Tous ceux qui s’intéressent à l’urbanisme ucclois ont beaucoup entendu parler des incidences environnementales pendant la législature 2001-07 !


En plus de nombreux dossiers présentés avec un « rapport d’incidences », trois importantes demandes de permis ont été soumises à une « étude d’incidences » : le regroupement de la clinique de l’Europe sur le site De Fré, l’aménagement ferroviaire nécessaire de la ligne 124 pour le futur réseau RER et la plus importante des deux demandes de permis de lotir sur le plateau Engeland. Quant au projet de nouveau PPAS Avijl (Plan Particulier d‘Affectation du Sol), il a fait l’objet d’un « rapport sur les incidences environnementales ».

Trois expressions quelque peu ésotériques pour le citoyen (RI, EI et REI), qui figurent dans le CoBAT (« Code bruxellois de l’aménagement du territoire ») et correspondent à des exigences légales différentes en matière d’analyse de l’impact sur l’environnement d’un projet d’urbanisme.

« Rapport » d’incidences et « étude » d’incidences

Le rapport est un document relativement succinct, réalisé par le demandeur lui-même ; il est forcément entaché de subjectivité, dans le but de convaincre que son projet est acceptable.

L’ « étude » c’est tout autre chose : un travail beaucoup plus approfondi, réalisé par un bureau d’étude indépendant agréé pour ce type de travail, engagé aux frais du demandeur et contrôlé par un « comité d’accompagnement » dans lequel sont représentées la Commune et les administrations régionales concernées.

Rapport et étude sont soumis à l’enquête publique en même temps que le dossier du projet. Des remarques critiques peuvent donc être formulées à leur sujet ; mais, dans le cas d’une étude d’incidences, la critique citoyenne s’oppose à une légitimité scientifique qu’il est beaucoup plus difficile de remettre en question.

Le CoBAT prévoit avec précision les types de projets d’urbanisme pour lesquels est imposé soit une étude d’incidences, soit un rapport d’incidences : ces derniers sont ceux dont l’impact potentiel sur l’environnement est considéré comme important.

Le cas particulier du lotissement Engeland-du Puits

Malgré le grand nombre de logements prévus (initialement 400 puis 300, après le refus de la première demande), ce projet n’entrait pas dans la catégorie de ceux soumis à « étude d’incidences ». Un simple « rapport » était légalement imposé.

Le fait qu’une « étude » fut cependant imposée mérite une explication détaillée.

 Dés le début, il m’est apparu très regrettable qu’une étude d’incidences ne soit pas prévue pour cet important projet immobilier ; en raison, notamment, de sa localisation en marge d’une zone Natura 2000 et d’un impact hydrologique potentiel, qu’il était nécessaire d’évaluer, sur la réserve naturelle du Kinsendael-Kriekenput et la vallée de St Job situées en aval du site. Je ne pouvais que donner raison au comité de quartier qui en faisant la demande, malheureusement sans avoir le pouvoir d’y apporter une réponse positive.

 Lors de l’instruction de la seconde demande, j’ai demandé au service de l‘urbanisme d’étudier une piste alternative possible : l’imposition d’un « permis d’environnement » en référence à la législation européenne Natura 2000. Il m’est alors apparu que plaider en ce sens auprès des autorités régionales posait un problème en raison d’une surprenante différence entre les versions francophone et néerlandophone du texte de l’arrêté régional de 2002 transposant la directive européenne relative aux zones spéciales de conservation Natura 2000 : par l’ajout de deux petits mots, le texte français était beaucoup moins exigeant que le texte néerlandais (seuls les projets situés « dans la zone » étaient soumis à permis d’environnement) ! Pour le Ministre Gosuin (FDF), consulté à ce sujet, c’était la version française qui avait force de loi. Il a fallu attendre la nouvelle Ministre Huytebroeck (Ecolo) pour que l’arrêté soit modifié… dans le sens du texte néerlandais.

 Faute d’obtenir satisfaction, j’ai alors envisagé de commanditer une étude hydrologique que la Commune aurait financé préalablement à toute décision du Collège. Dans le contexte inquiétant des inondations de la vallée de St Job, le Bourgmestre s’était laissé convaincre d’en débattre en Collège.

 En définitive, cela ne fut pas nécessaire. Simultanément, en effet, avec l’aide de notre juriste du service de l’urbanisme, j’avais approfondi notre lecture du cadre législatif urbanistique régional. Nous y avons découvert un article méconnu de l’OOPU (Ordonnance Organique de la Planification et de l’Urbanisme, ancêtre du CoBAT)) qui précisait que « dans des circonstances exceptionnelles, la Commission de concertation peut, dans un avis spécialement motivé, recommander au Gouvernement de faire réaliser une étude d’incidences ».
Forte de cette possibilité légale qui n’avait jamais été exploitée, j’ai proposé au Collège puis à la commission de concertation de l’appliquer au cas de ce dossier problématique. A la grande majorité de ses membres, la commission a postposé son avis après la première enquête publique de février-mars 2004 ; et a officiellement demandé au Gouvernement régional que soit réalisée une étude d’incidences. Celui-ci a accepté d’accéder à cette demande, malgré les réticences du cabinet ministériel concerné (le fait que nous étions à l’approche des élections régionales de juin 2004 a certainement joué en notre faveur!).

 L’instruction du dossier fut donc suspendue pendant plus d’un an : le temps de réaliser l’étude, clôturée fin août 2005. J’ai tenu personnellement à faire partie de la délégation communale représentée au comité d’accompagnement encadrant le travail du bureau d’étude. Ce fut un travail pluridisciplinaire particulièrement approfondi, reconnu par les spécialistes comme un modèle du genre. Au terme duquel ont été formulées plus de 100 recommandations destinées à limiter les incidences du projet sur son environnement.

 Déçu par le fait que l’étude d’incidences n’avait pas conclu que le nombre de logements prévus était inacceptable, le comité de quartier n’en a pas moins vivement contesté les conclusions (allant même, ce que je regrette, jusqu’à mettre en doute l’intégrité du bureau d’étude).

Le « rapport sur les incidences environnementales » : une exigence récente

Cette nouvelle disposition légale concerne l’élaboration des PPAS. Elle a été votée en 2004 et il a fallu du temps pour qu’un arrêté ministériel en détermine les modalités !

Sa structure s’est avérée devoir être la même que celle d’une étude d’incidences ; le contenu pouvant toutefois être moins approfondi techniquement. Et c’est le bureau d’étude auteur du PPAS qui a le droit de le réaliser, dans une démarche dialectique avec celle de l’élaboration du plan.

Cette nouvelle imposition légale est entrée en vigueur alors que l’étude du PPAS Avijl était déjà bien en route. Nous avons attendu longtemps les instructions de la tutelle régionale puis essuyé les plâtres d’une première application concrète !

L’importance d’une vision systémique dans l’évaluation des incidences

La législation relative aux incidences environnementales prévoit très judicieusement l’obligation d’un chapitre « interactions » à la suite de l’analyse sectorielle des différents domaines imposés. Il doit être abordé dans une perspective globale et transversale.

J’ai constaté que les bureaux d’étude avaient du mal à développer cette réflexion d’une manière qui satisfasse mes espérances. C’est d’autant plus regrettable que ce chapitre final apporte un éclairage essentiel pour la prise de décision qui, en définitive, appartient au pouvoir politique.

L’environnement : une matière où la décision du politique

se fonde de plus en plus sur l’expertise scientifique

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