Le 14 octobre 2012, les citoyens belges seront invités à voter pour les élections communales. Des milliers de candidats se présenteront sur les listes électorales pour recueillir les suffrages des habitants de leur commune. Ils sont candidats pour devenir conseiller ou conseillère[[On utilisera, dans la suite du texte, « conseiller » qualifier le conseiller et la conseillère communale

]] communal. Mais à quoi au juste s’engagent-ils ? Quel est le rôle d’un conseiller communal qui n’est pas membre du college[[Le collège communal, c’est le « gouvernement » de la commune. Le bourgmestre est le responsable de la commune. Les autres membres du Collège sont les échevins. Le bourgmestre et les échevins se répartissent les compétences communales : un s’occupe du logement, une autre de l’action sociale, etc.

]] ?

Le conseiller communal siège donc au Conseil communale[[Le Conseil communal, c’est le « parlement » de la commune. Il rassemble les élus lors des élections communales. Il se réunit en général une fois par mois, en soirée et en public.

]]. Il ou elle a pour mission de veiller à ce que la commune offre aux citoyens des services qui satisfont leurs besoins et ce, de la manière la plus efficiente possible. Dans cette perspective, il a principalement pour rôle de :

  • donner à l’exécutif les moyens de travailler (vote du budget) ;
  • contrôler l’exécutif, notamment en contrôlant sa méthode de travail (vote des cahiers des charges) et les moyens qu’il utilise (vote des comptes) ;
  • inciter l’exécutif à mettre en œuvre des actions nouvelles (motions) ou à utiliser des méthodes alternatives.

A ces trois aspects, on peut ajouter un quatrième aspect, plus ambigu : la représentation des intérêts de ses électeurs. Certains estiment que le conseiller doit protéger les intérêts du groupe qui l’a élu et donc le groupe qu’il croit représenter. Les votes dits ethniques ou les listes de quartiers[[Sur le territoire d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, on a connu une liste LLN, dont la philosophie était: « I want my money back »,

]] sont très illustrations typiques de cette conception de la représentation des inérêts. Celle-ci se révèle néfaste dans la mesure où elle substitue des intérêts particuliers à l’intérêt général et où elle privilégie le rapport de force, souvent au détriment des plus faibles. Elle renforce le risque de rapport clientéliste et de prise d’otage de l’élu par son « soi-disant » électorat, ce qui le prive de marge de manœuvrer pour apprécier l’intérêt général. Cette conception a néanmoins le mérite de rappeler que les intérêts sont divers et qu’il faut tous les prendre en considération lors de la prise des décisions.

Enfin, le conseiller peut aussi assumer des tâches d’animation politique. Il est là pour porter la voix des électeurs qui ont approuvé un projet politique en portant leurs suffrages sur son nom et sur sa liste. Il est là pour expliquer comment une vision du monde se transforme en actions et, inversement, comment des actions répondent à une vision du monde.

En Conseil communal

Pour rappel, le rôle du Conseil communal est de voter les règlements de la commune, les propositions de la majorité et de l’opposition, le budget de la commune, etc. Il contrôle le collège communal. Mais qu’en est-il plus précisément des rôles du conseiller communal ?

Durant le conseil communal, les élus agissent sur plusieurs plans selon qu’ils sont dans la majorité ou dans l’opposition comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Rôle Majorité Opposition
Donner des moyens à l’exécutif OuiLes conseillers sont sensés voter le budget préparé par le Collège. NonLa minorité n’est « en principe » par d’accord avec la vision du monde de la majorité, donc refuse qu’elle ait les moyens de la réaliser.
Contrôler l’exécutif Non[[On parle ici d’un exécutif qui fonctionne normalement (rationnellement, honnêtement…).]]L’exécutif a besoin de travailler dans un climat de confiance, d’être soutenu par sa majorité. Les conseillers sont sensés soutenir l’exécutif, lui faire confiance. Tout « contrôle » peut être perçu comme de la défiance. Surtout si un conseiller d’un parti contrôle un échevin d’un autre parti : cela peut entraîner de la suspicion inter-parti. OuiLa minorité doit un peu jouer les trouble-fête et dénoncer les dépenses excessives, les petits abus, ce qu’elle estime être des erreurs de gestion.Notons qu’on parle d’un contrôle politique surtout et moins d’un contrôle légal ou de corruption, pour lequel d’autres instances existent.
Inciter l’exécutif Oui, maisIl peut faire des propositions… dans la mesure où l’échevin en charge du dossier est d’accord. Sinon, l’intervention sera perçue comme une critique de l’échevin. Oui.Il doit régulièrement faire des propositions, pour tenter de modifier les actions de la majorité et essayer que les actions correspondent davantage à sa vision du monde.
Représenter des intérêts particuliers Non sauf si / Oui maisNon, sauf si l’échevin est d’accord qu’on rappelle que tel groupe n’a pas été oublié. Oui mais Dans la mesure où des intérêts particuliers peuvent amener plus facilement à réaliser sa vision du monde.
Animer politiquement Oui, maisOui, si sa parole promeut la vision politique de l’ensemble[[Ce papier n’explore pas les nuances : il ne s’agit pas de se situer toujours au plus petit commun dénominateur, mais d’être suffisamment consensuel et de laisser la place à des nuances qui ne paraissent pas rédhibitoires.]] des partis en majorité. OuiIl s’agit de sa fonction principale : exprimer et ré-exprimer qu’une autre vision du monde est non seulement possible mais aussi préférable.[[On parle ici des dossiers politiques, pas des dossiers purement techniques, sans vision politique, que la minorité vote positivement. Ces dossiers font la majorité des points du Conseil, mais sont très rapidement passés.]]

Schématiquement, pendant les réunions du conseil communal, le rôle d’un conseiller communal :

  • de la minorité est assez clair : il est là pour exprimer une autre vision du monde, pour proposer des alternatives et refuser les propositions politiques qui ne correspondent pas à son projet. Il est aussi là pour contrôler le college du bourgmestre et des échevins. l’objectif de ce contrôle politique étant de démontrer qu’en plus d’avoir une mauvaise vision, l’exécutif fait mal son travail. Bref, qu’aux prochaines élections, choisir la minorité, c’est la garantie de bénéficier de meilleures idées et de meilleurs représentants.  « Tout un programme ! » ;
  • de la majorité est tout aussi limpide, mais nettement moins fourni et moins passionnant: il est là pour soutenir le collège, pour le valoriser, pour expliquer, à sa façon, comment le collège a bien mis en œuvre la vision du monde. Il ne propose quelque chose que si l’exécutif est d’accord. Il connaît ses votes à l’avance : toujours « pour ». Qui a dit « faire valoir » et « presse bouton » ? Il n’a pas même la possibilité d’aider à porter des projets. Tout au plus, certains conseillers, qui ont l’avantage d’être présents dans d’autres exécutifs (ASBL communales, intercommunales…) peuvent-ils évoquer le déroulement de leur mandat en conseil. Par conséquent, il ne faut pas espérer avoir souvent les honneurs de la presse[[La plupart du temps, quel que soit le sujet, quand le conseiller de la majorité s’exprime en conseil, ses propos ne sont pas repris dans la presse. La presse retient surtout les passes d’armes et reprend les mots des échevins, qui sont généralement plus précis que ceux des conseillers.

]].

Le reste du temps

Lorsqu’il n’est pas sur les bancs du Conseil communal, qu’est-ce que les élus peuvent-ils faire ? Un conseiller ne peut-il pas aider l’exécutif ? Ne peut-il pas aider un échevin à monter un dossier, par exemple ?

Rôle Majorité Opposition
Aider un membre du collège Non,C’est, en principe, partiellement possible, mais, en pratique, irréalisable, voire non souhaitable, car :

  • le temps de réaction d’un conseiller n’est pas le même que celui d’un échevin et les dossiers ne peuvent attendre ;
  • un conseiller ne peut donner d’ordre à l’administration, ce qui le prive d’outils essentiels pour travailler convenablement ;
  • qui dit travail sur le même sujet dit possibilité de visions différentes, donc de conflit.
Non La minorité n’est, « en principe », par d’accord avec la vision du monde de la majorité et, donc, refuse d’aider le collège[[Ici encore, ce papier manque de nuance. On voit souvent des unions sacrées « pour la commune » « contre un ennemi extérieur ». Par ennemis extérieurs, on entend, par exemple, d’autres communes, en compétition pour obtenir des subsides, un centre sportif, des policiers…]]. Ceci peut cependant être nuancé[[Un conseiller de la minorité peut parfois aider un échevin en proposant une solution ou un projet. C’est rare, mais ça ne doit pas être exclu quand la démocratie fonctionne bien et que les rapports humains sont bons. Cela peut être un gage de bonne intégration et de future participation du groupe de la minorité…]].

En définitive, il est préférable que le conseiller de la majorité n’essaie pas de s’immiscer sur le terrain balisé par les compétences des échevins. Néanmoins le conseiller communal dispose d’un espace politique pour influer sur le processus décisionnel de sa commune. Cet espace est à la fois étroit et glissant. En effet, le conseiller communal peut permettre au collège de prendre du recul.

Le conseiller peut remplir ce rôle en participant aux différentes réunions de préparation des dossiers[[A OLLN, la réunion de préparation du conseil (appelée « Calli ») rassemble la majorité entre la date de réception de l’ordre du jour du conseil et celle de la réunion du conseil. L’ordre du jour étant bouclé et les dossiers étant déjà en consultation, les conseillers n’ont plus d’influence sur les dossiers. Ils peuvent néanmoins encore influencer la présentation qui en sera faite.

]] et en donnant son point de vue lors de l’analyse politique des différentes configurations politiques. Par des réflexions, la mise en évidence de « signaux faibles », des témoignages, des analyses, etc., le conseiller aider le collège à « lever la tête du guidon » et à « voir les choses » différemment. Il peut aussi lui proposer/suggérer des alternatives.

En outre, le conseiller peut également organiser/participer à des mises au vert. Ces rencontres permettent d’envisager la gestion communale à plus long terme. C’est à cette occasion que l’on peut revisiter les objectifs et les plans d’actions. C’est là aussi que le conseiller peut encourager le collège à tenir compte de l’une ou l’autre problématique qui lui tient à cœur. Néanmoins, cette démarche requiert la plus grande prudence. En effet, le conseiller doit veiller à soutenir d’abord le programme de la majorité, puis le programme de son parti d’où l’importance d’une négociation postélectorale bien menée[[Il faut d’abord soutenir ce que les membres de son parti veulent. Mais ce dernier point est un peu théorique, car « les membres » sont en général très peu au fait des affaires communales.

]]. Toutefois, tout n’est pas dans le programme : les points ne sont pas toujours définis de manière précise et de nouvelles situations apparaissent systématiquement en cours de mandature. Concrètement, le conseiller peut profiter des relatives imprécisions de l’accord de majorité pour renforcer la dimension social et/ou environnementale d’une mesure. Dans ce cas, le conseiller peut rédiger une petite note, la soumettre au groupe des conseillers du parti[[A OLLN, les conseillers Ecolo se concertent environ tous les mois en réunion qui porte le nom de « G11 ».

]] et, si celui-ci est d’accord, la proposer au groupe de la majorité[[A OLLN, c’est le Calli

]].

Par ailleurs, le conseil communal peut contribuer au bon fonctionnement du groupe de conseillers de la majorité. C’est un groupe humain, qui nécessite d’être géré comme tout groupe humain, afin qu’il puisse se construire, se nourrir et vivre. Le conseiller est un pion central et peut œuvrer à la dynamique collective en proposant, par exemple, des sujets de réflexion/discussion ou des activités : rencontre, balade, mise au vert.

Et c’est probablement au-delà du périmètre strictement communal que le conseiller peut être le plus efficace. En effet, il sera sollicité pour représenter la commune dans des intercommunales, des asbl, etc. Dans ces différentes instances, le conseiller pourra proposer de nouvelles idées, et s’il est administrateur, veiller à ce qu’elles soient appliquées. Mais, pour exaltant que cela puisse paraitre, il faut se souvenir que ce sont souvent des dossiers techniques, que les budgets manquent, qu’il y a d’autres administrateurs qui n’ont pas nécessairement la même idée de ce qu’il faut faire. Intercommunales et asbl sont aussi des endroits politiques.

« Exister » en tant que conseiller communal de la majorité

Il n’est donc pas facile pour un conseiller communal de la majorité d’exister sur le plan politique. Pour trouver un espace politique épanouissant, le conseiller communal de la majorité peut donc :

  • monter des projets que le collège ne compte pas monter lui-même, ce qui n’est pas aisé (il faut d’abord pouvoir trouver un tel projet, puis être en mesure de le gérer);
  • écrire des articles pour le bulletin communal;
  • proposer des procédures, des dossiers, (ce faisant, le conseiller peut se sentir reconnu comme un élément positif du système « majorité »).

On peut conclure de ce qui précède qu’un conseiller de la majorité doit être une personne positive, qui valorise le collège, aide celui-ci à prendre du recul, en donnant son point de vue, et aide à faire fonctionner le groupe des conseillers de la majorité. Il produit donc peu de résultats concrets, sauf s’il gère un dossier dont ne s’occupent pas le collège (ni l’administration) ou s’il s’investit dans des mandats dérivés. Il peut également faire de l’animation politique[[Aller à la rencontre, faire remonter des préoccupations, organiser des réunions, participer à la vie locale…

]], avec plus de légitimité qu’un autre militant de son parti.

Hadelin de Beer de Laer

Conseiller communal Ecolo à Ottignies-LLN

Louvain-la-Neuve, le 19 février 2012

hadelindebeer@skynet.be

www.hadelindebeer.be

Annexe : références sur Internet

2Canada (http://electionsmunicipales.gouv.qc.ca/decouvrir/deco_role.php)2

« Le rôle principal du conseil municipal est de s’assurer que les services offerts répondent aux besoins de votre communauté [de la manière la plus efficiente possible : ajout HdB]].

Quel est le rôle des élus? Conseillère ou conseiller

Plusieurs fonctions des conseillères ou conseillers influencent des décisions importantes pour votre milieu.

En plus d’assister aux assemblées du conseil et d’y faire valoir les intérêts de votre communauté, les conseillères ou conseillers peuvent éclairer le conseil sur des sujets particuliers. Ils peuvent en effet être nommés à des commissions ou à des comités, ou encore se voir confier des dossiers qu’ils devront approfondir afin de soutenir le conseil dans ses décisions.

Les conseillères et les conseillers ont l’obligation de voter à chaque proposition débattue lors des assemblées du conseil, sauf s’ils sont en situation de conflit d’intérêts. »

[->http://electionsmunicipales.gouv.qc.ca/decouvrir/deco_role.php]

2France – Sermoise-sur-Loire (www.sermoise-sur-loire.com/pouvoirscm.htm)2

« Le rôle des conseillers municipaux consiste à travailler dans les divers commissions et syndicats, et débattre des projets qui leur sont présentés. Les propositions sont soumises au Conseil Municipal qui doit voter. L’adoption est acquise lorsque plus de 50% des votes sont positifs. Ces décisions prennent alors l’appellation de ‘délibérations du Conseil Municipal’.

La décision la plus importante que doivent prendre les Conseillers Municipaux dans une année est le vote du budget, préparé par le Maire et les adjoints, assistés du secrétaire général de la mairie ou des techniciens financiers.

Les Conseillers Municipaux ont un rôle essentiel dans la vie de la commune puisqu’ils décident, par leur vote en conseil, des orientations et de la politique de la municipalité, impulsées par le Maire. »

2Région wallonne (www.uvcw.be/articles/4,23,3,0,2122.htm)2

La région a édité un guide dans lequel les droits des conseillers sont exprimés, mais pas leur rôle. Ces droits sont : droit de regard, de poser des questions, de consultation [droits nécessaires pour exercer un contrôle], d’initiative, de mettre des points à l’ordre du jour des conseils [droits nécessaires pour faire des propositions]…

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