Nous n’avons pas fini de tirer toutes les conclusions de la naissance rapide de l’écologie politique en Wallonie à la fin des années ’70 et au début des années ’80.
Ainsi, par exemple, nous devons encore comprendre ce paradoxe : l’émergence d’un mouvement politique qui remet radicalement en question les paradigmes de la société industrielle dans une région frappée de plein fouet par la désindustrialisation.
Les premiers succès électoraux des Verts sont en effet parallèles à l’accélération du déclin de la vieille industrie wallonne. Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à en rendre les écologistes en partie coupables, comme si ceux qui proposaient des alternatives à un monde finissant étaient directement responsables de son échec. Heureusement, de plus en plus nombreux sont aujourd’hui ceux qui comprennent que le temps est venu d’inverser la formule ringarde selon laquelle « on ne peut pas faire d’écologie sur un désert économique ». Désormais, le consensus s’élargit autour de l’idée qu’au contraire « on ne peut développer une économie sur un désert écologique ». L’écologie, c’est non seulement l’avenir de l’économie, mais c’est au XXIème tout simplement la condition de possibilité de l’économie, comme de toute justice sociale.
Au-delà de ce qui apparaît enfin comme une évidence, l’écologie politique a depuis toujours remis en question les modes de gouvernance de cette société industrielle. C’est également du côté de ses ravages qu’il faut chercher les raisons d’un succès presqu’unique en Europe.
Là aussi, nous commençons progressivement à sortir d’un modèle dépassé, celui d’une organisation verticale et centralisée du pouvoir, aussi bien sur le plan économique que politique. Nous en sortons, mais lentement et difficilement comme en témoignent l’actualité récente des « affaires ». Pour accélérer ce mouvement, il faut en comprendre les origines, notamment du côté du modèle social qui les nourrit.
Au sein de la société industrielle, entre l’obéissance au patron et la soumission au potentat local, il y a certes la différence du suffrage universel, il y a aussi la même fascination pour la puissance et l’allégeance protectrice des « petits » vis-à-vis des « grands ». Il y a aussi la même tendance à la déresponsabilisation dont nous n’avons pas encore fini de subir les conséquences. Surtout quand cette conception « verticale » du pouvoir se combine avec un sous-localisme qui rappelle la féodalité de l’ancien régime.
Dès sa naissance, l’écologie politique a voulu proposer une gestion plus horizontale de la démocratie. Du fédéralisme intégral des Amis de la Terre, à la participation citoyenne en passant par le développement de la sphère autonome, les écologistes ont toujours considéré que la vie de la cité était plus riche de sens et de solidarités si elle passait par la participation du plus grand nombre. La confiance aveugle au pouvoir d’un seul homme, l’organisation de la dépendance à l’égard d’un seul clan, d’une seule corporation, d’un seul parti n’ont jamais fait partie de son bagage politique.
Si nous voulons vraiment que la page des affaires soit un jour tournée, il nous reste non seulement à ne pas les réduire aux dérapages éthiques de quelques individus isolés mais à comprendre les mécanismes qui les rendent possibles et surtout à construire des alternatives avec tous ceux qui veulent enfin tourner la page.
Pour poursuivre cette réflexion :
Bernard Francq : « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi », La Revue Nouvelle, nov. 2005 et « Un socialisme populaire et régional », La Revue Nouvelle, janv-fév. 1995.
Le très (très) éclairant interview de Jean-Jacques Viseur sur “Charleroi, c’est la Sicile” dans le Pan du 4 juillet. Et c’est un carolo qui vous le dit.
Christophe Derenne, directeur.