Paquet énergie-climat : analyse des principaux éléments du nouveau cadre législatif de l’Union Européenne et matière de lutte contre le changement climatique

Francisco Padilla

La plénière du Parlement Européen a adopté à une très large majorité le paquet législatif “énergie/climat” composé de six textes législatifs sans modifier le compromis négocié avec le Conseil. Le Groupe des Verts a voté positivement en faveur de trois directives et s’est opposé aux trois autres. Pour les écologistes ce paquet n’est qu’une première étape au vu des mesures nécessaires pour que l’Union Européenne remplisse sa part de responsabilité pour lutter de manière efficace et ambitieuse contre le réchauffement climatique. Comme les développements suivants tenteront de le mettre en évidence, cette première étape devra impérativement être suivie de mesures complémentaires au niveau national et européen si l’UE entend assumer la part de l’effort qui lui revient.

Les Verts ont unanimement soutenu la directive sur les énergies renouvelables du rapporteur vert luxembourgeois Claude Turmes. La législation adoptée portera la part des énergies renouvelables à 20% du total des sources d’ici 2020 et détaille des cibles spécifiques par pays membres (13% pour la Belgique).

Mécanismes de flexibilité
La législation prévoit notamment des mécanismes de coopération entre Etats membres par le biais desquels ces Etats pourront comptabiliser les investissements dans les énergies renouvelables réalisés dans d’autres Etats membres pour atteindre leurs propres cibles.

Suivi et contrôle du chemin de croissance
Le Parlement a également réussi a renforcer les dispositions de la directive qui obligent les Etats membres à faire rapport des mesures prises conformément aux feuilles de route établis dans des plans d’actions standardisés sur les renouvelables soumis à révision si les Etats membres s’écartent des cibles intermédiaires vers le 20%.

Accès prioritaire pour les renouvelables

Le Parlement a également réussi à préserver des dispositions relatives à la facilitation de l’accès aux énergies renouvelables aux réseaux électriques et aux pipelines de gaz.

Renouvelables dans les transports
La directive garde la très polémique cible spécifique des renouvelables dans les transports (10% du total pour 2020), mais cette cible ne concerne pas exclusivement les agrocarburants, mais également les trains véhicules électriques et à l’hydrogène alimentées avec de l’électricité renouvelable. Ces sources d’énergie avec les agrocarburants produits sur base des déchets agricoles et des produits agricoles non alimentaires feront l’objet d’incitants spécifiques. La cible de 10% et ses mécanismes de mise en œuvre feront l’objet d’une révision en 2010 en tenant notamment compte de l’impact social et environnemental ainsi que l’impact des agrocarburants sur l’accès aux denrées alimentaires. En cohérence avec les dispositions de la directive sur les énergies renouvelables le Parlement a également adopté une directive portant sur la qualité des carburants qui établit notamment les normes relatives à la réduction de 10% des GES produits pendant le cycle de production des carburants utilisés dans les transports dans l’horizon de 2020.

Par comparaison avec la gazoline les agrocarburants devront entraîner un niveau d’émissions de CO2 inférieur de 35% initialement pour atteindre 50% en 2017 et de 60% pour les nouvelles installations. Les verts ont réussi à renforcer de manière significative les critères de soutenabilité de manière à y inclure notamment, des critères portant sur des zones no-go, les zones humides, ainsi que l’utilisation indirecte des surfaces pour cause des effets de déplacement relatifs à l’augmentation des terres nécessaires à la production des agrocarburants. La Commission devra présenter à cet effet en 2010 un rapport portant sur la méthodologie de prise en compte de ces usages indirects.

Le PE a également adopté la directive reformant le système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour la période allant de 2013 à 2020 de manière à mettre en œuvre l’engagement unilatéral de l’UE de réduire de 20% ses émissions de GES en 2020 par rapport au niveau de 1990. La législation rappelle l’engagement de porter ce niveau à 30% en cas d’accord international. La directive assigne 2/3 de cet objectif global aux secteurs couverts par le système ETS qui représente environ 45% des émissions totales de l’UE. Parmi les éléments repris par le texte de compromis entre Conseil et Parlement il y a lieu de souligner :

 la mise en place d’un système d’allocation harmonisé et un plafonnement total pour les quotas pour les secteurs couverts par l’ETS

 la poursuite du chemin de réduction des quotas après 2020 et une révision du facteur linéaire de révision après 2025

 le principe d’une mise eux enchères pour l’ensemble du secteur de l’énergie dès 2013. Le Conseil a cependant inscrit dans la directive une dérogation pour les dix nouveaux Etats membres pour lesquels le principe de mise aux enchères intégrale ne prendra effet qu’en 2020.

 le principe d’une transition vers une mise aux enchères totales pour le secteur. Toujours est-il que le Conseil a réussi à imposer une définition du concept de risque significatif de délocalisation (fuite de carbone) qui en pratique une pratique très significative des entreprises recevra des quotas gratuits (96% des émissions hors secteur énergétique) jusqu’à la conclusion d’un accord international.

 Jusqu’à 50% des réductions des émissions de GES pourront être délocalisées moyennant l’achat des crédits via le mécanisme du développement propre.

 la directive consacre le principe selon lequel au moins 50% des recettes de la mise aux enchères des quotas devraient être alloués à des actions d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques. La demande des Verts visant à verser une partie de ces recettes au Fonds d’adaptation du protocole de Kyoto n’a toutefois pas été retenue.

Malgré les affaiblissements de la directive que le Conseil a réussi à imposer au Parlement, le groupe des Verts a voté favorablement cette directive car elle représente une amélioration significative bien qu’insuffisante par rapport à la situation actuelle.

En revanche, la législation sur le partage de l’effort en dehors du système ETS (comprenant en particulier les secteurs des transports et de l’immobilier) ainsi que les directives sur les émissions de CO2 des voitures et la directive sur la capture et le stockage de CO2 ont été rejetées par le groupe des Verts car les compromis dégagés sont trop éloignés des mesures nécessaires dont l’UE devrait se doter pour amorcer la transition écologique.

La décision portant sur le partage de l’effort des réductions des GES hors système ETS établit une cible contraignante en matière de réduction des émissions des secteurs non couverts par le système ETS (dont les transports et logements), d’au moins 20% (30% en cas d’accord international, ce qui nécessite toutefois l’adoption d’une nouvelle législation) par rapport aux niveaux de 1990 avec des cibles intermédiaires annuelles contraignantes. Des proposition complémentaires devront être faites en 2016 de manière à porter la réduction à -80% en 2050. Malgré ces avancées, les dispositions de la directive prévoient que les réductions pourront être délocalisées moyennant l’achat des crédits à l’extérieur de l’UE jusqu’à 80% des réductions des émissions requises. Cette délocalisation permet aux pays riches de poursuivre leur modèle insoutenable de développement aux dépens des pays pauvres. C’est la raison principale pour laquelle les Verts ont voté contre le texte de compromis négocié.

En ce qui concerne le règlement sur les émissions de CO2 des nouvelles voitures les verts n’ont pu que voter contre un texte qui retarde de manière significative les efforts de l’industrie de l’automobile en matière de réductions des émissions de CO2 : puisque en 2012 la moyenne des émissions permises pour les voitures seront du même ordre voir, légèrement supérieures aux plafonds actuels. Les pénalités financières sont également fortement retardées si bien que les plafonds fixés pour 2020 (95g/km) semblent difficilement atteignables vu les licences importantes qui sont concédés au secteur dans l’intervalle.

Bien que la directive sur la capture et le stockage de carbone fixe un cadre légal pour ces activités prévoyant notamment un volume de quotas disponible pour le financement des technologies innovantes de capture et stockage de carbone. Contrairement aux préconisations des verts cette législation n’inclut pas des dispositions qui fixent des plafonds aux émissions pour de nouvelles centrales énergétiques.

A l’issue du vote sur ces six textes législatifs, les Verts européens se sont félicités de l’action du groupe des Verts durant tous les mois de négociation et plus particulièrement le travail déterminant des rapporteurs verts Satu Hassi et Claude Turmes qui ont joué un rôle décisif pour aboutir au meilleur résultat possible compte tenu des rapports de force existant au sein du Conseil des ministres et du Parlement.

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