Le présent document a pour objectif de relater les travaux de l’Université Collaborative 2015 consacrée à l’économie collaborative. Sur base de la méthode de travail décrite plus loin et à la suite d’un appel à participation diffusé largement, un groupe d’une vingtaine de personnes s’est donc penché sur ce sujet au cours de trois[[Dans les faits, une demi-journée supplémentaire a été organisée pour permettre de finaliser la rédaction de ce texte…

]] journées complètes en vue de s’informer d’abord, de débattre ensuite, puis d’émettre un avis « citoyen ».

Le document reprend donc ci-dessous les différentes étapes de la démarche : les questions de départ, la méthode de travail, la synthèse du dossier documentaire, les questions intermédiaires que le groupe a posées à deux intervenants extérieurs, le canevas de la synthèse finale et les résultats auxquels le groupe est parvenu dans le temps (toujours trop limité !) prévu.

Il faut souligner à ce propos à quel point les participants se sont investis dans la démarche, démontrant une fois de plus que « l’énergie potentielle » des citoyens est très élevée et susceptible de s’investir sur de nombreux sujets pour peu que les occasions de contribuer se présentent et qu’elles visent une véritable co-construction civique !

La méthode de travail

L’Université collaborative vise à rendre accessible des savoirs et des savoir-faire diversifiés autour d’enjeux significatifs pour la Cité.

Grâce à l’échange des expériences entre les participants, le support d’un dossier documentaire, et l’audition de spécialistes et/ou d’acteurs, les participants construisent ensemble leurs approches de la question. A l’aide d’un processus de délibération, ils cherchent à formuler des propositions relatives à l’enjeu en discussion.

L’Université Collaborative cherche à apporter une satisfaction personnelle aux participants au travers de leur engagement dans le panel, par les partages et constructions de savoirs, l’approfondissement de leurs connaissances et la qualité des propositions finales

La formation de trois jours repose sur une démarche collaborative et délibérative :

  • Première journée 

    Sur base du partage des expériences et du dossier documentaire fourni préalablement, les participants préparent un ensemble de questions en vue des auditions de la journée suivante.
  • Deuxième journée 

    Audition de spécialistes et/ou acteurs et synthèse des débats.
  • Troisième et dernière journée 

    Délibération en tant que «panel citoyen » afin de formuler des propositions.

Nos questions de départ

De multiples projets, s’estimant relever de l’économie collaborative, ont vu et voient le jour :

  • mutualisation ou réemploi de biens matériels (voiture, outils, logements…),
  • réparation ou fabrication collaborative d’objets,
  • financement collaboratif,
  • formation et connaissances collaboratives…

Ces initiatives se déroulent, selon les cas :

  • de particulier à particulier ou via un intermédiaire,
  • on line ou off line,
  • moyennant finances ou gratuitement,
  • dans une logique marchande ou non…

constat que nous pouvons tirer est que ce concept encore flou fait débat. Qu’est-ce qu’une économie collaborative ? Les plate-formes comme Uber ou Airbnb en font-elles partie ? A quelles conditions peut-on dire que les projets initient un réel changement de modèle économique ? A quelles conditions peuvent-ils constituer un outil de transition sociale et écologique plutôt qu’une nouvelle forme de capitalisme ?

Le dossier documentaire

Le dossier documentaire avait pour but de fournir quelques textes qui peuvent servir de base de réflexion lors des journées et entre celles-ci. Ceux-ci faisaient partie d’un ensemble de documents plus large consultables électroniquement.

Texte 1 : le dossier de Imagine (n°111) de septembre-octobre 2015 « L’économie du partage : corévolution et capitalisme 2.0. »

Ce dossier vise à présenter de façon générale l’économie collaborative et ses enjeux. Vous y trouverez une description des développements en cours, des changements positifs mais aussi des dérives qu’ils entraînent et donc la question de la régulation par l’Etat.

8 questions :

  1. Qu’entend-on exactement par « économie collaborative » ?
  2. Comment expliquer le succès de ce marché ?
  3. N’est-ce pas un effet de mode ?
  4. Qui sont les adeptes du collaboratif ?
  5. Ce type d’économie est-il porteur d’un changement positif pour la société ?
  6. Quelle plus-value pour l’environnement ?
  7. Ce modèle économique est-il source de dérives ?
  8. Faut-il une régulation de l’Etat ?

Texte 2 : les 9 premières pages du document « L’économie collaborative comme moteur pour une Flandre chaleureuse et viable », réalisé par diverses organisations de la société civile et les acteurs principaux de l’économie collaborative flamande.

Dans ces 9 pages sont mis en évidence différents bénéfices de l’économie collaborative :

  1. de la possession à l’utilisation,
  2. l’accès commun au capital social,
  3. des villes et des communes plus durables,
  4. une moins grande empreinte écologique,
  5. une plus grande résistance aux chocs économiques globaux.

La suite du document (accessible électroniquement) reprend 65 propositions concrètes pour renforcer le modèle de l’économie collaborative en Flandre.

Texte 3 : Le Monde du 25 juin 2015, Michel Bauwens : « Uber et Airbnb n’ont rien à voir avec l’économie de partage ».

Il s’agit d’un entretien avec Michel Bauwens (créateur de la Fondation P2P) dans lequel celui-ci rejette clairement hors de l’économie collaborative des modèles économiques de type Uberpop ou AirBnB. En effet, il définit l’économie collaborative comme une entreprise dans laquelle les individus s’auto-organisent pour créer un bien commun.

Économie de partage Uber
Production pair-à-pair Morcellement du travail
Auto-organisation Concurrence
Bien commun Extension de la marchandisation
Répartition équitable de la valeur Captation du profit par les actionnaires
Régulation (application locale et coopérative locale : usagers et/ou municipale) Rien n’est partagé (monopole)
Diminution du salariat-> économie coopérative, sociale, solidaire Exploitation de la précarité
Financement par quels investisseurs ?
Durabilité d’office
Production pair-à-pair : réponse à croissance infinie dans un monde fini
Rôle des pouvoirs publics : politique facilitatrice, fournisseur d’infrastructures pour projets collaboratifs

Texte 4 : « Changer l’entreprise, changer la consommation ? Table ronde avec trois entrepreneurs de l’économie collaborative », dans le dossier « Le partage, une nouvelle économie ? » de la revue Esprit de juillet 2015.

Ces entrepreneurs décrivent leurs modèles économiques, leurs motivations, leur manière d’envisager l’organisation du travail comme l’impact de leurs initiatives sur les modes de consommation.

Trois entrepreneurs 

  • GuestToGuest
  • A Little Market
  • La Ruche qui dit oui

Texte 5 : tableau 1, p.11, dans IDDRI, « Comprendre l’économie collaborative et ses promesses à travers ses fondements théoriques », Working paper n°5 – juillet 2015.

Ce tableau présente les inspirations théoriques à l’origine de l’économie collaborative : l’économie du don, le pair-à-pair et le logiciel libre, l’économie de la fonctionnalité. Il classe également diverses initiatives collaboratives sur cette base.

Texte 6 : IDDRI, « Economie du partage : enjeux et opportunités pour la transition écologique », résumé p. 7-9, Study – juillet 2014.

On y aborde la question des conditions que doivent rencontrer les initiatives d’économie collaborative pour contribuer réellement à la transition écologique (au sens environnemental du terme).

5 conditions transversales d’amélioration de la durabilité

  • La qualité des biens partagés (écoconception) : durée de vie, biens recyclables et recyclés effectivement
  • Bilan en termes de transport (quantité, distance)
  • Baisse de la consommation globale individuelle
  • Valorisation de l’usage : économie de la fonctionnalité
  • L’effet rebond sur le bien partagé ou sur d’autres biens (amélioration positive du pouvoir d’achat mais effet négatif si impact écologique)

Texte 7 : « L’économie collaborative, entre utopie et big business, dans le dossier Le partage, une nouvelle économie ? » de la revue Esprit de juillet 2015.

Ce dernier texte nous fait prendre un peu de hauteur. En effet, nous avons vu au travers des lectures précédentes que l’économie collaborative est traversée par différentes tensions : alternative au modèle dominant de croissance et de propriété ou renouveau du capitalisme ?

Quatre questions intermédiaires

Les questions suivantes, résultant de la première journée de travail, furent envoyées aux deux intervenants Edgar Szoc, Economiste, auteur de l’analyse « Du partage à l’enchère : les infortunes de la « Sharing Economy »et Maxime Lambrecht, Chercheur en droit et éthique économique, de la deuxième journée.

  1. Dans une économie collaborative en faveur de la transition écologique et sociale, quels rôles devraient jouer le citoyen, l’état et les entreprises.
    • En ce qui concerne l’état, comment devrait-il aménager le cadre législatif pour accompagner l’expansion de l’économie collaborative afin de conserver les acquis de l’État social et de supprimer les externalités négatives ?
  1. L’économie collaborative appliquée à large échelle peut-elle être un facteur de stabilité mondiale ?
    • Réguler les excès de la mondialisation (exploitation, pollution, …)
    • Sécurité, équité, justice, éthique.
  1. Comment l’économie collaborative peut-elle créer de réels liens sociaux au-delà d’internet ? Internet est-il un outil incontournable ? Existe-t-il des expériences d’économie collaborative sans internet ?
  1. Comment l’économie collaborative doit-elle devenir un modèle alternatif, de transition ?
    • Comment assurer une vie décente à tous ?
    • Fin du salariat ? Quid de la sécurité sociale ?
    • Avec quelle gouvernance ? (gestion des tensions, …)
    • Impulser de l’horizontalité dans les structures existantes ?
    • Comment les outils de l’économie collaborative peuvent-ils nous aider à penser global en agissant local ?

Synthèse

Quelle définition ? Notre point de départ est une définition assez générale qui vise à décrire les éléments minimaux qu’il faut retrouver pour pouvoir parler d’économie collaborative, ceux qui donnent aux différentes initiatives un même « air de famille ».

Nous définissons alors l’économie collaborative comme « l’ensemble des activités qui permettent à des particuliers de s’organiser entre eux pour se fournir des services ou des biens, ou pour produire des biens, sans avoir à passer par une entreprise traditionnelle ».

Cette définition descriptive rassemble à peu près toutes les initiatives sous une ‘grande tente’. Si on veut définir des zones plus spécifiques sous cette tente, on peut utiliser des critères descriptifs supplémentaires tels que les domaines économiques concernés :

    • la consommation collaborative: mutualisation ou réemploi de biens matériels (voiture, outils, logements…),
    • la réparation ou fabrication collaborative d’objets,
    • le financement collaboratif,
    • la formation et les connaissances collaboratives…

      Ou des caractéristiques plus précises des échanges entre particuliers telles que :
    • le passage ou non par un intermédiaire,
    • on line (via un site internet ou le smartphone) ou off line,
    • dans une logique marchande (volonté de faire un bénéfice) ou non…

Cependant, cette approche purement descriptive n’est pas très satisfaisante car elle fait comme s’il n’y avait pas d’enjeux éthiques, sociaux, environnementaux, politiques, culturels… On pourrait même dire qu’elle « noie le poisson » c’est-à-dire qu’en restant apparemment neutre, elle empêche justement de faire des distinctions importantes sur le plan des choix de société et donc elle n’est en réalité pas neutre : elle nous rend simplement observateurs des évolutions en cours, comme si celles-ci étaient naturelles, inéluctables, et non acteurs potentiels, capables d’orienter le cours des choses dans un sens plus souhaitable !

C’est pourquoi il est très important de mettre en évidence les enjeux. Il faut pouvoir évaluer les initiatives dites d’économie collaborative en fonction des enjeux de société. Pour cela, il faut définir des critères évaluatifs et pas seulement descriptifs.

Rappelons que l’enjeu central sur lequel nous voulons évaluer l’économie collaborative est celui de la transition sociale et écologique, soit le passage à la fois nécessaire[[Pour des raisons écologiques désormais bien connues : à tout le moins le réchauffement climatique et la perte de biodiversité

]] et souhaitable[[Au vu de la croissance des inégalités sociales, y compris en matière de justice environnementale, entre générations présentes et vis-à-vis des générations futures

]] à un nouveau modèle par rapport au modèle dominant qui repose sur la recherche obstinée d’une croissance du PIB, quelles que soient les conséquences en termes écologique, social et même démocratique (étant donné que ce modèle est présenté comme sans alternative).

L’économie collaborative a été perçue par certains comme potentiellement porteuse d’un changement de modèle. Reprenons par exemple les éléments principaux du texte 5 du dossier documentaire « Comprendre l’économie collaborative et ses promesses à travers ses fondements théoriques » :

  • passage d’une logique propriétaire restrictive à un accès distribué, libre et universel,
  • changement de posture de l’individu : du consommateur passif au consommateur acteur,
  • passage d’une logique d’échange marchand à une logique d’échange symbolique (les liens plutôt que les biens),
  • passage d’une logique de propriété à une logique d’usage, insistance sur la finalité (économique, sociale et environnementale) des pratiques.
    De telles « promesses » sont évidemment séduisantes du point de vue de la transition sociale et écologique mais la réalité de l’économie collaborative doit être évaluée, c’est-à-dire passée au crible de critères précis permettant de vérifier dans quelle mesure elle tient réellement ses promesses. Rappelons encore une fois nos questions de départ : qu’est-ce qu’une économie collaborative ? Les plate-formes comme Uber ou Airbnb en font-elles partie ? A quelles conditions peut-on dire que les projets initient un réel changement de modèle économique ? A quelles conditions peuvent-ils constituer un outil de transition sociale et écologique plutôt qu’une nouvelle forme de capitalisme ?

C’est pourquoi un ensemble de conditions, de critères potentiels – plus ou moins forts, plus ou moins pertinents du point de vue de la transition – ont été retirés des différents textes du dossier documentaire et proposés « en vrac » (voir tableau ci-dessous) aux participants. Cette liste (qui pouvait évidemment être amendée) a fait l’objet du travail de la troisième journée. Il s’agissait de choisir les critères pertinents (d’un point de vue environnemental, économique, de gouvernance démocratique, ou social), puis de les hiérarchiser et de les expliciter autant que possible.

Qualité des biens ou services Contributions fiscales
Revenus/salaires Respect des réglementations
Réduction du CO2 (production, utilisation, transport) Impact écologique (production, utilisation, déchets)
Accès à tous Favorise les liens sociaux
Transparence Participatif
Prix Répartition de la valeur
Protection sociale Objectif de profit
Qualité de l’emploi Auto-organisation des participants
Conditions de travail Réduit la demande de nouveaux produits
Effet rebond (ce qu’on fait avec l’argent économisé ou gagné) Facilite l’hyperconsommation

Ce travail de sélection de critères pertinents (point 6.2) devrait permettre de clarifier ce que pourrait être une « économie collaborative de transition » c’est-à-dire une économie dans laquelle les activités d’échange ou de production organisées entre particuliers visent explicitement, comme un de leurs buts majeurs, la transition sociale et environnementale.

Sur cette base, le groupe a pu formuler des « recommandations » aux différents types d’acteurs (point 6.3) concernés par le développement de l’économie collaborative.

Critères pertinents

Environnement

Quatre critères ont été retenus pour évaluer la contribution des activités d’économie collaborative à la transition :

  • La sobriété énergétique : il s’agit de favoriser
    • la réduction de la consommation,
    • le partage, la mise en commun des biens (voitures, outils partagés, …),
    • la prise en compte du risque de l’effet rebond et actions pour le minimiser : c’est-à-dire qu’il faut veiller à ce que les économies réalisées, par exemple dans le partage d’un bien plutôt que dans son achat ou les gains réalisés dans la revente d’un bien d’occasion, soient utilisés également de façon sobre.
  • L’impact écologique : il s’agit de favoriser
    • l’écoconception des produits partagés (pour que l’augmentation de l’usage n’entraîne pas un remplacement plus rapide),
    • l’optimisation de l’impact écologique du cycle de vie entier  (production, transport, utilisation, déchet) sous l’angle de :
      • la réduction des émissions de CO2,
      • le maintien de la biodiversité,
      • des matières premières utilisées (toxicité, origine, épuisement).
  • Durée de vie des biens et de ses composants :
    • réutilisation,
    • réparation,
    • recyclable (« cradle 2 cradle »),
    • remise à niveau,
    • économie circulaire.
  • Contribution fiscale / Eco fiscalité :
    • fiscalité/taxation prenant en compte les externalités positives et négatives sur l’environnement

Économie 

Trois critères économiques sont retenus pour des pratiques collaboratives vertueuses :

  • un prix juste et équitable : prise en compte des externalités via des indicateurs spécifiques (ex : empreinte écologique, transversalité et gouvernance, équité sociale etc.),
  • subsidiarité : viser le niveau le plus proche de la communauté visée par la pratique collaborative, veiller à un ancrage d’intérêt local (territorial ou virtuel),
  • des règles fiscales transparentes et auxquelles on ne peut pas se soustraire (non éludables).

Gouvernance démocratique

Les trois critères suivants sont mis en évidence :

  • La transparence à un double niveau :
    • la structure interne :
  • l’activité disponible à la consultation,
  • les statuts,
  • les règles de fonctionnement et de décision,
  • un rapport d’activité régulier,
  • les comptes annuels,
  • la possibilité de recours,
  • le devoir d’information sur les possibilités d’actionnariat.
    • les outils :
      • les outils de gestion ouverts à la consultation et permettant des nouveaux développements , plates-formes et logiciels fonctionnant sous licence libre,
      • la non capture des données liées à l’utilisation des outils.
  • la participation :
  • la gestion et la décision horizontale et collective,
  • si investissement et structure économique (modèle coopératif versus Asbl), la possibilité d’être actionnaire du système, actionnariat ouvert, évolutif, modulable mais pas obligatoire,
  • si des personnes sont employées, elles doivent pouvoir participer au processus de décision,
  • l’équité de participation : « un homme une voix » versus « une part une voix », quel que soit le rôle (utilisateur/offreur),
  • la possibilité d’initiative, de suggestion ou de remise en question,
  • l’implication participative volontaire : droit mais pas obligation,
  • la structure doit donner les outils ( formation) permettant la participation.
  • Le respect des réglementations, notamment au niveau fiscal.

Social

Au premier abord, les critères suivants sont envisagés : revenus et salaires ; contributions fiscales ; liens sociaux favorisés ; accès à tous ; participation et auto-organisation ; protection sociale des travailleurs ; qualité de l’emploi ; cadre culturel et humain qui aurait pour effet de changer les bases comportementales des individus.

Après discussion, le groupe a hiérarchisé les critères de la façon suivante :

  • Contribuer au renforcement des liens sociaux (hétérogénéité et rencontre, interaction, co-construction, gestion et/ou auto-gestion, auto-organisation, favoriser l’envie d’action individuelle et ou collective)
  • Répartition primaire des revenus générés par l’activité (tensions salariales,… ) et modalités des répartitions de la valeur (avantages, fonctionnalité, …)
  • Mécanisme de redistributions : répartition secondaire des revenus (fiscalité progressive, globalisation des revenus[[Prise en compte de l’ensemble des revenus (du travail, immobiliers, financiers) pour les taxer globalement comme les revenus du travail.

]])

  • Respect des réglementations concernant le travail : conditions de travail, travail de qualité, rémunérations correctes, …
  • Accès à tous (y compris comme simple consommateur)

Le rôle des acteurs

Dans leurs travaux, les participants à l’Université Collaborative ont pointé 8 types d’acteurs qui détiennent des leviers de changements concernant l’économie collaborative. Dans cette section, nous allons les citer en pointant les leviers qui peuvent être utilisés de manière positive (pour développer l’apparition pérenne d’initiatives d’économie collaborative de transition) ou négative.

Il est important cependant de préciser que ce travail n’est bien entendu pas exhaustif et que le temps a manqué au groupe pour lister l’ensemble des recommandations qui pourraient être faites à tous ces acteurs.

Les acteurs sont au nombre de 8 :

  1. les pouvoirs publics,
  2. les individus comme citoyens,
  3. les individus comme consommateurs,
  4. les syndicats,
  5. les producteurs ou fournisseurs,
  6. les porteurs de projets,
  7. les gestionnaires des réseaux,
  8. la sphère de contagion (école, université, association d’éducation permanente, …).
    Il nous semble également utile de préciser que ces 8 acteurs doivent être compris comme des rôles qui peuvent être joués par les mêmes individus mais à des moments différents de leur implication dans un projet d’économie collaborative de transition.

Les pouvoirs publics

Pour répondre aux « Critères environnementaux »

  • Identifier les externalités (énergie, pollution, …) des projets (sensibiliser, encourager, impulser et contrôler).

Pour répondre aux « Critères économiques »

  • Moduler la taxation de manière à favoriser une vision à long terme des différents processus (encourager, impulser et contrôler).
  • Adapter la législation pour qu’elle corresponde mieux aux nouvelles réalités multiples des assujettis fiscaux (globalisation des revenus) et la rendre souple pour qu’elle puisse facilement s’adapter aux évolutions.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Promouvoir l’horizontalité, la participation et les pratiques délibératives dans les organes décisionnels des pouvoirs publics et des organisations (sensibiliser et encourager).
  • Contrôler de manière transparente (par exemple via des accords connus) et sanctionner ceux qui ne respectent pas la législation (contrôler).

Pour répondre aux « Critères sociaux »

  • Promouvoir l’émergence et le développement/la transition vers des plates-formes qui répondent aux besoins des citoyens (encourager, impulser).

Les individus comme citoyens

Pour répondre aux « Critères économiques »

  • Investir auprès des acteurs les plus « vertueux » (participation, crowdfunding, etc.).

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Recréer des solidarités nouvelles permettant l’épanouissement du rôle des citoyens.

Pour répondre aux « Critères sociaux »

  • Promouvoir une implication consciente des citoyens en faveur d’une économie collaborative de transition (sensibilisation, encouragement, impulsion et contrôle).

Les individus comme consommateurs

Pour répondre aux « Critères environnementaux »

  • Orienter sa consommation de manière consciente et responsable vers des produits qui intègrent les externalités positives et négatives.

Pour répondre aux « Critères économiques »

  • Soutenir financièrement les acteurs qui prennent en compte cette problématique.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Prendre ses responsabilités en s’investissant activement et autant que possible auprès des producteurs avec lesquels on traite (faire remonter la réflexion aux producteurs, saisir les opportunités de faire entendre la voix des consommateurs).
  • Veiller à l’horizontalité[[Prise de décision collective, tous les travailleurs/producteurs ensemble sur un même pied d’égalité et non de manière hiérarchique

]] et la transparence de l’organisation de la production et de la distribution.

Les syndicats

Pour répondre aux « Critères environnementaux »

  • Élargir le rôle d’éducation des syndicats à la promotion et la sensibilisation d’une production tenant compte des externalités pour induire une transition.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Promouvoir l’horizontalité et les pratiques délibératives dans les organes décisionnels internes aux syndicats mais aussi au sein des organisations et entreprises.

Pour répondre aux « critères sociaux »

  • Oser réfléchir à la manière de convertir les « acquis » vers une transition économique saine et émancipatrice dans un contexte qui a évolué et n’est plus le même qu’auparavant.
  • En collaboration avec les autres acteurs, être à la pointe de la réalisation d’audits et d’études sur les externalités sociales (éventuellement en concertation avec les pouvoirs publics et/ou les entreprises), afin que la législation et la fiscalité puissent accompagner (s’adapter voir même anticiper) les changements.
  • Partant du constat que les rôles des individus deviennent de plus en plus flous et peuvent se recouper, envisager le rôle des syndicats au-delà de la défense des travailleurs (syndicats des citoyens?).

Les producteurs et fournisseurs

Sont désignés comme producteurs et fournisseurs tout agent (collectif ou individu) qui propose un service ou un produit. Les producteurs ou fournisseurs sont donc des acteurs majeurs car ils peuvent avoir un impact environnemental par le biais de la mise en place de projets collaboratifs. Le groupe a émis des recommandations à leur égard pour aller dans le sens d’une économie collaborative de transition :

Pour répondre aux « Critères environnementaux »

  • Pratiquer l’écoconception : optimisation des processus de fabrication en termes d’énergie et de pollution, utilisation de produits de qualité, durable, équitable en entrée de leur processus.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Être transparent sur le contenu du produit et son processus de production via par exemple un étiquetage « orienté » consommateur.
  • Travailler sur la communication claire et objective (labels indépendants, étiquetage, publicité non-mensongère, etc.) aux consommateurs.
  • Promouvoir l’horizontalité et les pratiques délibératives à tous les niveaux des initiatives collaboratives.

Pour répondre aux « critères sociaux »

  • Mettre en place des politiques de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Les porteurs de projets

Les porteurs de projets collaboratifs peuvent être des individus ou groupes (structurés ou non-structurés) avec ou sans but lucratif, issu du monde privé, public ou associatif qui vont organiser des échanges, développer la mise en relation des producteurs/fournisseurs avec les consommateurs ou utilisateurs.

Pour répondre aux « Critères environnementaux »

  • Fixer les objectifs environnementaux visés par le projet.
  • Minimiser les externalités négatives et maximaliser les externalités positives.

Pour répondre aux « Critères économiques »

  • Si la plate-forme bénéficie d’investissements et/ou d’une structure économique, il doit exister une possibilité d’être actionnaire de cette plate-forme qui doit donc posséder un « actionnariat » ou un « Conseil d’administration » ouvert, évolutif modulable.

    Remarque : la participation à l’actionnariat n’est pas obligatoire pour un utilisateur.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Il est nécessaire qu’il y ait une ouverture à un fonctionnement qui soit plus basé sur l’horizontalité permettant aux travailleurs de se réapproprier leur travail ainsi que le sens de l’engagement sociétal et politique. Les règles de fonctionnement doivent être claires et accessibles.
  • L’équité de participation 1 homme une voix >
  • La transparence à un double niveau :
    • la structure interne :
      • le rapport d’activités et comptes annuels disponibles à la consultation par tous les utilisateurs ;
      • les statuts doivent être transparents et accessibles ;
      • la possibilité de recours pour les utilisateurs mécontents (prévoir un mécanisme de médiation).
  • Les outils :
    • travailler avec ou développer des outils de gestion ouverts à la consultation et permettant des nouveaux développements (par exemple ouverture du code informatique);
    • la non capture de l’utilisation des outils (données personnelles mailing, communication, etc.) ;
    • la plate-forme doit donner les outils nécessaires (par exemple : formation, information, …) permettant la participation.

Les gestionnaires des réseaux (fournisseurs d’accès et hébergeur d’internet)

Étant donné que, dans le cadre de l’économie collaborative, le web est un outil important, le groupe a aussi émis des recommandations à l’égard des gestionnaires des réseaux.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • Ils ont la capacité d’agir pour le soutien et le développement de projets d’économie collaborative avec un rôle délicat de contrôleur : la possibilité de fermer les accès à des plates-formes contrevenant au cadre législatif devrait être étudiée, en étant très attentif à la neutralité du net.

La sphère de contagion

Les participants à l’Université Collaborative ont souhaité mettre en évidence une catégorie d’acteurs regroupés sous le nom de « Sphère de contagion ». Il s’agit de différents lieux, différentes fonctions dans la société susceptible de faire évoluer les mentalités, faire évoluer les perceptions de la société. La contagion culturelle est très importante pour faire émerger de nouvelles pratiques. Il faut donc souligner le travail à réaliser pour rendre populaires et compréhensibles les initiatives d’économie collaborative de transition.

Pour répondre aux « Critères économiques »

  • Il peut être intéressant d’associer les universités et les pôles de recherche comme accompagnateurs de projets. Ce serait des partenaires à part entière de la transition écologique. Il faut pouvoir développer des liens entre le terrain et la vision académique. L’intervention de ces acteurs peut apporter auprès des citoyens le recul nécessaire pour progresser dans le développement de l’économie collaborative. Les universités ont aussi un rôle dans la formation permanente (FOPES, …) que le groupe estime devoir être renforcé.

Pour répondre aux « Critères de gouvernance démocratique »

  • La pédagogie développée à l’école doit être basée plutôt sur la collaboration entre élèves que sur la compétition. Par ailleurs, chaque acteur de l’école (enseignant, parents, élèves, …) devrait pouvoir y prendre une place de manière active.

Pour répondre aux « critères sociaux »

  • Les associations devraient poursuivre, comme une de leurs missions de base, une politique d’éducation populaire et impulser des initiatives favorisant la collaboration au sein de la société. Ces associations doivent se réapproprier leur rôle de résistance et de désobéissance civile que le groupe estime être un devoir qui incombe à ces associations. Il faudrait que les associations soient en mesure d’avoir une gestion permettant de rêver son projet au lieu de fonctionner de manière ultra-pragmatique (répondre aux appels à projets).

En guise de conclusion

L’objectif principal de l’Université Collaborative est de permettre à un groupe de citoyens de s’approprier une question de société, de pouvoir en faire le tour, de l’interroger, de questionner sa pertinence et ses impacts.

Avec cette deuxième édition sur le thème de « L’économie collaborative comme outil de transition sociale et écologique », nous pensons avoir atteint notre objectif. Le texte que vous avez sous les yeux n’est certes pas exhaustif et adopte des hypothèses d’analyse qui peuvent être discutées.

Mais au final, ce texte propose la vision d’une vingtaine de citoyens sur les balises à respecter et le rôle que doivent jouer les acteurs directs et indirects pour qu’une initiative puisse être qualifiée d’ « économie collaborative comme outil de transition sociale et écologique »

Annexe 1 : Réflexions et commentaires individuels

Vous trouverez ci-dessous quelques réflexions individuelles épinglées pendant nos trois jours et demi de rencontre et d’échanges…

Stéphanie

« Malgré les dérives actuelles, je place beaucoup d’espoir dans l’économie collaborative pour nous mener vers une société plus juste et respectueuse de la planète. Et j’ai été ravie de constater que des individus très différents se sentent impliqués et, quelque part, souhaitent la même chose. C’était très stimulant de faire partie de ce groupe. »

Hélène

« Le juste prix est celui qui tient compte des externalités. Classer les entreprises selon leur externalité comme on l’a fait pour les frigos et leur appliquer une fiscalité différente serait gage d’une vraie concurrence loyale. »

Eveline

« Ensembles les citoyens pourraient arriver à collaborer afin de réduire l’impact sur l’environnement. Dans la jungle des initiatives d’économie collaborative, il y a pas mal d’initiatives qui valent la peine d’être généralisées pour plus d’impact. Il reste beaucoup de travail à faire si nous voulons que ces initiatives aient la même ampleur qu’un uber par exemple. J’ai appris beaucoup et entendu beaucoup d’avis sur l’économie collaborative, mais je ne vois pas encore très clair sur comment en faire un réel outil de transition écologique avec de l’ampleur. Mais j’ai l’espoir que les petits ruisseaux feront de grandes rivières dans les années à venir et que les citoyens reprennent en main leur avenir. »

Marc

« une question importante a été peu évoquée : outre les bonnes intentions des organisations, des écolos, des syndicats, … nous n’avons pas pris en compte suffisamment un changement de paradigme industriel/commercial qui va aller bien au-delà de nos structures organisationnelles et surtout de nos actuelles limites idéologiques (auto-imposés) et nous allons être submergés dans les 2 ( ?) ans à venir. Sur le plan intellectuel, cela est assez lamentable et je ne peux pas l’expliquer à mes affiliés. Ni Etopia, ni Ecolo ne peuvent rien dans cette histoire, c’est clairement un échec collectif, un manque de lucidité. Idem pour les syndicats. »

Pierre-Yves

« Pour orienter l’économie collaborative vers une économie collaborative souhaitable, il faut chercher à faire corréler l’intérêt individuel à l’intérêt collectif. C’est dans cette perspective que les différents acteurs doivent légiférer et agir (en particulier les pouvoirs publics) »

Abdel

« Collaboration, partage, participation : valeurs essentielles pour opérer un changement de paradigme vers une économie collaborative plus humaine. »

Sébastien

« L’économie collaborative possède un potentiel phénoménal, mais pour être exploité au maximum l’environnement socio-politique-économique doit subir une évolution majeure. »

Nicolas

« Un sujet passionnant, une démarche motivante, des échanges stimulants ! Trois journées ne sont pas de trop pour penser ensemble un changement de paradigme. L’économie du 21ième siècle sera collaborative ou ne sera pas. »

Houssine

« L’économie collaborative comme outil de réappropriation de l’activité économique et de redynamisation de la solidarité (Paolo Coelho) »

Pierre

« L’économie collaborative ne suffira pas avant longtemps et probablement même jamais à soutenir la société. Elle ne résout pas la question de la propriété. L’économie collaborative peut constituer une partie de la transition vers un système plus juste, plus solidaire, plus soutenable, elle n’est pas la solution. »

Sylvain

« Expérimenter la collaboration autour du thème de l’économie collaborative fut passionnant. Beaucoup d’idées, d’intuitions éparses se retrouvent maintenant liées par un fil cohérent. Merci au travail collaboratif ! »

Danielle

« Dialoguer ‘peer-to-peer’ sur une thématique d’actualité fait émerger des (res) sources, les siennes propres, celles des autres participants et celles d’une sorte de mémoire et de culture collective et est éminemment stimulant, enthousiasmant et porteur de façon constructive pour préparer à un passage à l’action et à la vulgarisation dans son entourage des acquis de la formation. »

Patricia

« Les systèmes d’échange locaux sont plus générateurs de discriminations que les échanges commerciaux habituels. Parce que les membres auront plus vite tendance à rendre service à d’autres qui leur ressemblent, ont les mêmes idées, le même niveau social. Tandis que dans les échanges marchands, cela importe peu, le but étant de faire un profit monétaire. »

« Les services publics sont financés principalement par la fiscalité. Si l’économie collaborative non marchande se développe au point de prendre une place suffisamment prépondérante, ne sera-t-il pas nécessaire d’envisager un système de taxation pour cette économie, au risque sans cela de ne plus pouvoir financer ces services publics ? »

Béatrice

« Processus passionnant, plein d’idées mais quelque peu fatiguant et parfois pressant car tout le temps occupé par des idées et réflexions des autres et la gestion du temps, sans avoir eu le temps de suffisamment digérer personnellement. »

« Espoir qu’une économie réellement « collaborative », « solidaire », « de partage » puisse voir le jour à une large échelle pour le bénéfice de tous. »

Marie-France

« La vague et le surfeur : entre excitation, peur, enthousiasme et méfiance … La vague est là, belle et puissante, vorace et généreuse, … Elle nous renverse, on la bride où l’on joue avec dans un équilibre en perpétuel mouvement et recherche. Pour jouir de la vague, il faut bien la connaître, laisser la place à l’incertitude, avoir une bonne dose de prudence et d’attention et … y aller. »

Odile

« L’économie collaborative, dans son expression positive, permet une certaine réappropriation de services capturés par l’économie marchande et « outrageusement » réglementés par l’Etat ou les instances internationales. Comme pour les graines, les citoyens doivent pouvoir s’organiser et produire des services et des solidarités nouvelles, avec des exigences différentes de celles des producteurs industriels. En parallèle, une réflexion sur les monnaies complémentaires ou l’allocation universelle me parait intéressante et à creuser. En fait les critères de l’économie collaborative définis pourraient être appliqués à une économie de transition. L’aspect web devient secondaire…»

Dorance

« Première participation à une université collaborative : très intéressant partage sur un sujet qui allie pratique collaborative (question aussi de la responsabilité de chacun dans le global) et le sérieux (économie). »

« Attention à l’Ubérisation de la société, à cause du flou et de la complexité du sujet. En tout cas le débat reste souvent ouvert et seul le vrai collaboratif (non le greenwashing) pourra être outil de transition sociale et écologique. »

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