La presse nous informe régulièrement de la disparition prochaine de l’argent liquide au profit de la monnaie électronique. Les billets et les pièces de monnaie seraient intégralement remplacés d’ici quelques années par les paiements électroniques sous diverses formes telles que les cartes de débit, les cartes de crédit, les paiements par smartphone, les monnaies virtuelles, les paiements sans contact, etc. Ainsi, la « monnaie fiduciaire » composée de billets et de pièces serait intégralement remplacée par la « monnaie scripturale électronique ».
La presse relaie généralement les conclusions des banquiers, des économistes et des entreprises qui donnent de la voix et mettent en avant les côtés pratiques et économiques d’une transition vers la monnaie électronique. Elle parle moins des arguments avancés par les « sans-argent », par les sociologues, les psychologues, les travailleurs sociaux, dont la voix porte moins, plus enclins à mettre en évidence des enjeux sociaux et démocratiques. Le système de paiements se trouve au cœur de notre système d’échanges de biens et services. Et l’échange est sans nul doute l’un des fondements de notre société, un pilier fondamental de la communauté des hommes. Par conséquent, quand on modifie le système des paiements, on modifie la société des hommes, on modifie les rapports des uns aux autres, les rapports de pouvoir et d’autorité. Passer du système fiduciaire au système électronique changera notre mode de vie comme a été modifié le mode de vie des populations traditionnelles lorsque les puissants ont introduits le système monétaire basé sur l’or. Ces modifications valent bien un débat démocratique, non ? Cet article vise à introduire ce débat et à en éclairer certains termes.
Prenons d’abord connaissance des arguments avancés par les uns et les autres.
Les commerçants voient dans la monnaie électronique l’avantage de la sécurité des transactions, de la simplicité des traitements comptables et la diminution du risque de hold-up. Ils critiquent toutefois les charges financières nouvelles liées à la facturation des terminaux électroniques dans les magasins et aux commissions qu’ils doivent verser sur chaque transaction.
Les États et les gouvernements, eux, plaident pour la sécurité et la transparence des transactions qui peuvent être assurées par les paiements électroniques. En conséquence, ils favorisent l’informatisation des paiements afin de pouvoir pister les échanges, réprimer les fraudes, le travail au noir ainsi que le banditisme et le terrorisme. C’est pourquoi, déjà aujourd’hui en France, les paiements de plus de 1.000 euros envers un professionnel ainsi que les versements des salaires de plus de 1.500 euros doivent obligatoirement se faire de manière scripturale. En Belgique, le seuil des opérations similaires est de 3.000 euros alors que le paiement des salaires de la main à la main est absolument interdit.
Les banques centrales, elles, se trouvent dans une position quelque peu schizophrénique. D’une part, le monopole de l’émission des billets de banque leur procure un revenu et donc, fort logiquement, elles sont tentées d’en promouvoir l’utilisation ou, à tout le moins, d’adopter une attitude neutre en répondant à la demande de billets de banque qui émane des clients des banques commerciales [1]. Toutefois, en réponse à la demande des autorités nationales, la banque centrale européenne a décidé de ne plus imprimer de billet de 500 euros qui, dans la pratique, ne sont utilisés que dans le cadre de trafics illégaux.
D’autre part, elles sont mandatées par les autorités pour piloter, améliorer, superviser les systèmes de paiements électroniques qui fonctionnent entre les banques commerciales ainsi que d’en minimiser les coûts de fonctionnement. D’ailleurs, la banque centrale européenne a annoncé tout récemment qu’elle sera très bientôt en mesure de supporter des transferts monétaires intra-européens entre particuliers en toute sécurité dans un délai de quelques secondes pour un prix de transaction inférieur à 0,2 centimes d’euro (0,002 €). Il ne faudra donc plus, comme aujourd’hui, attendre un, deux ou trois jours avant qu’un virement bancaire soit définitivement effectué.
Pour les banques commerciales, le jugement est simple et sans appel. Le cash est inefficace et coûteux, il faut le remplacer par les paiements électroniques. Et, en effet, l’approvisionnement en billets auprès de la banque centrale, la manipulation des billets et pièces de monnaie implique la mise en place d’une logistique relativement lourde faite, entre autres, de distributeurs de billets, du recyclage de la monnaie déposée par les commerçants, du transport des fonds, de diverses mesures de sécurité telles que des coffres, des guichets protégés et d’assurances contre le vol. Tous ces éléments ont un coût relativement élevé qui est difficile à répercuter sur les clients comme en leur faisant payer le prix du service de mise à disposition d’argent liquide en prélevant des frais lors de chaque retrait.
En outre, pour ces banques, les moyens de paiements électroniques offrent de nombreux avantages. Ils représentent d’abord une source de revenus par :
- les frais d’affiliation comptés lorsque les clients acquièrent leur carte bancaire, leur carte de crédit, les frais d’ouverture du compte permettant les paiements,
- les frais forfaitaires périodiques d’abonnement,
- la facturation de l’infrastructure électronique de paiements comme les terminaux dans les magasins et
- les commissions encaissées sur les transactions. Ensuite, ils représentent une source d’économies substantielles en frais de fonctionnement, notamment sur les frais de personnel grâce à l’informatisation et à l’automatisation intégrale des transferts monétaires.
Les banques commerciales ont fait leur calcul : la monnaie fiduciaire leur revient définitivement plus chère que la monnaie scripturale électronique. Aussi, afin de rester compétitives, de maintenir leur profitabilité et d’offrir les meilleurs services de paiement au moindre coût, elles veulent l’éliminer au profit de cette dernière.
Du reste, le point de vue des banquiers est soutenu par de nombreux économistes qui ont comparé les coûts des systèmes de paiement et qui concluent que l’utilisation des moyens de paiements électroniques est moins onéreuse que l’utilisation de la monnaie fiduciaire. La récente annonce de la BCE d’offrir un service intra-européen de transfert en temps réel au moindre coût accessible à tous aboutira sans doute à renforcer l’attractivité du paiement électronique. Toutefois, les études démontrent que pour les transactions de petits montants, le billet de banque reste un moyen de paiement très commode et fort apprécié par la population.
Pour les commerçants, les banquiers centraux, les banquiers, les économistes, les conclusions deviennent de plus en plus claires. A terme, le paiement électronique supplantera le paiement fiduciaire et les jours du billet de banque et de la pièce de monnaie sont comptés. Le compte à rebours est enclenché.
Examinons à présent les arguments moins présents dans la presse.
La fracture numérique
L’utilisation des systèmes de paiements électroniques – comme l’usage de l’informatique et d’internet d’ailleurs – est extrêmement clivée dans notre société, la fracture numérique recouvre largement les fractures sociales traditionnelles. Les personnes âgées, infra-scolarisées ou aux revenus modestes ne peuvent que difficilement accéder aux systèmes de paiements électroniques. Les coûts initiaux peuvent être trop élevés, que ce soient les frais d’ouverture d’un compte en banque permettant d’obtenir une carte bancaire, les frais d’acquisition d’un smartphone permettant de se connecter à sa banque. Les frais d’utilisation peuvent être aussi trop importants, notamment les frais d’abonnement et de communication à verser à un opérateur de téléphonie et d’internet. Vu la complexité de l’informatique, les personnes infra-scolarisées ou n’ayant que peu de familiarité avec l’informatique peuvent rencontrer d’insurmontables difficultés de compréhension. L’abstraction que représente un compte en banque totalement virtualisé amène certains utilisateurs à ne plus maîtriser leur budget et à dépenser plus qu’ils ne possèdent. Ces situations se présentent déjà aujourd’hui avec les cartes de crédit et se multiplieront avec de l’argent totalement dématérialisé, entraînant certaines personnes dans la spirale du surendettement. Bien sûr, ce dernier risque peut être tempéré par la mise à disposition de comptes permettant d’effectuer les transactions monétaires sans toutefois autoriser un solde débiteur. Un tel compte existe en France sous le nom de Compte Nickel. Ce compte, qui connaît un grand succès, n’est d’ailleurs pas vraiment un compte en banque mais plutôt un « compte de transit monétaire » géré par une société de paiements électroniques et non par une banque dont l’intervention n’est pas nécessaire puisque aucune facilité de crédit n’ y est associée. D’ailleurs, il est commercialisé par un réseau de buralistes et non par un réseau d’agences bancaires.
Toujours est-il que l’on voit bien que l’implantation d’un tel système de paiements électroniques ne peut être totalement déployé sans avoir préalablement réduit la fracture numérique au sein de la société. C’est pourquoi, le besoin de monnaie fiduciaire continuera à se faire sentir pendant une période encore longue. Mais, on peut d’ores et déjà prévoir que ce mode de paiement sera, tôt ou tard, considéré comme indésirable et fera l’objet d’une tarification de plus en plus dissuasive. On aboutira alors à la situation où ce seront les moins favorisés qui utiliseront les systèmes de paiements les moins performants et les plus onéreux.
L’obligation de compte
Dans un système monétaire électronique, déjà largement présent aujourd’hui, toute personne est obligée de détenir un compte [2] lui permettant, à minima, de recevoir et de transférer des sommes. En quelque sorte, chaque être humain participant à la société se trouve alors confronté à une forme d’obligation implicite, l’obligation de compte. Les personnes ne détenant pas de compte ou exclues des institutions financières se retrouvent être des « non-être » puisqu’elles ne peuvent plus participer au système d’échanges qui fonctionne au sein de notre société. Ce sont des bannis. Pour répondre à cette exclusion, des réglementations telles que le « droit au compte » en France ou le « service bancaire de base » en Belgique ont été prises mais les rapports d’études montrent que de telles initiatives ne permettent pas toujours de réduire les difficultés d’accès au compte.
La limitation de la liberté individuelle
L’obligation de compte constitue une forme de violence de l’État à l’égard de la population. A défaut d’ouvrir et de conserver un compte financier, d’en payer les frais y afférents et d’user des moyens de paiements électroniques, l’individu est exclu de la société. Autrement dit, dorénavant, l’une des conditions essentielles d’existence de la société sera que chaque individu dispose d’un compte. C’est là une forme d’enfermement, d’emprisonnement de l’individu. De surcroît, par la traçabilité des opérations, le système de paiements électroniques interdit l’anonymat des transactions puisque tous les mouvements entre comptes peuvent être tracés sans aucune difficulté. Toutes les activités que les humains préfèrent pratiquer en toute discrétion des autorités mais aussi de leurs familles, de leurs collègues ou de leurs amis deviennent alors, peu ou prou, traçables et peuvent, potentiellement, être dévoilées, même des années plus tard. Il devient alors difficile de travailler au noir, d’acheter ou de vendre des produits illégaux ou des productions personnelles, de louer discrètement une chambre d’hôtel, de fréquenter des personnes ou des lieux que l’autorité politique ou l’entourage réprouvent. Imaginons simplement la capacité de filature électronique qui peut être mise en place dans des pays non-démocratiques ou sous occupation d’une armée étrangère ! Et, je ne parle même pas ici de la répression des activités de grand banditisme, de trafic de drogues ou de terrorisme derrière lesquelles les autorités s’abritent pour favoriser le développement des paiements électroniques. J’imagine d’ailleurs que les acteurs de ces derniers domaines auront vite fait de trouver d’autres valeurs à échanger que la monnaie, ils préféreront rapidement utiliser l’or, les diamants, les matières précieuses ou des crypto-monnaies [3] anonymes émises par des organismes privés.
De plus, dans un système de paiements électroniques, tous les clients du système financier sont obligés d’y rester en permanence. Il n’y a pas d’alternative possible. Le seul degré de liberté de l’individu réside dans le choix de son prestataire financier. Par conséquent, très rapidement, l’individu se trouvera isolé face à un oligopole financier avec lequel sa force de négociation sera réduite à néant. Il en sera, en quelque sorte, le prisonnier.
Ainsi, si nous n’y prenons pas suffisamment garde, les paiements électroniques et l’obligation de compte pourraient devenir de puissants outils de limitation de la liberté individuelle maniés par l’État et par les institutions financières.
Les politiques non conventionnelles
De même, la centralisation des moyens de paiement au sein d’institutions peu nombreuses et l’impossibilité de sortir de ce système pour recourir à un moyen de paiement alternatif autorise la mise en place de politiques fiscales, monétaires et commerciales totalement non conventionnelles. Il devient alors possible pour les autorités fiscales de parfaitement connaître la situation financière de chaque personne et, d’éventuellement, imposer une taxe sur le patrimoine monétaire, à la banque centrale d’imposer un taux d’intérêt négatif sur les montants laissés en dépôts ou encore aux banques commerciales d’opérer des prélèvements tarifaires sur des sommes qui ne peuvent s’échapper.
Le risque financier
L’obligation de compte se traduit également par une prise de risque financier pour le déposant. Tout le monde se rappelle la crise financière de 2007 – 2008 pendant laquelle certaines banques américaines et européennes ont fait faillite et ont dû être sauvées par les États. Plus près de nous, on se souvient également des crises bancaires grecque, chypriote, espagnole ou italienne pendant lesquelles on a vu de longues queues de gens se former devant les distributeurs de billets de banque, chacun voulant récupérer son épargne avant sa volatilisation. Et de fait, peu de gens s’en rendent compte avant d’y être réellement confronté, le dépôt d’argent en banque vaut renoncement à cet argent au profit d’une créance sur la banque. Un dépôt équivaut à un prêt fait par le déposant au banquier moyennant une créance qui autorise le déposant à venir rechercher la somme due suivant des modalités convenues contractuellement. Par conséquent, en déposant son argent le déposant prend le risque de ne pas revoir « son » argent puisque la banque peut disparaître dans une faillite avant d’avoir remboursé ses créanciers. Normalement, ce risque est minime d’autant que la surveillance prudentielle des banques s’est renforcée ces dernières années et que des mécanismes de garantie des dépôts sont en cours d’implantation. Il n’en reste pas moins que ce risque est non nul et que l’un des moyens de se prémunir de ce risque est de détenir de la monnaie fiduciaire, des billets de banque émis par la banque centrale. En effet, ces billets ont cours légal et la banque centrale est dans l’impossibilité de faire faillite. La détention de billets de banque est la protection absolue [4] contre les risques de défaillance du système financier [5]. Mais dans un système de paiements électroniques, cette dernière protection n’existe plus, le déposant ne peut échapper au système financier, il doit assumer le risque associé au choix de son intermédiaire financier.
L’avantage bancaire et la privatisation du droit de seigneuriage
L’obligation de compte ainsi que l’exclusivité de l’utilisation d’un système de paiements électroniques se traduisent par une clientèle totalement captive qui procure des avantages considérables au secteur bancaire qui se voit garantir un volume de dépôts extrêmement stable et impossible à extraire du système financier. Le secteur bénéficie de cette base de dépôts à bon compte pour alimenter ses activités de crédits et augmenter sa rentabilité.
En outre, l’absence de billets de banque implique que le droit de seigneuriage que tire la banque centrale du prêt des billets aux banques disparaît complètement. L’État, actionnaire de la banque centrale, voit ainsi se tarir l’une de ses sources de financement au profit exclusif du secteur bancaire. Cette source de profits est transférée du secteur public au secteur privé.
Conclusion et pistes de réflexion
On l’a vu, le passage à un système de paiements exclusivement électronique modifie notre rapport au système d’échanges. Si d’aucuns, comme les commerçants, les entreprises et les banques y voient de considérables avantages de sécurité, de fiabilité et de rentabilité, il apparaît que d’autres y sont nettement moins avantagés. Les populations plus fragiles risquent le décrochage ou l’exclusion numérique alors que les « intégrés numériques » sont condamnés à utiliser un système qu’ils n’ont pas forcément choisi. D’un côté, le système peut apparaître comme agréable à utiliser et libérateur mais, de l’autre côté, il se révèle contraignant sur la liberté individuelle en enfermant les clients dans une relation obligée avec le secteur bancaire niant l’anonymat des opérations. De surcroît, cette relation peut se révéler risquée financièrement puisque le déposant peut perdre l’entièreté de ses dépôts en cas de faillite de son prestataire financier. A ce stade de l’analyse, sans autre mesure d’accompagnement, il apparaît clairement que la mise sur pied d’un système de paiements intégralement électronique serait dommageable pour les droits des citoyens et des déposants.
Bien sûr, on peut freiner le mouvement et, le cas échéant, conserver la monnaie fiduciaire. Mais, à mon sens, on ne peut pas freiner le développement d’une technologie qui apparaît comme un progrès en termes d’efficacité des systèmes de paiement même s’il apparaît comme un danger en matière démocratique. Dès lors, il convient d’imaginer, dès à présent, des mesures permettant d’évacuer les inconvénients présentés. J’en propose quelques-unes relativement simples, peu nombreuses et d’un coût insignifiant.
L’accompagnement numérique
La mise à disposition de moyens numériques à bon marché ainsi que l’aide à l’apprentissage de ces moyens dans les écoles, les maisons de retraite, les centres d’aides aux personnes fragilisées semble être une mesure indispensable à mener et à faire financer par les promoteurs du tout numérique qui en retireront les bénéfices les plus importants. Par exemple, on pourrait imaginer que l’Etat prélève une taxe sur le volume d’opérations fait par chaque opérateur financier et la consacre à l’accompagnement numérique.
Le compte de transit monétaire en monnaie de banque centrale
On pourrait également imaginer une sorte d’équivalent électronique au billet de banque. Il suffirait que le secteur financier offre à la population la possibilité de détenir « des comptes de transit monétaire » dont la seule fonction serait de pouvoir faire et recevoir des virements monétaires. Afin de garantir ces comptes de la même façon que le billet de banque, il conviendrait que les flux monétaires qui y transitent soient isolés des comptes de l’intermédiaire financier et que les soldes quotidiens soient intégralement versés à la banque centrale. Ainsi, ces comptes seraient garantis par la banque centrale et le risque de perte pour cause de faillite de l’intermédiaire financier disparaîtrait automatiquement. Ce serait donc des « comptes de transit monétaire en monnaie de banque centrale ». Le cas échéant, si le secteur financier privé n’est pas intéressé par cette mission, on pourrait imaginer de la confier à un département financier d’un organisme public comme la poste ou bien, directement, à la banque centrale. Dans une hypothèse plus téméraire, on pourrait même imaginer que chaque citoyen dispose d’un droit au compte de transit monétaire directement à la banque centrale.
Le compte ou la carte anonyme
Afin de répondre au désir d’anonymat, on pourrait imaginer de restaurer une forme de compte ou de carte de paiement anonyme sur lesquels pourraient circuler des montants relativement limités et qui pourraient servir à tous ces usages que l’on préfère discrets pour toutes sortes de raisons personnelles, morales ou légales. Il y a quelques années une telle carte a été commercialisée en Belgique sous le nom de Proton mais cette initiative est restée sans suite faute de succès commercial. L’anonymat des paiements à partir de ces comptes et cartes seraient garantis constitutionnellement et informatiquement. Bien sûr, ces comptes et cartes anonymes sont moralement critiquables mais la vie est ainsi faite et il n’appartient pas, je crois, au secteur financier de se draper de vertus à l’encontre des citoyens. D’ailleurs, à défaut, d’autoriser de tels comptes ou cartes anonymes, des initiatives individuelles de contournement seront rapidement prises, si elles n’existent pas déjà, et les crypto-monnaies anonymes privées seront rapidement développées.
[1] Les banques centrales ne mettent les billets en circulation qu’en réponse à la demande des banques commerciales. Celles-ci leur adressent leurs besoins en billets de banque et elles y répondent en fournissant la liquidité souhaitée sous forme de prêts avec dépôt de titres en garantie. Ces prêts sont consentis moyennant versement d’intérêts qui constituent un revenu (le seigneuriage) pour les banques centrales et une charge financière pour les banques commerciales. C’est d’ailleurs le taux d’intérêt appliqué sur ces prêts de billets, mais également sur les prêts de monnaie scripturale électronique, qui constitue l’un des taux d’intérêt utilisés dans le cadre de la politique monétaire qu’exercent les banques centrales.
[2] A partir de ce point de l’article, j’utilise le terme « compte » pour signifier le « compte de transit monétaire » dont la fonction est de pouvoir envoyer et recevoir des paiements et incluant une fonction accessoire de dépôt. Je le distingue clairement du « compte en banque » qui, aux fonctions précédentes, associe une ligne de crédit et je les distingue du « compte d’épargne » qui lui ne permet ni les paiements, ni les crédits mais qui sert uniquement comme réserve de valeur pour un usage ultérieur de l’épargne y accumulée. Selon cette nomenclature, les trois fonctions de la monnaie ; à savoir, instrument de paiement/d’échange, moyen de crédit et réserve de valeur ; sont attachées à des comptes de nature différente.
[3] Crypto-monnaie : monnaie électronique qui circule sur un réseau informatique. Elle est cryptographiée afin d’en garantir l’authenticité et la non falsification des transactions.
[4] Pour autant que la confiance en la monnaie se maintienne et qu’on n’assiste pas à une fuite vers des monnaies étrangères comme cela s’est déjà vu dans de nombreux pays confrontés à une crise financière majeure.
[5] Et, dans le même temps, si tout le monde réclamait ses dépôts en exigeant des billets de banque, les banques commerciales seraient dans l’impossibilité de rembourser puisque les sommes déposées sont immobilisées dans des prêts à des tiers.