Qu’en est-il encore de la laïcité en 2005 après sa première concrétisation juridique en France en 1905 ? En effet, la laïcité a d’abord été officialisée en Europe par la France et plus particulièrement en 1905 avec la loi concernant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette derniè-re était le résultat d’un processus dont l’amorce se trouvait dans l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : “nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmereligieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi” et cela à travers les revendications de séparation de la sphère privée (croyances personnelles) de la sphère publique (politique), de neutralité de l’enseignement, de séparation de l’Etat et de l’Eglise, et de sécularisation de services d’abord réservés à l’Eglise. Le débat sur la laïcité se pose alors en dehors de la question de l’existence de dieu, donc de l’athéisme, et du caractère mono, bi, pluri-confessionnel d’un pays. A ce stade, la laïcité consiste d’abord à empêcher toute forme de prosélytisme qui dérangerait l’ordre public.

Par la suite, la laïcité a évolué pour prendre plusieurs formes différentes en Europe : celle d’une conception juridique, formaliste et opérationnelle de neutralité institutionnelle respectant les libertés individuelles, celle d’une valeur universelle se trouvant au même niveau que la solidarité, celle d’une dénonciation permanente des religions, ou encore celle du respect du pluralisme. Qu’en est-il alors de la laïcité en Belgique en 2005 ?

Même s’il est question d’un courant laïque depuis les années 70, la pleine liberté d’organisation et d’action de l’Eglise catholique telle qu’elle a été établie lors de la création de l’Etat belge en 1831 a laissé ses traces sous forme d’un circuit indépendant d’enseignement catholique. De plus, la laïcité n’a pu être intégrée dans le paysage politique belge que sous la forme d’une structuration identique à toute autre institution religieuse : la personnel laïc est pris en charge par l’Etat comme le personnel catholique que sont les curés.

Il n’en reste pas moins que le débat sur la laïcité devient de plus en plus actuel grâce au pluralisme croissant dû à l’ouverture des frontières et à l’évolution de la mobilité, donc de l’immigration qui ne se limite pas seulement au regain des pratiques religieuses particulières et des demandes de reconnaissance identitaire. En effet, la laïcité participe à la réflexion sur la troisième génération des droits de l’homme concernant la paix, le “développement durable” et le respect du patrimoine (celle qui a suivi les droits politiques, et les droits économiques et sociaux) et, qui tout en favorisant la diversité des croyances et des opinions, a permis l’implication de la laïcité en termes de résolution des conflits (comme par exemple en Irlande ou au Kosovo). La laïcité adhère ainsi à la logique de prolongement de la sphère privée dans le public, plutôt que d’une séparation stricte. C’est donc la création collective de sens qui semble compter ici et non pas les universaux religieux liés à un groupe, la démocratie n’étant plus simplement garante d’une entente minimale instrumentale mais bien la valorisation d’un sens commun.

La Laïcité est-elle alors la possibilité d’une citoyenneté qui fait de la politique autre chose qu’un moyen de préserver des libertés individuelles ? Permet-elle de traduire la démocratie en tant que pluralisme spirituel et moral portant d’abord comme valeur première le choix collectif d’un sens commun où chacun doit intervenir ? Peut-on faire de la laïcité plus qu’un principe de tolérance pour aboutir à un principe du Vivre-ensemble ?

POUR ALLER PLUS LOIN :

 Hervé Hasquin, Histoire de la laïcité en Belgique, Espace de Libertés, 1994

 M. Gauchet, La Religion dans la démocratie, Parcours de la Laïcité, Gallimard, 1998

Lien utile sur la constitution belge :
www.senate.be/doc/const_fr.html

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