« Les méchants ont sans doute découvert quelque chose que les bons ignorent ». Woody Allen

L’opposition au nucléaire comme source d’énergie a été pour moi fondatrice. Au moment de la vie où se construisent les options qui structurent une vie et lui donnent sa colonne vertébrale, le combat anti-nucléaire a bâti chez moi quelques convictions et vigilances que l’actualité nippone réactive.

J’entends aujourd’hui des arguments qui font montre de la même mauvaise foi, du même cynisme, de la même inconscience qu’il y a quarante ans. Ainsi, les médias parlent de peur et d’angoisse et d’une population que des porte-parole divers s’efforcent de rassurer, « Chez nous tout serait différent et toutes les précautions seraient prises. » Prenons cela comme point de départ pour en démonter la logique fallacieuse.

Selon ce discours, la peur serait du côté de la population ignorante, tandis que le savoir rassurant serait du côté des experts. Il serait démagogique de surfer sur cette peur pour relancer le débat contre l’option nucléaire et la décision de fermeture progressive des centrales n’aurait été dictée que par des raisons idéologiques…

On le voit : du point de vue des partisans du nucléaire, la logique caricaturale argumentative se construit en une opposition binaire. Les anti-nucléaires seraient irrationnels et émotionnels, passéistes, surferaient avec démagogie sur des craintes non fondées, n’avanceraient que les arguments idéologiques, tandis que les pro-nucléaires seraient rationnels et guidés par l’expertise des scientifiques de pointe, le souci d’assurer de façon responsable et réaliste un approvisionnement énergétique nécessaire au progrès.

Anti-nucléaire Pro-nucléaire
Irrationnel Rationnel
Passéiste Progressiste
Démagogique Responsable
Idéologique Réaliste

Si l’on veut pouvoir penser et agir aujourd’hui, c’est très précisément ce cadre implicite qu’il s’agit d’identifier, de contester et de refuser. Mais il s’agit surtout de bien voir qu’il peut être retourné, point par point. Les analyses et les propositions des écologistes montrent qu’il est irresponsable, irrationnel et intenable de conserver au nucléaire la place occupée aujourd’hui dans la production d’électricité et qu’une politique d’avenir se doit de tourner le dos à ce choix historique.

Il y a d’autres choses encore. Le recours à des experts pour expliquer ce qui se passe contribue à faire de l’option nucléaire une affaire de haute technicité, limitant les discussions à une sphère extrêmement réduite de spécialistes. Ce recours à l’expertise de techniciens (on va procéder à des crash tests…) infantilise une opinion publique. Ne rassure-t-on un enfant pour qu’il s’endorme et que les adultes puissent s’occuper des choses grandes personnes ?

On ne fait pas appel à la responsabilité et à l’intelligence citoyennes et le débat politique démocratique se voit exproprié d’un sujet fondamental : les orientations prioritaires de notre avenir collectif.

Aujourd’hui la question n’est donc pas « Faut-il sortir ou non du nucléaire ? » mais plutôt « Comment s’agit-il de réorganiser nos modes de vie et de vivre ensemble sur cette planète pour pouvoir sortir au plus tôt du nucléaire, tout en gérant, pendant des centaines, voire des milliers d’années, les conséquences des options énergétiques prises dans les années soixante et septante? ».

Seuls de vastes débats démocratiques et une pédagogie des enjeux peuvent construire un contrepoids suffisant pour soutenir des décisions politiques courageuses, qui devront aller résolument à l’encontre des intérêts financiers, industriels et géopolitiques qui sont en jeu.

Gérard Pirotton

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