Voici une forme nouvelle de comédie financière en forme de ballet.
Elle débute aux Etats-Unis à quelques uns, ils en invitent quelques autres puis jouent à
l’apprenti sorcier et se retrouvent à une multitude d’acteurs sur tous les continents…
Au début de la pièce, le décor est celui, principalement, de deux états réputés pour leur
avidité à la fois commerciale et théâtrale : Floride et Californie. L’action se répand, au fur et à mesure jusqu’à couvrir toute la planète banquière. L’acteur se retrouve même être son propre spectateur. Elle s’invente dans des officines secrètes d’investisseurs habiles
bricoleurs sans scrupules et de juristes douteux mais pointus. Il s’agit simplement de
vendre des maisons et de prêter la somme nécessaire sur un contrat opaque, à des
acheteurs qu’on sait incapables de rembourser les traites. Facile : le vendeur menace puis évacue violemment l’acheteur défaillant et remet le bien sur le marché.
Le truc est qu’il ne revend pas sa créance, gagée sur un titre de propriété (qu’il garde pour continuer le jeu) mais sur un papier véreux (un “dérivé”) qui ressemble à un “bon pour parier aux courses” : “Ton cheval gagne, tu touches un intérêt “à deux chiffres”, il perd, toi aussi”.
Classique sauf qu’il s’agit de millions de victimes et que cette masse subite a simplement
croulé le marché immobilier. Les banquiers mondiaux, éblouis, avaient acheté des
tombereaux de ces bons ” titrisés” (MBS, mortgage backed securities). Après quelques mois de bonheur, ils ont vu s’effondrer leurs « bons », vite devenus invendables : une « autopanique » qui s’autoalimente. Les Agences de notation n’ont rien vu venir : mais à quoi peuvent-elles servir si c’est le noté qui paye le noteur ? Quelques mois avant la débandade, le FMI qui n’est pourtant pas un enfant de choeur, a rassuré ses clients en disant que les investisseurs sont trop bien armés contre une baisse pour la craindre… Et chacun vend ou recalcule ses pertes et ne réussit plus à nouer les deux bouts. Devant l’obligation de déclarer la couverture de leurs dettes, ils s’affolent, empruntent et assèchent le marché : ils s’adressent aux Arabes et aux Orientaux qui leur prêtent avec un sourire cruel mais en réalité, ils ont toujours perdu exactement autant qu’avant le prêt ; où est la différence ?.
Rien n’y fait : Bert Bernanke, l’acteur-jeune premier, président de la FED, doublure du
grand acteur retraité Alan Greenspan, dégringole ses taux en affolant tout le monde un peu plus. Puis, un solide investisseur étasunien s’effondre dans un grand bruit : Carlyle.
Ensuite cette grosse banque britannique la Northern Rock se déclare naïvement en
cessation de payement et pour éviter la ruée de ses clients, le Trésor britannique la
nationalise d’un coup et les rembourse avec l’argent du peuple. Puis Bear Stearns,
essoufflée se fait racheter pour des clous, par son meilleur ennemi, JP Morgan Chase, à la condition, dit celui-ci, que le Trésor paye tous les risques… Toutes les banques doivent
déclarer leurs pertes : un abîme. Autant en Allemagne, en France au Japon, puis partout
dans le monde : et même deux petites villes norvégiennes… Merci les Américains ! Mais à
quoi donc servent le gendarme de la Bourse ou l’OMC ?
Quelques économistes étatsuniens ne voient plus qu’un seul remède pour éviter la panique générale : l’État doit racheter tous les titres malades, avec l’argent du peuple, et les appellera SIV (Special Investment Vehicules, encore plus obscur). Il les revendra lentement, à perte : ils évaluent le coût d’achat à environ trois trillons pour en récupérer peut-être deux dans quelques années… Juste une idée. Et la débandade continue : ça s’effondre dans tous les coins et on replâtre : les derniers, aux jolis noms de Fannie Mae et de Freddie Mac, les Laurel et Hardy des réassurreurs d’immobilier américains trébuchent et se réfugient vers l’État maternant.
Déjà en 1980, les caisses d’épargne privées, américaines bien sûr, avaient joué, sur une
échelle bien plus mesquine, et raté la même « cavalerie ». Pour sauver leurs petits
épargnants et arrêter les paniques, le Trésor avait déjà racheté les titres pourris : on
n’apprend rien…
Le Crédit Lyonnais aussi, après ses escapades américaines, au-delà de la faillite, avait
réussi à revendre tous ses titres dévalués, au prix fort, à une « structure de défaisance » fondée pour lui seul, par l’État français pour les écouler discrètement, à pertes, avec
l’argent du peuple… Ici, c’est pareil.
Le journal Le Monde déclare que les banquiers sont des êtres stupides et irresponsables : leur voracité est leur seule déontologie. Ceci est connu, ce qui l’est moins c’est que cette fiction du marché libre autogéré n’a jamais vraiment existé. Adam Smith avec sa main invisible ou Friedrich Hayek avec sa superstition, vivaient dans un monde abstrait et sont dévalués aujourd’hui de la même façon : leur univers supposait une information parfaite, alors que tout le monde triche…
Et puisque ça cafouillait dans l’immobilier, ils ont spéculé sur l’alimentation et l’éthanol et
voilà un milliard d’affamés en révolte… Et les tickets de ravitaillement (pétrole,
alimentation, matières, etc.) face au marché « noir », personne n’ose même y songer…
On n’a pas non plus demandé où s’en étaient allés tous les milliards qui avaient payé ces « titrisations » ni ce que sont devenus les « expropriés » pour dettes (400 000 victimes)…
Au moins, devrait-on avouer tout ceci officiellement et imposer à un marché
hystériquement hors la loi, un cadre juridique qui l’assainisse et le domestique. Les Gengis Khan de la spéculation : quand les arrêtera-t-on ? Il semble que l’Irlande ait compris cela…
Un intermède français : la Société Générale dont un jeune courtier, Jérôme Kerviel (sur les blogs, on l’appelle déjà le Robin des Banques…) lui a fait perdre quelques milliards en ne trichant que sur les limites imposées. Lorsque « par hasard » son patron l’a appris, il a fait vendre en catimini et par petits paquets, tout son stock de papiers pourris et ce n’est que lorsqu’il avait tout dispersé qu’il a avoué son aventure…N’est-ce pas un vrai délit d’autoinitié ? Ne faut-il pas examiner ce patron ? Enfin, les gérants de Bear Stearns, en faillite, sont examinés mais très mollement, par des confrères… Mais qu’est ce que ça change qu’une banque obtienne le soutien de fonds “souverains” : elle doit exactement autant qu’avant, à tous ses créanciers, ceux-ci en plus…
Et à quoi ça sert qu’une banque fasse faillite : les actionnaires trinquent ? Les employés et toutes les activités sont repris par d’autres et on refait une partie avec les mêmes… Et puis ça continue à tomber comme des mouches : Lehman Brothers puis les assurances AIG et qui d’autre ?
L’économisme a longtemps essayé de se faire passer pour une science : il serait temps de reconnaître qu’elle n’a jamais été qu’un complot et que le « marché libre » était une fiction comique : si quelques certitudes existaient on ne vivrait pas la situation ridicule de ces jours-ci, où, pour résoudre le même désordre, Bernanke baisse ses taux au plancher et son ami Trichet, lui, les monte tant qu’il peut…
Les traditions banquières se perdent : en 1929, il s’en jetait quelques uns par les fenêtres, (sans « parachute doré »). D’autres étaient jetés aussi, mais en prison.
Ici, RIEN…
Rideau…