Un texte de Pierre Ansay, chercheur-associé à Etopia.


Les pratiques d’accommodement raisonnable au Québec et la Commission Bouchard-Taylor[[Je remercie particulièrement Mme Alykhanhthi LYNHIAVU, maître ès arts en anthropologie de l’Université de Montréal pour sa précieuse contribution et ses précieux conseils.]]

L’opinion publique québécoise a été agitée, ces dernières années, par des problématiques fortement nouées : l’immigration, l’identité québécoise, la définition de la laïcité et la crise démographique constituent un ensemble ouvert et crucial dont les interactions ont été plus ou moins perçues par les acteurs en présence : les intellectuels et le monde universitaire, les acteurs scolaires et de santé, les travailleurs sociaux, la presse, les associations immigrées et les partis politiques, tous, à quelque niveau, ont parlé et débattu, dans un formidable exercice de démocratie.

C’est la procédure dite de l’accommodement raisonnable qui a cristallisé et précipité le débat. Procédure extra ou intra-judiciaire, l’accommodement raisonnable est une obligation de l’Etat, des personnes et des entreprises privées à modifier, dans des cas liés essentiellement à la discrimination[[Discrimination : exclusion, distinction et préférence fondées sur un des motifs interdits par les chartes des droits. Exemple : l’exigence de taille minimale pour être embauché est discriminatoire. Alors que la discrimination directe est celle qui repose ouvertement sur un motif prohibé de distinction, « il faut telle taille minimale pour être pilote d’avion », la discrimination indirecte découle d’une règle «neutre», « l’horaire de travail est du lundi au samedi », c’est-à-dire qui s’applique de la même façon à tous, mais qui produit néanmoins un effet discriminatoire sur un seul groupe de personnes en ce qu’elle leur impose des obligations ou des conditions restrictives.]] indirecte, des normes et des pratiques politiques légitimes et justifiées, qui s’appliquent sans distinction à tous, pour tenir compte des besoins particuliers de certaines minorités (autochtones, femmes, minorités ethniques/visibles et personnes handicapées, confessions religieuses), à moins que l’adaptation requise n’entraîne une contrainte excessive. Précisons dès l’abord que bon nombre d’acteurs de première ligne, au contact de diverses minorités, ont procédé et continuent à procéder à des accommodements en dehors de tout formalisme réglementaire ou judiciaire. Mais plusieurs incidents, amplifiés exagérément voire travestis par une presse en mal de sensations et relayés par le parti populiste de la droite extrême, l’Alliance démocratique du Québec, (A.D.Q.) ont amené le gouvernement à créer une Commission afin d’éclairer sa lanterne.

La Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement raisonnable reliée aux différences culturelles, dite commission Bouchard-Taylor, présidée par le philosophe Charles TAYLOR et le sociologue Gérard Bouchard a été créée par le premier Ministre Jean CHAREST le 8 février 2008. Cette commission avait pour mandat de dresser un portrait des pratiques d’accommodement qui ont cours au Québec, d’analyser les enjeux qui y sont associés, de mener une vaste consultation populaire et de formuler des recommandations au Gouvernement «pour que ces pratiques d’accommodement soient conformes aux valeurs de la société québécoise en tant que société pluraliste, démocratique et égalitaire[[Fonder l’avenir, le temps de la réconciliation, G.BOUCHARD et C. TAYLOR, rapport abrégé, p. 1.]]».

Table des matières (document complet à télécharger ci-contre)

  1. Les accommodements raisonnables : une question très présente dans l’espace public
  2. Les modalités pratiques : les mécanismes internes et externes
  3. Les mécanismes externes
  4. Le débat au Québec
  5. La Commission Bouchard-Taylor
  6. Une crise des perceptions et la presse sévèrement critiquée
  7. Recommandations émises par le rapport
  8. Recommandations relatives à la laïcité
  9. Des recommandations très concrètes
  10. Des précisions relatives à l’inter-culturalisme
  11. La réception du rapport dans l’espace public québécois
  12. De nouvelles perspectives
  13. Et si notre chez nous trouvait sa vérité chez eux ?
  14. Et chez eux
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