Ne cherchez pas dans le dictionnaire : ces deux mots ne s’y trouvent pas !

Ce sont des mots d’artistes merveilleux porteurs de rêves.


« Archiborescence » : néologisme d’un architecte visionnaire

Luc Schuiten est un architecte belge qui s’inscrit résolument dans la mouvance écologique.

Ce mot-valise qu’il a inventé est aussi le titre du très beau livre qu’il a écrit en collaboration avec l’historien de l’art Pierre Loze (et que m’ont offert les fonctionnaires de mes services à la veille de mon départ : une attention à laquelle j’ai été particulièrement sensible !).

On trouve dans son livre de merveilleuses images. Celles de la maison « Oréjona » que Schuiten construisit pour sa famille.

Une expérience pionnière (nous sommes à la fin des années 70) en matière de gestion autonome de l’énergie ; une maison toute en bois, complétée d’un atelier édifié autour d’un « arbre-pillier » central (une idée reprise plus tard dans la conception de la maison Dassonville) ; une maison sans cloisons, qui se veut un espace de vie collective.

Celles aussi de constructions imaginaires, une architecture organique dont la structure s’inspire de celle de l’arbre.

« La structure arborescente, lorsqu’elle sert de modèle pour donner sa forme à l’architecture,

entre aussi en relation avec les archétypes d’un lointain et mythique paradis terrestre ».

Le texte nous entraîne dans la nouvelle vision d’une architecture en harmonie avec le vivant. Une vision certes utopique mais dont l’auteur espère qu’elle pourra nourrir la réalité de demain.

Une vision que l’architecte Schuiten a présentée dans le cadre de l’ouverture de l’exposition « Utopia » au Mundaneum de Mons au printemps 2007.

Ce « biomimétisme », défini comme étant une imitation de la vie soit « l’art de s’inspirer de la nature pour innover », est en effet aujourd’hui une discipline en vogue, et qui s’avère féconde dans des domaines très diversifiés de la technique. Il propose de considérer la nature à la fois comme modèle, comme mesure et comme mentor.

Les animaux et les plantes ont trouvé une infinie variété de solutions appropriées à leurs problèmes, des adaptations qui marchent et leur permettent de résister. Nous en inspirer davantage permettrait de multiplier les solutions durables aux problèmes de la satisfaction de nos besoins. La préservation de la biodiversité c’est aussi celle d’un capital d’innovations possibles.

Un autre architecte contemporain (peut-être plus connu en tant que peintre) a privilégié l’intégration de la nature dans ses créations : Hundertwasser.

Cet artiste-écologiste autrichien est l’inventeur du concept d’ « arbre-locataire ». De ses constructions, marquées par les courbes des structures et les couleurs vives des façades, émergent des arbres vivants, à tous les étages. Ces « locataires » de petits espaces arrière des fenêtres ou des toitures s’acquittent de leur « loyer » en purifiant l’air et en retenant l’eau. Ils sont « un morceau de végétation spontanée dans le désert anonyme, stérile de la ville ».

« Arbonie » : une civilisation en marche

Avec Jephan de Villiers et son concept d’ « arbonie » nous quittons le domaine de l’architecture.

J’ai découvert les sculptures de Jephan de Villiers il y a longtemps déjà. Ces œuvres m’ont interpellée d’emblée avec leurs personnages anonymes sans âge qui sollicitent notre écoute. Par leur mystère, par les matériaux naturels employés, par les sentiments conjugués de paix et de détresse qui émanent de la multitude de ces visages pâles aux grands yeux façonnés dans de la mie de pain.

Cet artiste d’origine française installé à Bruxelles, est profondément original. Après avoir découvert la forêt de Soignes dans le courant des années 70, il y a puisé, des années durant, les matériaux végétaux ramassés sur le sol dont sont forgés ses émouvantes figures d’un « peuple de bois mort » à corps forestier et visage humain. Ces sculptures sont réalisées avec des matières fragiles délicatement agencées, des matières mortes qui furent vivantes.

En humanisant l’arbre, les créations de l’artiste transcendent les règnes végétal et animal. Elles nous parlent de l’ « Arbonie », un pays de légende, royaume imaginaire dont le prince est un enfant. Elles contiennent des « fragments de mémoire » dont cette civilisation en marche est porteuse, façonnés en forme de cerveau et qui enveloppent chacun un « objet secret ».

« Le monde des arbres est une civilisation perdue ».

« En me promenant dans cette forêt, j’ai soudain eu l’intuition de vivre un moment très important »

« L’arbre se déploie comme une mémoire vive – une mémoire ancestrale,

comme une source d’histoire »

(Jephan de Villiers)

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