Jean-Baptiste Fressoz vous êtes historien, chercheur au CNRS et vos travaux portent sur l’histoire environnementale et des savoirs climatiques ainsi que sur l’anthropocène. Vous qui avez étudié les controverses autour des manières d’immuniser la population de la variole, que pensez-vous des méthodes actuelles? Cela fait 5 semaines que nous sommes confinés, et tous les pays n’ont pas choisi les mêmes méthodes, je voulais savoir si cela évoquait quelque chose chez vous ?
Il y a une vieille maxime latine qu’on retrouve sans cesse citée dans la gestion des épidémies au XVIIIe siècle : « Salus populi, suprema lex esto » : la santé du peuple est la première loi. C’est aussi probablement la première fois qu’elle est appliquée à une telle échelle. Que les considérations sanitaires auront autant pris le pas sur l’économie. Si l’on prend les épidémies de variole, des quarantaines sont bien envisagées tout au long du XVIIIe siècle, mais comme elles perturbent les circuits d’échange elles ne sont que rarement appliquées. La mortalité était pourtant incomparable, de l’ordre de 1/7 ! Et c’est plutôt l’inoculation de la variole —une forme d’immunité collective assez violente— qui est défendue par les intellectuels des Lumières.
L’expérience proprement historique c’est que jamais on avait confiné la majorité de la population active mondiale pour sauver entre 0,5 et 1% de la population. C’est nouveau et très encourageant. Certes il peut y avoir de dangereuses récupérations policières, une extension du contrôle des populations mais pour le moment c’est la primauté du politique par rapport à l’économique qui est frappante. Et cela ouvre plein de perspectives politiques intéressantes pour l’écologie. Si les Etats ont choisi de confiner les populations européennes pour lutter contre le Covid-19 pourquoi ne pas exiger des mesures à la hauteur —y compris le confinement des automobiles et des avions—pour éviter 400 000 morts prématurés par an à cause de la pollution de l’air en Europe ? Même chose pour la consommation de viande qui est une cause massive de changement climatique, de destruction de la nature et d’incubation des zoonoses. Bref, cela donne un espoir vis-à-vis de la capacité du politique d’être à la hauteur du défi écologique.
Au sujet de la grippe de Hong Kong de 1968, à votre avis, comment expliquer que celle-ci ait fait un million de morts dans le monde, dont 31.000 en France, et que les gouvernements n’aient pas agi ?
Dans le cas français du moins on n’aurait tout simplement pas mesuré en direct ce qui était en train de se passer et ce n’est que bien plus tard, en 2003, que l’épidémiologie Antoine Flahaut quantifie la surmortalité et arrive au chiffre très élevé de 31226 morts en deux mois — surtout des personnes âgées. Un article de 2003 dans Libération raconte aussi comment la presse avait traité l’épidémie avec une grande légèreté, comme une sorte de marronnier… La politique vaccinale contre la grippe est encore en gésine, on ne fabrique pas assez de doses de vaccin. Le cas de cette grippe, qui venait d’ailleurs de Chine et non de Hong-Kong, prouve encore le caractère neuf du moment que l’on vit. Ce basculement vers la primauté du risque versus l’économique est vraiment spectaculaire.
Comment l’expliquer ?
Bonne et difficile question. Je pense que les progrès de l’épidémiologie, de la génétique et de la médecine (vaccination et appareils de réanimation) ont joué un rôle majeur.
Prenons d’abord l’épidémiologie. Quant elle nait au XVIIIe siècle avec la variole et l’inoculation, les outils sont rudimentaires : ce que les mathématiciens comme Daniel Bernoulli peuvent calculer c’est par exemple l’effet de l’inoculation. Ils montrent que l’intérêt de l’inoculation si on la réalise sur les enfants « à la mamelle », c’est-à-dire en bas âge, c’est de reporter la mortalité variolique sur les nouveaux nés au lieu de la faire peser sur la population d’adulte. Cela évite d’investir dans des enfants qui seraient morts avant d’atteindre l’âge adulte utile. Cela permet donc de faire des économies! La quantification du fait épidémique favorise plutôt l’organisation de l’immunité collective. On n’a pas encore de modélisations des quarantaines. C’est seulement dans les années 1920-30 que se mettent en place les premiers modèles mathématiques de phénomènes épidémiques—Anderson Gray McKendrick et William Ogilvy Kermack— qui montrent l’importance crucial du taux de reproduction —le fameux R0. Les modélisation actuelles sont bien plus fines avec des compartiments de population plus petits, des paramètres sur le nombre de contacts en fonction de l’âge, du type de population etc. Tout cela plaide mathématiquement en faveur du confinement.
Autre facteur : la génétique. Avant les séquençages, nous n’aurions pas su que cette grippe était fondamentalement différente d’une grippe saisonnière… Ça change beaucoup la perception du risque et donc notre réaction. Enfin l’espoir d’avoir un vaccin assez rapidement, la possibilité de sauver une grosse moitié des formes graves du Covid-19 par des techniques de ventilation artificielle qui ont beaucoup progressé par rapport aux années 1960…. Tout cela modifie profondément l’arbitrage santé/économie et rend politiquement et éthiquement insupportable le choix (pseudo)utilitariste de Boris Johnson sur l’immunité de groupe.
Ces dernières semaines, on constate que les chiffres de mortalité sont fort similaires entre la Belgique, la France et l’Allemagne qui, pour le coup, adoptent des méthodes assez différentes. Les choix politiques faits autour du Coronavirus se justifient, mais ne sont pas univoques. Que pensez-vous des controverses autour des méthodes technico-politiques mises en œuvre ?
Le cas Allemand est évidemment intéressant. Mais à mon humble avis, on sur-interprète les différences de taux de mortalité et d’infectés. Si vous prenez le cas de la France – par exemple hors-Paris et le Grand Est – les taux d’infection sont proches de ceux de l’Allemagne. On a tendance à vouloir plaquer des explications de type « système industriel allemand », « patriotisme économique » ou bien « casse de l’hôpital public » sur l’épidémie. Il s’avère que les dépenses publiques de santé en Belgique, en France et en Allemagne sont à peu près équivalentes par habitant. Peut être que le match Lyon-Turin ou le rassemblement évangélique à Mulhouse avant le confinement ont un rôle plus important dans la dynamique épidémique que le volume de dépenses de santé. Peut être que le facteur essentiel tient à la dynamique de l’épidémie qui s’est propagée différemment, avec des clusters dans le Grand-Est, dans l’Oise? Dans les débats actuels je trouve qu’on à tendance, rétrospectivement, à vouloir juger des systèmes politiques et économiques comme si une épidémie était un bon critère pour le faire. Un contre-exemple criant ce sont les Etats-Unis. Ils se retrouvent avec beaucoup de contaminés, alors qu’ils dépensent pas loin de 20 % de leur PNB dans la santé, bien plus que les pays européens. Beaucoup de discours sur l’épidémie illustrent simplement des partis-pris préalables. Et érigent le fait épidémique, qui a sa dynamique propre, en une grande épreuve de jugement sur la qualité des nations. On retrouve des discours assez convenus, déclinistes en France ou patriotiques en Allemagne. C’est dommage.
Je propose qu’on passe aux questions de transition énergétique. Évidemment, nous ne sommes pas devins, mais avez-vous l’impression que cette pandémie pourrait être l’occasion de vivre une espèce de basculement en matière de consommation énergétique ou pas du tout ?
Comme vous dites, je ne suis qu’un historien. Et j’aurais simplement tendance à être sceptique sur l’importance d’un choc momentané sur les trajectoires énergétiques, mais aussi de consommation matérielle en général. Tout simplement parce que dans le passé, aucune guerre, aucune crise, aucune épidémie n’a jamais infléchit sur le long terme la dynamique d’accumulation matérielle à l’échelle globale. Entre 1900 et 2015 la consommation de matière a été multipliée par 12, malgré deux guerres mondiales et au moins trois crises économiques globales. Sans oublier la grippe espagnole de 1918. Ce dernier cas est très parlant : entre 50 et 100 millions de mort elle suit la Première guerre mondiale et pourtant dès 1924 le commerce international a repris le volume de 1913. En terme de consommation de matières premières, il y a une encoche significative, mais celle-ci ne change pas de trajectoire ni de pente.
Si la consommation de charbon stagne dans l’entre deux guerres, ce n’est pas lié à la grippe. C’est parce que le cours du charbon a augmenté pendant la guerre et donc les industriels font des efforts d’efficacité énergétique. Ils produisent beaucoup plus d’électricité avec une tonne de charbon en 1918, qu’ils ne le faisait en 1913. Pareil pour l’acier, et pour le gaz.
Concernant les moments où les émissions de CO2 ont chuté, au 20ème siècle, il y a les guerres. Mais c’est très momentané. Par la suite, on assiste plutôt à des effets de grande accélération parce que la guerre fomente des systèmes technologiques qui sont plus énergivores : l’automobile provient de l’industrie de la Première Guerre mondiale, et l’avion de celle de la Deuxième guerre mondiale. Mis à part les guerres, il y a les crises économiques, celle de 1929 et celles produites par les chocs pétroliers de 1973 et celui de 1979. Lors de ces crises, il y a une baisse momentanée des émissions de CO2 qui reprend dans les années 80 à un rythme plus faible dans les pays occidentaux. Donc s’il y a eu des très grandes crises et de très grandes épidémies – celle de 1918 est très très nette – cela n’a pas changé grand chose dans la dynamique générale d’accumulation de la matière du 21e siècle. Ce sont ces observations qui me rendent assez pessimiste.
Entre 1900 et 2015, la consommation de chacune des matières ne fait que croître, tout comme la consommation globale de la matière aussi. Cela veut dire qu’il n’y a pas de transition, il n’y a pas un passage du charbon au pétrole par exemple. La consommation globale de matière accélère d’ailleurs depuis les années 2000 et ce, en grande partie dû à la croissance de la Chine mais aussi, plus généralement, à celle de l’Asie du Sud-Est.
Par ailleurs, si vous prenez les 65 premières matières premières entre 1950 et 2000, 5 seulement ont diminués: 4 sont liées à des interdictions (dont l’amiante et le mercure) et la 5e, c’est la laine de mouton. Celle-ci a été remplacée par des éléments synthétiques – ce qui n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour l’environnement. Il faut comprendre nos trajectoires à un niveau structurel et comprendre quelle est la matière derrière le développement économique.
Donc est-ce qu’un virus est capable d’infléchir nos trajectoires économiques, énergétiques ? En tant qu’historien, je suis plutôt pessimiste : mais encore une fois, je ne suis pas devin. Pour le moment cela ne s’est jamais fait. Ça ne veut pas dire que ça ne va pas se faire maintenant. Alors certes il faut espérer mais surtout oeuvrer à ce que 2020 soit l’année du pic des émissions de CO2.
Un argument important en faveur d’une inflexion de la courbe des émissions de CO2 serait la fin du charbon : de nombreux économistes montrent qu’aujourd’hui, le solaire et l’éolien est compétitif par rapport au charbon pour l’électricité. Un contre argument : le prix du pétrole qui s’effondre…
Est-ce que Cuba est un exemple de basculement qui a eu lieu au niveau énergétique, ou pas ?
Cuba, après 1992, n’avait plus accès au pétrole bon marché soviétique. Les cubains n’avaient pas non plus les moyens de s’acheter beaucoup de pétrole sur le marché international. Et donc, effectivement, il y a une très forte décroissance entre 1992 et 2000. Mais dès les années 2000, ils ont du pétrole venézuélien bon marché et c’est déjà fini. Comme je le disais, Cuba ressemble davantage à un choc pétrolier global : or nous sommes exactement en train de vivre l’inverse. C’est un point important. Le Coronavirus montre que la vision de l’effondrement lié à l’épuisement des ressources est quelque chose dont il faut se défaire… cette idée de l’épuisement des ressources a influencé la réflexion écologique sur les matières premières, sur la transition énergétique à partir des années 1920-1930. Mais on se rend compte que les questions de pollution et de climat, de destruction de la nature arrivent bien bien plus tôt que la question de l’épuisement des ressources. Le problème avec le pétrole, c’est qu’il y en a trop. Le Coronavirus démontre ça parfaitement.
Donc Cuba est un cas intéressant mais pas du tout analogue à ce qu’on est en train de vivre. Une fois encore il n’y a pas vraiment d’analogie historique au choix volontaire d’arrêter l’économie. La guerre n’est évidemment pas un bon point de référence. Durant la guerre, les pays produisent davantage : il y a plus de trains, plus de camions, plus de voitures qui circulent, plus d’acier qui est coulé, plus de produits chimiques préparés etc. C’est donc très difficile de trouver des analogies réalistes à ce qu’on est en train de vivre. Je peux simplement dire qu’il y a déjà eu de grands chocs majeurs au cours du 20ème siècle et que cela n’a jamais infléchi la trajectoire matérielle globale.
Est-ce que cette crise nous apprend que nous ne sommes pas du tout prêt pour la crise – que ce soit celle ci ou celle à venir ?
Oui et non. Nous ne sommes clairement pas prêts et en même temps nos sociétés riches montrent leur résilience. Elles peuvent stopper les trois quarts de la population et les mettre en télétravail (ou en pseudo- télétravail avec des enfants) et les services essentiels sanitaires et nourriture restent en grande partie assurés (malgré des inégalités économiques proprement honteuses évidemment). Pour moi cela prouve surtout la capacité des sociétés riches à endurer des crises et la capacité de leur économie à décroitre assez radicalement sans provoquer de famine.
Et puis cette crise possède des aspects intéressants. Par exemple, beaucoup de personnes ont fait le lien avec l’environnement alors que ce lien est ténu en vérité. Le problème c’est qu’on en reste souvent à de grands discours très généraux sur sur le rapport entre l’homme et l’environnement. Alors que ce qui est en cause c’est beaucoup plus simplement la consommation de viande. Ce discours sur le rapport entre l’homme et son environnement évite soigneusement la question du végétarisme…
Et dans le cas où une crise alimentaire ou une crise climatique s’ajoute à la crise sanitaire ?
Le problème c’est que la crise climatique est comprise comme une catastrophe soudaine qui va s’abattre sur le globe tout entier. Alors qu’elle se matérialise par des catastrophes locales et par des effets économiques différenciés. Par exemple à travers d’une augmentation du prix des céréales (causés par des mauvaises récoltes par exemple) et donc ce sont d’abord les pays pauvres qui vont en pâtir. J’ai toujours été très sceptique avec l’idée qu’un effondrement qui impacterait d’abord les pays riches. Le changement climatique, c’est d’abord une question Nord-Sud, une horrible injustice plus qu’une apocalypse de l’occident. Et il me semble que la crise du Covid 19 renforce cette idée d’effets différenciés en fonction des inégalités Nord-Sud. On entend beaucoup dire « les sociétés riches ne sont pas prêtes ». Je ne sais pas si elles ne sont pas prêtes. On aurait pu avoir plus de masques, sans doute, mais concernant les vaccins, il faut d’abord les inventer, concernant les tests il faut les fabriquer etc.
Il y aurait davantage de tests et peut-être moins de confinement.
Mais ce n’est pas si simple que ça de faire des tests. Il faut aller chercher au fin fond de la fosse nasal le virus. On ne sait pas se tester soi-même. Il faut des équipes médicales, des labos avec un personnel protégé etc. C’est là où je trouve qu’on a tendance à surinterpréter un peu le sens de l’épidémie : ce n’est pas la preuve de « la déréliction de nos systèmes de santé ». Ce n’est pas vrai, le système de santé des pays riches qui ont préservé un semblant d’Etat providence n’est pas si mauvais que ça. La fonction publique hospitalière en France c’est 1,2 million de personnes, bien formés et capable de soigner plusieurs dizaines de personnes atteintes d’une maladie nouvelle et dangereuse. Il y a un énorme discours apocalyptique et catastrophiste qui s’est greffé sur la crise. On ne sait pas du tout ce que ça peut nourrir. Cela peut très bien nourrir un discours de défense des services publics comme un discours néolibéral du type « en Allemagne il y’a plein de cliniques privées, elles y arrivent très bien ». Encore une fois la préparation à une épidémie n’est pas liée à des grandes orientations de politiques économiques. Pour preuve il semblerait qu’en 2008 la France de Sarkozy était mieux préparée quand Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé française, avait acheté 1,3 milliard de masques, des millions de vaccins et tout cela en pleine vogue idéologique du néolibéralisme. Et ce genre de préparation ne coûte pas très cher d’ailleurs : 1 milliard d’euros si je me souviens bien. Le choix de déstocker des masques n’était certes pas très malin, mais ce n’est pas lié à une grande option de politique économique.Mais en fait je ne suis pas du tout économiste de la santé donc changeons de sujet…
En tout cas, il y a peut être une chose positive qui va advenir de cette crise, c’est une forme de relocalisation.
Oui, c’est sûr que c’est positif. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui ont dit que ce n’était pas du tout de relocalisation dont on avait besoin . On a besoin d’un changement d’infrastructure énergétique, c’est vrai, mais on a aussi besoin d’une relocalisation. On a aussi besoin de confiner les voitures et les avions. Très vite le discours prétendument raisonnable a été de dire « il ne faut pas faire peur aux gens en disant que la transition énergétique n’a rien à voir au Covid». C’est vrai que cela ne ressemble pas au confinement, mais par contre au confinement des voitures ou des avions et à la réduction du commerce international oui. Chez les écologistes officiels il y a parfois une difficulté à accepter la radicalité du diagnostic des climatologues. Dire « il ne faut pas faire peur à la population », il ne faut pas que « l’écologie soit punitive » etc. Tout cela ressemble à une écologie consensuelle et festive rachetée par les lobbys industriels. Si on est cohérent et qu’on veut vraiment décarboner l’économie pour 2050, oui le COVID a beaucoup à voir avec la transition énergétique.
Il y a des premières estimations qui circulent. Le Covid correspondrait à une diminution de 7 ou 8 % du CO2 en 2020. Il faudrait faire 5% par an pendant 30 ans pour ne pas atteindre les 2° en 2100. Donc en fait si, ce que l’on vit cela ressemble beaucoup aux efforts qu’on doit faire. Et encore, on a commencé par le plus facile : arrêter l’avion et les voitures.
Pour terminer, je ne vais plus faire appel à l’historien : si vous deviez mettre en place une mesure à la fin de cette crise, quelle serait-elle ?
Le geste le plus modeste, ce serait déjà de maintenir toutes les mesures qui étaient en cours d’élaboration. C’est à dire ne pas céder aux compagnies aériennes qui vont demander à réduire leurs engagements en termes de réduction des émissions de CO2 parce qu’elles sont en faillites, de ne pas céder aux constructeurs automobiles qui veulent aussi reporter l’implémentation de normes parce que cela n’est pas facile de vendre de voitures en ce moment…Ne pas céder d’un pouce là dessus, ce serait déjà pas mal.
Après, des mesures plus ambitieuses seraient d’accompagner la reconversion des compagnies aériennes. En se disant « ce n’est pas compatible avec un monde +2° ». Et faire pareil pour le secteur pétrolier et parapétrolier pour le secteur automobile. Ça veut transformer des entreprises les faire produire beaucoup moins d’avions et de camions et les faire produire autre chose : des vélos et des éoliennes par exemple. Et pour accompagner cela on pourrait rationner les émissions de CO2. On mettrait alors vraiment à profit la crise du Covid19 afin que cela ne soit simplement une petite encoche dans la courbe des émissions de CO2.
De nouveau, je ne fais pas appel à l’historien, mais est ce que vous avez une vision du monde assortie à cette transition énergétique? Qu’est ce que cela ferait, par exemple, sur le secteur de la santé ?
Concernant le secteur de la santé, il y a plein d’effets positifs induits. On sait très bien que le lien entre croissance économique et santé se distend à partir d’un certain niveau de croissance économique et que dans de nombreux pays, on a déjà largement dépassé ce lien positif. L’exemple typique ce sont les Etats-Unis – un des pays le plus riche au monde qui n’a pas du tout les bons indicateurs de santé. Donc, on constate une déconnexion entre santé et économie depuis longtemps et même, dans certains cas, une croissance économique délétère pour la santé.
Que ce soit à travers la pollution, que ce soit à travers la voiture et l’absence complète d’exercice, la consommation de viande. Donc il y aurait plein de coût-bénéfice à réduire les émissions de CO2 et de continuer à ‘investir dans la santé.
C’est vraiment quelque chose dont on doit se défaire. On a tendance à parler DU progrès en général, comme si la croissance économique et la croissance des moyens techniques allait de paire avec la santé. Je connais mieux le 19e siècle et à cette période-là, l’invention qui est vraiment importante pour la santé, c’est la vaccination contre la variole. Et pas besoin d’une seule machine à vapeur ou d’un seul gramme de charbon pour ça !
Propos recueillis par Delphine Masset.
Pour poursuivre la réflexion: https://www.mediapart.fr/journal/france/300420/regions-epargnees-pourquoi-le-virus-y-circule-peu