Un texte de Roberto Burdese.
Roberto Burdese est entré en 1991 comme objecteur de conscience à Slow Food. Il a collaboré à la maison d’édition du mouvement ainsi qu’à l’organisation des événements les plus importants comme le Salon du Goût et des Fromages ainsi qu’à la création de l’Université des Sciences Gastronomiques. Il est président de l’association Slow Food Italie depuis 2006.
Fondée en 1986 en Italie par Carlo Petrini, l’association Slow Food est devenue internationale en 1989. Elle compte aujourd’hui 85.000 membres, avec des sièges – par ordre de création – en Italie, Allemagne, Suisse, États-Unis, France, Japon, Royaume-Uni et des adhérents dans 130 pays. Slow Food veut donner la juste importance au plaisir de la nourriture, en apprenant à la fois à profiter de la diversité des recettes et des saveurs, à reconnaître la variété des lieux de production et des producteurs et à respecter les rythmes des saisons et de la table.
Carlo Petrini et ses complices défendent le concept d’éco-gastronomie, une nouvelle attitude qui veut associer un sentiment de responsabilité au plaisir et à la revendication du droit à en jouir pour tout le monde. Il s’agit d’allier le respect et l’étude de la culture de la gastronomie et du vin avec le soutien de ceux qui défendent la biodiversité agroalimentaire dans le monde.
L’éducation du goût est la meilleure défense contre la mauvaise qualité et les fraudes. C’est aussi le chemin le plus court pour combattre l’homogénéisation de notre alimentation. Dans ce but, Slow Food s’engage dans la sauvegarde des cuisines locales, des productions traditionnelles, des espèces végétales et animales en danger d’extinction ; elle soutient un nouveau modèle d’agriculture, moins intensif et plus propre, fondé sur le savoir et le savoir-faire des communautés locales, le seul susceptible d’offrir des perspectives de développement même aux régions les plus pauvres de la planète. C’est pourquoi Slow Food s’engage dans la sauvegarde des nourritures, des matières premières, des techniques de culture et de transformation héritées des usages locaux qui se sont consolidés dans le temps. Cet engagement ne peut pas être dissocié de la défense de la biodiversité des espèces cultivées et sauvages et encore moins de la protection des lieux conviviaux qui font partie du patrimoine de la culture matérielle pour leur valeur historique, artistique ou sociale.
La philosophie du mouvement est fondée sur la défense du plaisir gastronomique et sur la recherche de rythmes de vie plus lents et réfléchis. Découvrir la nourriture permet de réfléchir à la qualité de la vie et de valoriser l’histoire et la culture de chaque groupe social dans un réseau d’échanges réciproques. Il est en effet impossible de vraiment reconnaître la valeur d’une nourriture, qu’il s’agisse d’une variété de fruits ou d’un plat typique, en faisant abstraction du rapport qu’elle entretient avec l’histoire, la culture matérielle et l’environnement dont elle est originaire. Voilà pourquoi Slow Food soutient le besoin de conserver, dans la production agricole et zootechnique, un équilibre de respect et d’échange avec l’écosystème environnant. Voilà pourquoi Slow Food a été défini comme un mouvement d’éco-gastronomes.
Le réseau de Slow Food est réparti en sièges locaux nommés Condotte en Italie et Conviviums ailleurs dans le monde, coordonnés à chaque fois par un responsable qui se chargent d’organiser des cours, des dégustations, des dîners et des voyages. Les Conviviums sont également chargés de promouvoir au niveau local les campagnes lancées par l’association et de participer aux grands événements organisés par Slow Food au plan international. En tout, plus de 800 Conviviums Slow Food sont actifs dans 80 pays, en ce compris les 350 Condotte italiens et la dizaine de Conviviums belges. En Belgique, le mouvement commence lentement à se lancer dans les trois régions du pays : « slow, mais avec de grands objectifs ».
D’Arcigola à Slow Food : la chronologie du développement d’une association internationale
1980 Naissance à Bra de la Libera e Benemerita Associazione Amici del Barolo, noyau fondateur de la future Arcigola.
1986 Constitution de l’association Arcigola dans les Langhe.
1989 Naissance, à l’Opéra Comique de Paris, du mouvement international Slow Food où est signé le Manifesto.
1990 Premier congrès à Venise du mouvement international Slow Food et naissance, avec la publication d’Osterie d’Italia, de Slow Food Editore.
1992 Slow Food Deutschland ouvre son siège en Allemagne.
1993 Slow Food Suisse ouvre son siège à Zurich.
1994 Slow Food organise la manifestation Milano Golosa, banc d’essai de ce qui deviendra le Salone del Gusto à Turin.
1996 En avril, le premier numéro de Slow, magazine culturel du goût, le courrier international de Slow Food, sort en italien, anglais et allemand. Fin novembre, Slow Food organise la première édition expérimentale et sur petite échelle du Salone del Gusto à Turin, où est présenté le projet de l’Arche du Goût.
1997 Le congrès « Dire fare gustare » marque le début du projet d’éducation alimentaire et du goût de Slow Food qui, au fil du temps, impliquera sous différentes formes et de différentes manières des enseignants et des enfants de très nombreuses écoles de toute la Péninsule.
À Bra, au mois de septembre, Slow Food organise Cheese, le forme del latte, première exposition internationale des fromages de qualité. À Orvieto, en octobre, deuxième congrès international de Slow Food.
1998 Au mois de juillet, à l’initiative de Slow Food, est constituée l’Agenzia di Pollenzo, une société créée pour ré-aménager l’ancienne résidence de la maison de Savoie de Pollenzo (Bra) pour abriter l’Université des Sciences Gastronomiques, un hôtel, un restaurant et la Banque du Vin.
À Turin, au mois d’octobre, a lieu la deuxième édition du Salone del Gusto, ouverte au grand public cette fois-ci. 120 000 visiteurs participent aux Ateliers du Goût, rencontres, événements et peuvent goûter la variété de la petite production de qualité.
1999 Au mois de mai, Slow Food lance une campagne de collecte de signatures pour défendre le patrimoine du vin et de la gastronomie italienne et demander la révision du règlement européen HACCP.
Lors du Congrès de Slow Food Australie est introduit le concept de Slow Food en tant que mouvement « éco-gastronomique ».
2000 En janvier, le projet des Sentinelles démarre. Il s’agit d’interventions ciblées sur un territoire pour sauvegarder ou relancer les petites productions artisanales en danger d’extinction.
En mars, Slow Food USA ouvre son siège à New York.
En octobre, a lieu à Bologne la première édition du Prix Slow Food pour la défense de la biodiversité et, à Turin, la troisième édition du Salone del Gusto : 130.000 visiteurs et 91 premières Sentinelles italiennes présentées au grand public.
2001 Les nouveaux sites internet de Slow Food (en italien et en anglais) sont inaugurés : www.slowfood.it et www.slowfood.com.
Slow Food lance la campagne NO GM Wines, contre la commercialisation des vignes transgéniques en Europe, et rédige le Manifeste de défense des fromages au lait cru.
Troisième édition de Cheese à Bra et deuxième édition du Prix Slow Food à Porto, au Portugal.
En décembre, Slow Food lance un nouveau projet éducatif pour adultes : le Master of Food, qui prévoit un programme d’études sur la gastronomie et le vin réparti en 20 cours thématiques.
2002 À Turin, ont lieu la troisième édition du Prix Slow Food et la quatrième édition du Salone del Gusto avec 138.000 visiteurs et la présentation des 30 premières Sentinelles internationales.
2003 Grâce au soutien de la Région Toscane qui en est membre, la Fondation Slow Food pour la Biodiversité à but non lucratif est constituée. Sa tâche est de supporter le Prix Slow Food, les Sentinelles et l’Arche du Goût.
Au mois d’avril, à Brasilia, Slow Food signe un protocole d’accord avec le gouvernement brésilien pour réaliser des projets en faveur de la sauvegarde des petites productions agricoles traditionnelles.
À Perpignan, Congrès de fondation de Slow Fod France qui ouvrira son siège à Montpellier.
Première édition de Aux origines du goût, la rencontre des terroirs du monde organisée tous les deux ans par Slow Food France, où les artisans du « bien boire et du bien manger » font connaître leurs produits au grand public, en organisant des ateliers du goût, et discutent de la valeur et de l’avenir des produits typiques et locaux.
Quatrième édition du Prix Slow Food à Naples, parallèlement au Congrès International Slow Food, qui rassemble des délégués de plus de 50 pays : les thèmes traités sont la défense de la biodiversité et l’éducation. Au cours du congrès, Carlo Petrini présente l’idée de la rencontre mondiale des producteurs de nourriture.
2004 En janvier, un groupe de travail est constitué pour organiser la première rencontre mondiale de la Communauté de la Nourriture : Terra Madre.
En février, la FAO reconnaît officiellement Slow Food en tant qu’organisation à but non lucratif et instaure avec elle un rapport de collaboration.
L’Agenzia di Pollenzo, remise à neuf, est inaugurée en avril avec une semaine de portes ouvertes. Des milliers de personnes visitent le complexe qui héberge la première Université des Sciences Gastronomiques.
En juin, Gênes accueille la première édition de Slow Fish, manifestation consacrée à la pêche et au poisson durable.
À Yufuin, au Japon, Congrès de fondation de Slow Food Japan, dont le siège est à Sendai.
Au mois d’août, le Ministère de l’Université et de la Recherche scientifique reconnaît officiellement l’Université des Sciences Gastronomiques, qui ouvre ses portes aux 75 premiers étudiants début octobre.
Fin octobre, au Lingotto de Turin, a lieu la cinquième édition du Salone del Gusto avec plus de 140.000 visiteurs. Dans le même temps, se déroule au Palazzo del Lavoro la première édition de Terra Madre à laquelle participent près de 5.000 délégués provenant du monde entier.
2005 En mai, les États Généraux des Sentinelles Slow Food italiennes se réunissent en Sicile : plus de quatre cents producteurs, chercheurs universitaires, responsables institutionnels de toute l’Italie, dirigeants des Ministères de la Santé et des Politiques Agricoles et Forestières, techniciens de la Division Régionale de l’Agriculture et des Forêts de la Sicile, se réunissent en congrès pour lancer une grande campagne de sauvegarde des productions artisanales d’excellence en danger de disparition.
En juillet, un groupe de travail composé des représentants des communautés de la nourriture kenyane, des principales ONG et d’une délégation du ministère de la culture locale, déjà présente à l’événement de Terra Madre 2004 en la personne du vice-ministre Alicen Chelaite, se réunira à Machakos au Kenya.
Au mois d’octobre, le Convivium brésilien du Minas Gerais organise le Salao das Comunidades do Alimento, le premier grand événement organisé par Slow Food au Brésil consacré aux aliments traditionnels auquel participent des Sentinelles et des communautés de la nourriture brésiliennes.
2006 Slow Food fête ses 20 ans lors du VIe Congrès National de Slow Food Italie (Sanremo, 9-11 juin). C’est l’occasion de transmettre aux délégués la nouvelle idée de gastronomie, l’approche systématique au monde de la nourriture, considéré comme un ensemble holistique de personnes, milieux et sociétés.
Yokohama Slow Food Fair (petit Salone del Gusto japonais) parvient à sa 3e édition et est reconnu au niveau national, grâce au soutien de l’organisation de Slow Food Japan.
Franc succès de la deuxième édition de Taste of Slow, à Victoria en Australie. Du 28 août au 10 septembre, deux semaines de débats, dîners et dégustations avec des producteurs, experts et cuisiniers locaux et internationaux.
Sixième édition du Salone del Gusto et deuxième de Terra Madre (Turin, 26 au 30 octobre).
Un grand succès public pour le Salone del Gusto avec 172.400 visiteurs ; le thème porteur de la manifestation était « Bon, propre et juste ».
1.600 communautés de la nourriture, 1.000 cuisiniers et 400 professeurs et représentants d’universités ont participé à Terra Madre : pour la première fois, le monde de la production rencontre le savoir-faire culinaire et la science académique.
Au mois de décembre, le siège national de Slow Food UK ouvre à Ludlow.
2007 – Coup de projecteur sur deux grands projets
Éducation alimentaire, éducation du goût: le développement des jardins scolaires, la qualité des repas dans les hôpitaux
La sphère sensorielle de l’homme contemporain s’est considérablement appauvrie. Le toucher, le goût, l’odorat ont subi une profonde régression. La réduction du temps disponible et l’accélération de nos rythmes de vie nous privent de plus en plus des outils pouvant nous donner une connaissance plus approfondie, variée et authentique du monde qui nous entoure. C’est pourquoi le réveil des sens et de la perception est un des éléments de base de la philosophie de Slow Food. Les nouvelles générations, en particulier, risquent de perdre, en même temps que le rapport avec le territoire et aux saisons, le sens de l’acte de se nourrir.
Ces considérations ont donné naissance au projet d’Éducation du Goût, destiné à éduquer les enfants à développer leur sphère sensorielle et à leur faire comprendre l’importance des produits alimentaires faisant partie intégrante de la culture des sociétés.
Le programme d’éducation du goût de Slow Food complète de façon critique les pédagogies qui réduisent l’éducation alimentaire à une simple perspective nutritionniste ou commerciale en affirmant que la nourriture n’est pas que nourriture mais est aussi plaisir, culture et convivialité soit, en d’autres termes, une médiatrice de valeurs et de comportements, un véhicule de relations, un catalyseur d’émotions. Slow Food met son expérience à la disposition des enseignants en organisant des cours, conférences, congrès et ateliers sensoriels dans les écoles.
Après la reconnaissance de Slow Food Italia en tant qu’agence de formation dans le domaine de l’éducation alimentaire et sensorielle par le Ministère italien de l’Éducation, l’université et la recherche, le travail de Slow Food est devenu constant et systématique sur ce thème à partir de l’année scolaire 1998/1999. Il a notamment organisé des cours de formation et de mise à jour pour les enseignants de l’enseignement obligatoire et supérieur.
Toujours dans le domaine scolaire, est né en 2001 le premier projet national associé aux School Gardens grâce à l’engagement des Conviviums de Slow Food USA. Quelques adhérents américains ont créé, près des bâtiments scolaires, de véritables potagers où les jeunes ont maintenant la possibilité de cultiver leur nourriture, développer leurs aptitudes manuelles et stimuler leurs sens. En l’espace d’à peine deux ans seulement, trente potagers scolaires ont ainsi été créés sur tout le territoire américain. Le succès de cette initiative – grâce au dur labeur et à la persévérance, entre autres, d’Alice Waters, Matt Jones, Todd Wickstrom et Laurence Mate a été tel qu’en 2003 le Congrès international de Slow Food a décidé que claque Convivium, dans le monde, devait travailler au projet de mise en route des School Gardens, pour donner ainsi un débouché supplémentaire et concret à la mission éducative de Slow Food.
En 2006, lors du congrès national de Slow Food Italia à Sanremo, le potager scolaire a été rebaptisé « Orto in condotta » (Potager dans le convivium). « L’Orto in condotta » s’inspire des trois principes-clés de la philosophie de l’association : “bon, propre et juste”.
Bon, parce que grâce aux ateliers d’analyse sensorielle, les enfants et les parents sont amenés à distinguer les aliments en fonction de leur qualité organoleptique, ce qui les met en meilleure condition pour par exemple contrôler la qualité des cantines scolaires.
Propre, parce que les enfants apprennent à utiliser des méthodes de production biologiques et biodynamiques, à rechercher et sauvegarder les graines des variétés horticoles de la tradition locale, à considérer comme prioritaire la réduction des kilomètres parcourus par les aliments en cherchant la nourriture sur leur territoire.
Juste, parce qu’il encourage la transmission du savoir entre les générations en valorisant le rôle social de personnes âgées et de volontaires et la collaboration entre des mondes différents, par le jumelage avec le Sud du Monde.
Actuellement, les « Orti in condotta » se multiplient dans le monde entier : les potagers scolaires actifs sont au nombre de 78 en Italie et de 42 dans le reste du monde.
Pour continuer dans l’univers de l’école, Slow Food a pensé à un projet particulier destiné aux élèves de l’école hôtelière. Depuis 2002, des cursus spécifiques ont été créés pour connaître, trouver et employer en cuisine quelques-uns des produits traditionnels les plus significatifs. Il s’agit d’une occasion concrète de donner aux futurs acteurs du secteur de la gastronomie et du vin des instruments et des méthodes de travail : connaissance de la présence historique, mise en situation sur le territoire, filière de production, commercialisation et enfin valorisation gastronomique du produit.
L’un des projets les plus ambitieux de Slow Food est d’aborder de manière critique la nourriture à l’hôpital, si éloignée aujourd’hui des habitudes et des goûts des hospitalisés et des malades. Dans un lieu où le temps est rythmé par les examens diagnostiques et les thérapies, rendre de la dignité et une vraie place au moment du repas peut s’avérer réellement profitable aux patients.
Les principes essentiels de l’alimentation du malade hospitalisé sont établis dans la Charte des droits au plaisir, à la convivialité et à la qualité de l’alimentation du malade. Dans l’hôpital historique de San Giovanni Antica Sede de Turin, un programme de sensibilisation sur le rôle de la nourriture a été mis au point pour requalifier la cantine et transformer le repas en un moment de soin, de rééducation, d’enrichissement culturel et de distraction.
Pendant le Salone del Gusto 2006, la Ministre de la Santé, Livia Turco, a annoncé qu’elle voulait mettre en route un programme de travail avec la participation du Ministère de la Santé et de Slow Food pour élaborer un programme des priorités à réaliser dans le secteur de la restauration hospitalière.
L’association Slow Food travaille en outre dans les maisons d’arrêt, dans le but précis de faire acquérir des compétences de travail aux détenus, à employer éventuellement lors de leur réinsertion dans la société ou, plus simplement, pour occuper le temps qu’ils ont à leur disposition par des activités de formation.
Dans l’établissement pénitentiaire Lorusso et Cutugno de Turin (Le Vallette), certains détenus ont reçu une formation sur la gestion du cycle de torréfaction, la connaissance de l’histoire et des lieux de production et sur la transformation et la dégustation du café. Les grains de la boisson amère, provenant de la Sentinelle Slow Food guatémaltèque de Hueuetenango, sont torréfiés à l’intérieur de la prison et sont ensuite distribués par la coopérative Pausa Caffè.
Pour ce qui est du grand public, l’idée gagnante a été sans nul doute la création des Ateliers du Goût, devenus l’élément caractéristique des manifestations signées Slow Food. Son succès prouve qu’ils répondent aux besoins profonds du consommateur contemporain. Dans un cadre ambiant agréable, avec un service attentif et professionnel mais non apprêté, on encourage chez les participants un comportement curieux et une attention vis-vis des produits. En l’espace d’environ une heure, les spécialistes qui dirigent l’Atelier illustrent les éléments de la technique de dégustation et présentent les produits du point de vue commercial et productif en se servant souvent du témoignage du producteur et d’un professionnel du secteur.
On a dit que Slow Food proposait une éducation alimentaire et du goût innovante et originale, basée sur le réveil et l’entraînement des sens, sur l’apprentissage des techniques de production de la nourriture et sur la dégustation considérée comme une expérience de formation.
C’est sur ces principes qu’est née l’idée du Master of Food. Son but n’est pas de former des professionnels mais plutôt de rendre les consommateurs plus conscients, de satisfaire leur curiosité vis-à-vis de la nourriture et d’encourager des comportements d’achat responsables.
Il s’agit d’un vrai « parcours didactique » avec un programme d’études (divisé en 23 cours thématiques pour un total de près de 90 séances théoriques et pratiques) où l’on traite de l’ensemble de la connaissance en matière de vin et de gastronomie. Les cours sont organisés par les Conviviums, les sièges locaux de l’association, dans le cadre des activités programmées et définies selon les demandes des adhérents.
Défense de la biodiversité : des projets concrets dans le monde
Slow Food a par ailleurs mis sur pied un nouvel instrument centré sur la défense de la biodiversité, la Fondazione Slow Food per la Biodiversità-ONLUS. Ses objectifs sont mutliples : la défense de la biodiversité alimentaire et des traditions gastronomiques du monde entier ; la promotion d’une agriculture soutenable, respectueuse de l’environnement, de l’identité culturelle des peuples et du bien-être animal ; la défense de la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit de chaque communauté à décider que cultiver, produire et manger.
La Fondation est née à Florence, grâce au soutien de la région Toscane, et a son siège officiel dans la prestigieuse Accademia dei Georgofili. Enfant de Slow Food mais douée de sa propre autonomie statutaire, économique et administrative, elle finance les projets réalisés pour la protection de la biodiversité : l’Arche du Goût, les Sentinelles, les marchés de la terre.
Les Sentinelles Slow Food
L’Arche du Goût recherche, catalogue, décrit et signale des saveurs presque oubliées du monde entier, des produits en danger d’extinction mais encore vivants et aux potentialités productives et commerciales réelles. L’ idée de prêter cette métaphore biblique au monde de la nourriture remonte à 1996 et la première liste de produits est spontanée ; ensuite, la nouvelle Commission Scientifique de l’Arche italienne a établi les critères de sélection des produits de l’Arche. Ceux-ci, extrêmement résumés, sont : l’excellence gastronomique, le lien avec le territoire, le caractère artisanal, la dimension soutenable des exploitations et le danger d’extinction. Une fois les critères établis, le travail commence : le monde de Slow Food – responsables, adhérents, sympathisants, spécialistes – remplit des fiches et envoie des échantillons de dégustation. En quelques années, la Commission italienne a évalué et sélectionné presque cinq cents produits. Le travail s’est avéré fertile : dans de nombreux pays du monde, des commissions ont vu le jour. Les premiers à se mettre au travail ont été les Américains et les Allemands suivis des Suisses, Hollandais et Français…
Les Sentinelles sont l’étape suivante, mais pas nécessairement automatique, au catalogage de l’Arche. Pour valoriser un produit, il faut réunir les quelques producteurs qui restent et les rendre visibles, les aider à communiquer l’excellence gastronomique de leur production et à arriver à des prix plus rémunérateurs. Il faut parfois des interventions de structure : construire un abattoir, restaurer un four ou les murs en pierres sèches d’un vignoble. Un seul projet ne suffit pas : il en faut autant qu’il y a de produits, chacun est étudié pour soutenir une filière précise de production. Les Sentinelles sont donc des projets ciblés sur le territoire. Ils peuvent ne concerner qu’un seul fromager (peut-être le seul à être dépositaire de la technique de production d’un fromage) ou bien rassembler des milliers de paysans.
En Italie, les Sentinelles sont au nombre de 200 et protègent les produits les plus disparates : vache Burlina, pain de pommes de terre de la Garfagnana, pitina du Frioul et manna delle Madonie. Avec l’institution de plus de 90 Sentinelles internationales, l’univers de Slow Food s’est étendu à toute la biodiversité du monde : riz bario de Malaisie, vanille de Mananara au Madagascar, café guatémaltèque et fromage polonais oscypek. Parce que les situations de marginalité des paysans des Alpes et des Apennins sont les mêmes que celles des campesiños du Chiapas ou des derniers héroïques fromagers au lait cru d’Angleterre. Ces projets sont réalisés sur les cinq continents et font participer 50 pays (de la Suède au Guatemala) mais le plus gros engagement économique concerne le soutien des pays les plus pauvres, à savoir ceux où défendre la biodiversité ne signifie pas seulement améliorer la qualité de la vie mais aussi assurer la vie même de communautés entières.
La Fondation se propose de recueillir des fonds des membres en Italie et à l’étranger, d’entreprises du secteur alimentaire, d’organismes publics, d’entreprises d’autres secteurs commerciaux et, plus généralement, de tous ceux qui sont intéressés par le soutien des projets Slow Food de défense de la biodiversité alimentaire. La Fondation garantit, d’un côté, la transparence absolue de l’utilisation des donations et des contributions reçues et, de l’autre, la possibilité de bénéficier des avantages de déductibilité fiscale que permet ce genre d’organisme.