Le numéro 5 de la Revue Etopia a pour ambition d’apporter des pistes
de réponses à trois questions :

 1. A quoi sert la politique ?

 2. A quoi sert l’Europe ?

 3. A quoi servent les Verts en Europe ?

L’ambition paraît évidemment excessive voire balourde, mais les temps
qui courent nous font penser qu’il est fort difficile de se soustraire à pareilles
interrogations.

1. A quoi sert la politique ? En cette période de crise, elle donne en effet
l’impression de ne pas trop savoir ce qu’il faut faire. Encore un peu
plus que d’habitude, elle manque de sens de l’orientation. Elle doit décider
sans avoir toutes les informations. Sans savoir exactement où elle
veut aller. Cette désorientation explique pour partie l’impression que les
recettes traditionnelles comme la relance par la consommation apparaissent
de plus en plus comme des remèdes d’un autre âge qui risquent bel
et bien d’aggraver la situation globale. Certains voudraient bien y croire.
Mais au fond, ils n’y croient pas eux-mêmes. Il faut donc inventer du nouveau,
tenter des voies qui n’ont pas encore été réellement explorées. Cela
tombe bien car c’est un peu le travail auquel Etopia se consacre depuis
bientôt cinq ans, en essayant de faire le relais entre ceux qui essayent
de comprendre les évolutions en profondeur que traversent nos sociétés
et ceux qui ont pour tâche de gérer au quotidien les conditions concrètes
auxquelles elles doivent satisfaire pour ne pas se transformer complètement
en jungles dominées par la loi du plus fort. Car il serait évidemment
complètement vain d’attendre que toutes les réponses aux crises que nous
vivons (écologique, sociale, économique…) émanent des représentants
démocratiquement élus. Les écologistes ont toujours insisté pour que
chacun puisse s’impliquer là où il se trouve dans la vie collective. Ils sont
même depuis toujours persuadés que le progrès se bâtit « à la base » par
la reconstruction de liens sociaux que nos sociétés industrielles et le néolibéralisme
ont largement contribué à distendre. Mais en même temps, ils
savent aussi qu’il faut agir au niveau global et c’est la raison pour laquelle
ils se sont toujours engagés dans le projet européen dans lequel ils voient,
si pas une fin en soi, du moins une étape obligée dans l’établissement de
leur projet de solidarité au cube, c’est-à-dire de construction d’un monde
plus juste envers tous ses habitants et les générations futures.

2. A quoi sert l’Europe ? Nous vivons un paradoxe terrible. A l’heure
où nous n’avons jamais eu autant besoin d’action collective européenne,
il semble que les forces du repli soient en train de reprendre vigueur.
De Belgique, du centre un peu douillet de l’Europe, nous ne percevons
pas à quel point dans de nombreux pays, l’Union européenne apparaît
pour un nombre croissant de personnes moins comme une solution
que comme une partie du problème. C’est évidemment le contraire qui
est vrai. Les écologistes le savent bien et le disent haut et fort depuis
longtemps. Mais peut-être, doivent-ils le dire encore plus haut et encore
plus fort. Ne doivent-ils pas en particulier clamer plus fort que
les réponses apportées à la crise par les grandes familles politiques
traditionnelles – sans parler des populistes et des fascistes – ne sont
pas satisfaisantes, tout simplement parce qu’elles sont grandement
responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons ? La dérégulation
financière et sociale, la relance du productivisme, les aides
à des secteurs industriels qui ont contribué à l’accroissement de notre
dette écologique, c’est-à-dire tous les facteurs qui ont concouru au déclenchement
de la crise actuelle, n’ont pas été voulus par les partis
Verts mais ils forment les résultats des politiques menées depuis des
décennies par tous les partis libéraux, sociaux-démocrates et démocrates-
chrétiens d’Europe.

Avant de proposer nos réponses, il s’agit donc de bien marquer notre
diagnostic et surtout de le faire partager le plus largement possible, en
ce compris par ces mêmes partis traditionnels. Nous devrons notamment
bien faire comprendre que le tournant vert, ce n’est pas une relance
par la consommation de produits verts, toutes choses restant égales par
ailleurs, mais qu’il implique un changement de vie au quotidien pour tout
un chacun. Il n’y a donc pas d’opposition à entretenir entre l’écologie d’en
haut – celle qui agit notamment dans les gouvernements ou au parlement
européen – et l’écologie d’en bas, celle que nous vivons au quotidien dans
nos familles, nos quartiers, nos communes… En effet, l’Europe est le niveau
le plus pertinent pour créer le cadre permettant de reconvertir nos
économies européennes de manière coordonnée. Mais cette reconversion
ne se limitera pas à mettre des panneaux solaires sur nos toits ou à reconvertir
toute l’agriculture au bio, elle passera aussi par le renforcement
du rôle des collectivités locales et par une croissance de toutes les solidarités,
qu’elles soient locales ou globales ainsi que par une redéfinition
du bien-être. Voici, en quelques mots, quelques thèmes abordés dans les
premiers articles de ce numéro où nous avons voulu donner la parole à
des acteurs privilégiés, qu’il s’agisse d’Alain Lipietz, de Daniel Cohn-Bendit,
de Pierre Defraigne, de Philippe Pochet ou d’Eric De Keuleneer. Qu’ils
soient ici grandement remerciés pour leurs contributions.

3. La troisième question nous donne également la possibilité de remercier
ceux qui permettent précisément de répondre à la question « à quoi
servent les Verts en Europe »
. Avec Pierre Jonckheer, nous avons en effet
voulu donner la parole à une série de collaborateurs du groupe des
Verts au Parlement européen pour qu’ils expliquent très concrètement
quelle est la nature de leur travail et quel a été l’apport des parlementaires
verts dans un certain nombre de dossiers cruciaux. Nous voulons
en particulier remercier très chaleureusement Philine Scholze, Francisco
Padilla, Stany Grudzielski, Inés Trépant, Mychelle Rieu, Martin Koehler,
Michel Raquet, Tehri Lehtonen, Jean-Luc Robert pour leurs contributions
et surtout pour le travail parfois fastidieux, souvent obscur, mais jamais
inutile qu’ils livrent dans les institutions démocratiques européennes. On
peut certes regretter l’éloignement entre l’Europe et ses citoyens. Mais
il n’est pas certain qu’il soit possible de se passer du travail politique que
les institutions européennes effectuent. Il est cependant souhaitable que
celles-ci soient prolongées par un vrai travail de création d’un espace public
européen. C’est notamment l’ambition de la nouvelle Fondation Verte
Européenne que les Verts européens viennent de créer avec la conviction
que l’Europe ne se construit pas sans débat. Bienvenue à notre collègue
Léonore Gewessler qui la dirige.

Nous voulons enfin et surtout exprimer notre grande reconnaissance
à Pierre Jonckheer, notre député européen sans lequel Etopia n’aurait
jamais été en mesure de publier les cinq premiers exemplaires de sa revue.
Nous sommes très heureux de savoir qu’il va poursuivre son engagement
européen au sein de la Fondation Verte Européenne, notamment
dans l’animation d’un mouvement vert européen qui doit aller au-delà de
l’action politique traditionnelle et notamment développer les échanges
prospectifs en son sein.

Bonne lecture à tous.

Benoît Lechat et Christophe Derenne

co-directeurs de la revue Etopia

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