Avant propos
En 2008, il semble que l’adjectif « idéologique » soit presque devenu une insulte. De plus en plus nombreux sont les politiques qui prétendent « ne pas faire d’idéologie » et qui soutiennent répondre aux « vrais problèmes des gens », selon la formule entretemps consacrée, en invoquant « l’efficacité » et « le bon sens ». Bien qu’il ne faille en aucun cas sous-estimer l’importance de décisions politiques capables de provoquer le changement en s’appuyant sur les consensus les plus larges possibles, il semble qu’une telle qualification de l’action politique serve surtout de cache-sexe à l’immobilisme. Dans ce cas, le refus de « l’idéologie » tend à se confondre avec la défense du statu quo. Inversement, le recours aux références idéologiques ne garantit aucunement la pertinence et la justesse des conduites politiques, dans quelque parti que ce soit. Mais il permet au moins la discussion, la mise en évidence de différences d’approches, leurs origines et leurs évolutions. De ce point de vue, l’idéologie ne se confond pas avec les dogmes – qu’on désignera comme une série d’idées figées, fermées à toute évolution dont les histoires de certaines religions ou de certains courants politiques donnent de nombreux exemples, et qui ont pour fonction non pas d’ouvrer la discussion mais au contraire de l’interdire et de défendre ainsi des positions de pouvoir – mais elle renvoie à une approche dynamique de la politique, qui se sert de l’histoire et singulièrement de l’histoire des idées pour comprendre les évolutions du monde et tenter de les orienter.
Le texte qui suit s’inscrit dans cette perspective qui est à la fois « idéologique » et « dialogique », au sens où il a pour ambition de faciliter le dialogue entre générations de militants écologistes. Il s’agit d’un travail encore largement inachevé et qui a pour seul but de jeter quelques bases d’une étude plus large sur l’identité verte et l’histoire des idées de l’écologie politique en Wallonie et à Bruxelles. Il appelle par conséquent les critiques et les compléments de tous ceux qui ont participé et participent encore de près ou de loin à l’aventure verte dans ces deux régions. Se concentrant sur l’histoire des idées, il ne fait que trop peu de places au récit vécu d’une aventure collective, mais tente au minimum de décrire le contexte historique dans lequel les idées des écologistes ont évolué.
Idéalement, une telle entreprise devrait porter sur les ressources de sens qui, en amont de l’émergence du parti Ecolo, ont alimenté les idées des premiers écologistes, en Belgique, comme dans le reste de l’Europe. Elle devrait également ne pas se limiter aux valeurs défendues par le parti Ecolo mais concerner plus largement le stock d’idées véhiculées depuis bientôt trente ans par l’ensemble des organisations d’inspiration écologiste, quoique la définition d’un tel champ ne soit pas sans difficulté.
Il faut donc bien débuter quelque part… Et donc par pure solution de facilité, on commencera ici par revenir sur la signification de quelques idées défendues à l’origine par Ecolo, en se concentrant essentiellement sur les premières lignes du texte des premiers statuts d’Ecolo. Cela réduit certes fortement le spectre d’analyse, dans la mesure où par exemple les thèmes du pacifisme et du féminisme, très importants dans la genèse d’Ecolo, ne sont pas encore abordés, tout comme l’action des verts dans les communes. Mais cela permet de commencer. On esquissera ensuite le récit de leurs évolutions respectives en près de trente ans d’histoire. Le point de vue développé est résolument engagé. Il ne prétend pas à l’impartialité, mais tente de comprendre de manière ouverte et critique l’évolution des idées d’Ecolo.
(La suite dans le fichier attaché ci-joint)
TABLE DES MATIERES
Avant propos
1. Ecolo, une organisation autogestionnaire, fédéraliste et écologiste
Un mouvement fédéraliste
Un mouvement autogestionnaire
Un mouvement écologiste
2. Une remise en question de la société industrielle
3. Quelle stratégie ?
4. La question du rapport à la gauche
5. L’alternative n’est plus l’altérité
6. Débloquer la société
7. Quelles leçons de l’expérience du pouvoir ?
8. La nouvelle vague verte
9. Le carrefour des crises et l’avenir avec les Verts
10. Du fédéralisme intégral à la modernisation de la Belgique
11. De l’autogestion au ré-encastrement de l’économie dans la société
12. Le « Green Deal » et le passage vers une économie écologique
13. Ecolo et l’Europe
14. 1980-2009, l’histoire s’invente tous les jours