Un texte de Jean-Paul Ledant, chercheur-associé à Etopia et chercheur à l’Institut pour un Developpement durable.

Résumé

Les paiements pour services environnementaux s’inscrivent dans une histoire d’appropriation de la
terre lourde d’enjeux économiques, environnementaux et sociaux. Le présent article passe
successivement en revue les questions soulevées par les productions agricoles, sylvicoles et
environnementales, pour déboucher sur une présentation des paiements pour services
environnementaux (PSE) et une analyse plus approfondie de ce que nous appelons les paiements
pour les services de la nature (PSN), versés en échange d’une réduction de pressions humaines sur
les écosystèmes. L’accent est mis sur les questions de légitimité et d’équité que soulèvent ces PSN,
en rapport avec l’emploi, l’accès à la nourriture, le renversement du principe pollueur payeur et
l’appropriation d’une rente foncière qui n’est associée à aucun travail.

Introduction

Les marchés régulent spontanément la production et l’échange de biens et de services qui
sont appropriables et produits intentionnellement. Par contre, ils sont sans effet sur les
biens insaisissables et naturels, de même que sur les produits non intentionnels du travail
humain. Ensemble, ces biens constituent ce qu’on appelle l’environnement, qu’on peut
définir comme la somme des richesses qui n’ont ni prix, ni marché. Le résultat de cette
absence de soumission au marché est que l’environnement, aussi utile qu’il soit, est
généralement sacrifié à l’économie. D’aucuns préconisent dès lors de soumettre
volontairement à l’emprise du marché l’ensemble de ces biens et services qui lui échappent
encore, et en particulier les services produits par les écosystèmes.

Dans ce cadre, la terre occupe une position particulière, en ce sens qu’elle est par excellence
un bien naturel mais qu’elle est appropriable et fait l’objet depuis longtemps en Occident
d’échanges marchants. Jusqu’à présent, la terre a essentiellement pris de la valeur en tant
qu’elle est travaillée et qu’elle supporte une production de biens échangeables, rapportant
à son propriétaire un revenu particulier, la rente. La principale nouveauté induite par le
Paiement de Services Environnementaux (PSE2), c’est qu’il est désormais question d’une
rente payée pour l’action de la nature, donc un non travail.

Au-delà des espoirs que ces dispositifs suscitent pour un développement plus durable et
une mise en conformité de l’offre et de la demande environnementales, cet article
s’interroge sur les implications de ces systèmes qui ont ceci de paradoxal qu’ils semblent
vouloir créer de la valeur d’échange sans travail incorporé et privatiser ce bien
éminemment collectif qu’est l’environnement naturel. Après un rappel des enjeux posés
par les productions classiques de la terre (agricoles et forestières), il examinera les
particularités de la production visée par les PSE et les implications plus particulières de la
rémunération des produits de la nature, donc de personne.

Table des matières (document complet à télécharger ci-contre)

  1. Propriété foncière et production agricole
  2. Particularités des productions forestières
  3. Particularités des services environnementaux
  4. Les Paiements pour Services Environnementaux (PSE)
  5. L’efficacité des PSE
  6. Les externalités s’éteignent-elles ?
  7. Questions d’équité et de légitimité liées aux PSE
  8. Les Paiements pour Services de la Nature (PSN)
  9. L’efficacité des PSN
  10. Les externalités des PSN
  11. Equité et légitimité des PSN : la rente foncière en question
  12. Conclusions
  13. Références
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