne peut être considéré comme une réelle alternative en matière de politique de logements publics ; tant par le nombre trop restreint de logements possibles que par la qualité médiocre d’un des sites proposés. Il a été conçu dans l’esprit d’une priorité accordée à la préservation des jardins potagers, présentés comme la principale des préoccupations sociales à rencontrer.
- Le refus du projet de PPAS persistera, fondé sur une des principales revendications des contestataires : la concertation avec les habitants du quartier.
Quelques contacts avaient cependant eu lieu. Le bureau d’étude avait rencontré une fois les représentants du comité Avijl dans le cadre de l’étude du RIE. Je les ai aussi longuement reçu moi-même, à titre personnel, à deux reprises (avec le conseil d’adresser au Bourgmestre, une demande courtoise de rencontre avec le bureau d’étude et l’administration de l’urbanisme… qui fut laissée sans réponse). Par ailleurs, le plan a été un peu modifié après la réunion publique de mai 2006. Et j’ai pris alors l’initiative d’organiser un contact entre le comité et le bureau d’étude. Jugé trop tardif…
- Les arguments mis en avant par les contestataires n’ont guère évolué après l’adoption du projet par le Conseil communal de juillet 2006.
Le nouveau PPAS est accusé, de manière répétée et sans le moindre sens des nuances, d’être « un saccage des qualités environnementales du site, destructeur du lien social ». Ses qualités environnementales par rapport au PPAS précédent ne sont jamais mises en évidence. La même opinion survit à la réfutation de tous les arguments parce qu’elle se fonde sur l’émotif plus que sur le rationnel.
Le discours riverain s’est même radicalisé. « Nous avons besoin de votre soutien pour sauver le plateau et le quartier de St Job » clamait l’invitation à la fête de septembre 2006. Et la pétition lancée dans le cadre de l’enquête publique de mars 2007 ne laisse aucun doute sur le choix de leurs priorités :
« Limiter strictement tout programme éventuel de logement aux zones périphériques
sans véritable intérêt environnemental » !
Un nouvel argument a été mis en avant : la dangerosité supposée de l’ancienne décharge communale actuellement comblée et recouverte d’une végétation de taillis (dont le RIE signale l’intérêt du point de vue de la biodiversité). Après analyse et conformément aux conseils des spécialistes consultés, le plan renonce à y construire mais ne prévoit pas son assainissement. Rapidement propagée, la rumeur d’une toxicité nuisible à la santé fait évidemment des ravages !
- La participation à l’enquête publique fut massive au début de la nouvelle législature.
La commission de concertation s’est réunie fin mars 07. A quelques exceptions près les interventions citoyennes furent de bonne tenue ; mais témoignant toujours d’une totale incompréhension face à « un projet communal vide de sens », et aussi d’une forte inquiétude relative au danger d’inondation dans la vallée de St Job.
Le nouveau Bourgmestre libéral Armand de Decker (« empêché »), assis aux côtés des riverains, a fait une intervention remarquée ouvrant la porte à des remises en question importantes ; une attitude désavouant implicitement le projet avalisé par la majorité précédente (dans laquelle son groupe était pourtant dominant) … Il est vrai qu’il se présentait en bonne place aux élections fédérales de juin !
L’avis rendu par la commission fut assez général : la possibilité devait être examinée de revoir le projet dans le sens d’un meilleur maintien du caractère champêtre de l’intérieur du site.
La « suppression de la voirie carrossable menant à la partie haute du plateau
depuis la Vieille rue du Moulin » était toutefois précisément mentionnée.
- Le conseil communal de juin 2007 a donc pris la décision de demander au bureau d’étude d’apporter de nouvelles modifications du projet conformément à l’avis de la commission.
Un projet modifié de PPAS, reportant l’essentiel des constructions à la périphérie du site (avec un accès supplémentaire côté rue Benaets) et maintenant en l’état le site de l’ancienne décharge, a été soumis à enquête publique début 2009. Même si le « cœur » du plateau était mieux préservé, ce nouveau plan fut tout aussi contesté que le précédent !
- Le Conseil communal du 5 mars 2009 l’a cependant adopté à la grande déception des riverains.
Une page est donc tournée… à moins que le comité de quartier n’aille en recours contre l’agréation prochaine du plan par le Gouvernement régional.
Voilà. Je comprendrais aisément que le lecteur ait décidé de
s’épargner la lecture d’un exposé des faits aussi long.
Qu’il me permette cependant d’insister sur l’exigence d’une connaissance
de toutes les facettes de ce dossier avant de porter un jugement.
En guise de conclusion
A chacune des étapes de l’évolution de cet important projet public d’urbanisation des choix difficiles ont dû être faits par le pouvoir politique local.
Ils ont été faits par le Collège en référence à ce qui lui apparaissait comme étant prioritaire. Cet aspect complémentaire du dossier est développé dans le chapitre « priorité » de cet abécédaire.
L’injonction du Collège (persistante à mon égard) de non concertation citoyenne préalable à l’enquête publique me semble avoir été plus qu’une erreur ; ce fut une faute politique majeure.
Le manque de transparence ne pouvait qu’aviver l’inquiétude et la rancœur des habitants. Le refus collégial d’une démocratie plus participative a légitimé à leurs yeux leur perte de confiance et le rejet du projet communal dans sa globalité.
Et Ecolo dans tout cela ?
Sur le projet public Avijl, le partenaire Ecolo de la majorité a tenu bon, contre vents et marées, pendant les 6 ans de la législature arc-en-ciel.
Refusant de soutenir celles des réactions riveraines qui étaient manifestement « nimby » (confortées au contraire par l’opposition du conseil communal) ; et malgré les attaques citoyennes dont j’ai été l’objet en tant qu’échevine responsable. Avec toutefois des dissensions internes sur le statut des futurs logements « sociaux » prévus comme devant être gérés par la régie foncière communale.
Nous y avons probablement perdu des voix aux élections de 2006 : celles des défenseurs inconditionnels des espaces verts urbains. Et nous n’avons évidemment pas gagné celles des futurs bénéficiaires inconnus des logements publics prévus !
Mais nous avons eu le courage politique
de rester fidèles à notre programme électoral de 2000,
comme aux valeurs de solidarité sociale que nous avons toujours défendues.