Dans l’engrenage de la globalisation

Introduction

Puisque le thème de l’élevage intensif est central dans le sujet abordé par la suite, il est nécessaire de définir la nature de ce type d’élevage. Il s’agit en fait d’un élevage dont les animaux reçoivent une alimentation qui leur permet de réaliser de hautes performances zootechniques (forte production laitière, croissance forte et rapide) dans le but d’augmenter les rendements. Ceux-ci le sont lorsque le nombre d’animaux devient de plus en plus importants sur une exploitation. [1]

Plus précisément, « l’élevage intensif est basé sur :

  • la sélection des sexes et des espèces les plus productives,
  • la concentration des animaux dans des lieux clos,
  • l’étroitesse de l’espace par animal et la pauvreté de l’habitat des animaux (absence de paille, de sol à explorer),
  • la croissance des animaux accélérée pour améliorer la productivité,
  • l’insémination perpétuelle des truies et vaches pour assurer la continuité du système. » [2] L’abattage des animaux destinés à notre consommation de viande représente 65 milliards d’animaux tués chaque année, c’est-à-dire plus de 280 milliards de kilos (vs. 44 milliards en 1950) selon la FAO. [3] La consommation de viande ne devrait faire qu’augmenter dans les années à venir et cela principalement dans les pays en voie de développement. La FAO prévoit 110 milliards d’animaux tués chaque année en 2050. [4]

En ce qui concerne la part que représente l’élevage intensif, en Europe 80% des animaux d’élevage sont issus d’élevages intensifs. En Belgique, plus de 300 millions d’animaux sont tués chaque année pour l’alimentation et 9o% des animaux consommés proviennent de l’élevage intensif. [5] Une écrasante majorité d’animaux de ferme passent donc leur vie en élevage intensif.

Dans les sections qui vont suivre nous aborderons d’abord les conditions d’élevage des principaux animaux de ferme avant de nous pencher sur les alternatives d’élevage possibles. Ensuite, les raisons d’être de l’élevage intensif seront analysées. La dernière partie propose des solutions permettant de garantir le bien-être animal en élevage. Cette dernière partie ne se veut pas exhaustive ni figée mais propose des pistes afin de nourrir la réflexion au sujet du bien-être animal en élevage.

-*Zoom sur l’élevage en Belgique

Pour une meilleure vue d’ensemble du secteur de l’élevage belge, le tableau ci-dessous reprend le nombre d’animaux abattus ces dernières années en Belgique et dans chacune des régions.
De par sa faible activité d’élevage, la Région Bruxelles-Capitale a été agrégée à la Région flamande.

 [6]

Dans de nombreuses régions du monde, dont la Belgique, la taille des exploitations a augmenté au fur et à mesure des années afin de pouvoir intensifier la production. Les exploitations sont donc plus grandes et moins nombreuses, souvent mieux placées pour profiter des économies d’échelle que permettent notamment la génétique moderne, les aliments composés ou une gestion industrielle. [7]

Pour faciliter l’accès aux aliments importés pour les animaux d’élevage, les exploitations ont tendance à se regrouper autour des zones portuaires. Ceci explique que la Flandre concentre plus de 90 % des élevages belges, produisant dès lors plus de 200 % de nos besoins en viandes de porcs et volailles. Cette concentration a conduit à une hyperspécialisation des élevages, organisés sous forme de filières verticales (de l’alimentation animale à l’abattoir). Ce développement sans lien avec le sol a entrainé de fortes pollutions, ce qui s’est traduit en Flandre par une obligation de réduire la production. Afin de maintenir leur volume de production, les filières existantes se sont alors tournées vers la Wallonie afin de compenser la diminution de production en Flandre. Ainsi, les agriculteurs wallons sont fortement sollicités par ces filières de l’élevage industriel. [8]

-*L’élevage intensif : quelle réalité pour les animaux ?

Cette section se penche sur les conditions d’élevage des principaux animaux de ferme (en termes de nombre) en élevage intensif.

Poulets de chair et poules pondeuses

En élevage intensif, deux types de poules coexistent : les poules pondeuses et les poulets de chair. Ces derniers sont, au regard de l’ensemble des animaux tués chaque année au niveau mondial pour la production de viande, les plus nombreux à être abattus. [9] Les poulets de chair sont une souche sélectionnée pour leur croissance rapide. Durant les 42 jours (âge d’abattage) passés dans un bâtiment surpeuplé, le poulet grossit de manière tellement disproportionnée que les articulations ne peuvent soutenir son propre poids. En conséquence, les animaux souffrent de graves boiteries et restent couchés au sol. De plus, l’ammoniac engendré par leurs déjections leur provoque de graves brûlures et abcès aux pattes et au bréchet. Une partie des animaux meurt de problèmes cardiaques, pulmonaires et intestinaux avant leur âge d’abattage. Dans les hangars, les poulets peuvent être entassés à 23 par mètre carré, voire plus. Pourtant, selon les études scientifiques, pour éviter un tant soit peu la souffrance animale, il faudrait idéalement limiter la concentration à 11 animaux/m². [10] En raison de ce confinement, les poulets sont souvent amputés d’une partie du bec avec une arme chauffée à blanc afin d’éviter qu’ils ne s’entre-dévorent. Pour éviter que les conditions insalubres ne provoquent des maladies qui se rependraient rapidement dans les hangars, des antibiotiques sont ajoutés à l’eau et à la nourriture des gallinacés. [11]

En ce qui concerne les poules pondeuses, la majorité d’entre elles vit dans des élevages en cages de 750cm² (un peu plus qu’une feuille de format A4), alors que l’espace nécessaire à une poule pour étendre ses ailes est de 1876 cm2. L’aménagement trop rudimentaire des cages provoque des frustrations et des anormalités du comportement : stress, agressivité, picage, cannibalisme ou automutilation. [12] Les poules pondeuses pondent aujourd’hui près de 300 œufs par an (Filières avicoles, 2015) contre une quinzaine lorsqu’elles vivent à l’état sauvage. [13] Notons également que les poussins mâles issus de la souche des poules pondeuses sont généralement tués juste après leur naissance car ils ne grandissent pas assez vite pour pouvoir produire de la viande à prix bas. [14]

Cochons

En Belgique, 90 % des 11 millions de cochons sont élevés sur caillebotis en bâtiments. [15] Ce sol permet l’évacuation rapide des déjections animales, mais les cochons entassés (un animal de 110 kg dispose d’un mètre carré) y passent toute leur vie sans accès à l’extérieur. [16] Les truies sont parquées dans des « cases de gestation » pendant les quatre premières et la dernière semaine de gestation. Dans ces stalles métalliques individuelles, elles souffrent d’abcès, d’ulcères et de déformations des pattes et des pieds dus à l’espace confiné qui les empêche de bouger et parfois de se coucher. De plus, afin d’accroître leur fertilité, elles sont privées de nourriture à intervalles réguliers. Les frustrations conduisent les truies à des comportements stéréotypés, comme mâchonner continuellement les barreaux de leur cage. [17] Grâce à la sélection génétique, les truies mettent bas chaque année bien plus de porcelets qu’elles ne le feraient dans la nature. [18] Ses mamelles résistent mal à cet excès de sollicitations, au point que pour éviter les blessures, s’est généralisée la section à la pince ou le meulage des dents des porcelets. D’ennui, ces derniers ont pris l’habitude de grignoter la queue de leurs congénères, ce qui a conduit à généraliser la pratique de l’amputation à vif des queues. À cela s’ajoute la castration à vif des porcelets, visant à éviter un éventuel goût trop prononcé à la viande. [19] Après la mise bas, les porcelets sont retirés à leurs mères précocement trois à quatre semaines après leur naissance alors que dans la nature, les porcelets tètent leur mère jusqu’à l’âge de 13-17 semaines. [20]

Truie en stalle individuelle [21]

Bovins

Les bovins ont généralement accès à l’extérieur bien que certains passent leur vie en stabulation. Cependant, ils sont aussi victime de l’élevage intensif. En effet, l’élevage intensif a recours à l’élevage sélectif pour produire de grandes quantités de viande, lait et œufs à prix bas. Certains bovins sont élevés pour leur viande et d’autre pour leur lait. La vache à lait produit en effet 10 fois plus de lait que ce dont son veau a besoin. Dès lors, ce dernier lui est retiré peu après la naissance afin que les humains puissent boire son lait. La traite n’a lieu que 2 à 3 fois par jour et entre-temps, elle peut devoir porter plus de 15 litres de lait. Beaucoup de ces vaches peuvent avoir des difficultés pour se lever ou marcher. On estime que 30- 60% des vaches à lait souffrent de boiteries. Les veaux de sexe masculin des vaches à lait sont généralement tués juste après leur naissance parce qu’ils ne produisent pas autant de viande que les vaches à viande. [22]

Lapins

Le lapin est le 2ième animal le plus élevé au monde, derrière le poulet de chair ; ce qui donne une idée de l’important nombre de lapins en élevage. En France, par exemple, ce sont 37 millions de lapins qui sont confinés dans des cages grillagées hors-sol, dépourvues de tout aménagement. Ces lapins doivent vivre sur la surface d’une feuille A4, ce qui les empêche d’exprimer leurs comportements naturels. Les cages grillagées leur procure inconfort et blessures aux pattes. Les lapins en élevage intensif sont sélectionnés pour leur croissance rapide et atteignent leur âge d’abattage à 70 jours. Les mises-bas des femelles s’enchainent et celles-ci sont inséminés 11 jours après leur mise à bas. La nourriture des lapins est supplémentée en médicaments, notamment de nombreux antibiotiques. Pourtant, en moyenne 27% des lapins meurent avant d’atteindre l’âge d’abattage. [23]

-*Alternatives possibles

Après avoir passé en revue les conditions d’élevage des principaux animaux en élevage intensif, cette section propose des conditions d’élevage respectueuses du bien-être animal pour chaque catégorie d’animal.

Pour commencer et de manière générale, afin de respecter le bien-être animal, il faut donner à ces derniers l’espace et le temps qui leur est nécessaire pour se développer correctement.

En ce qui concerne le bien-être des poules et poulets, il faudrait leur donner l’espace nécessaire et un environnement leur permettant d’exercer leurs comportements naturels : bain de poussière, lissage de plumes, isolement pour pondre, couvaison… [24] C’est-à-dire que les volailles devraient avoir accès à l’extérieur, être moins nombreuses et que les poules pondeuses ne devraient pas être maintenues en cage, mais avoir une grange à leur disposition pour pondre. La durée de vie des volailles serait également prolongée, comme c’est par exemple déjà le cas des poulets du Label Rouge qui vivent 81 jours au lieu de 42. [25]

Pour les cochons, les alternatives aux mutilations subies existent : étant donné que les cochons et les truies sont des animaux fouisseurs, ils devraient disposer d’espace et d’un environnement enrichi par de la litière ou de la paille. Cette mesure empêcherait l’ennui et mettrait donc un terme aux morsures entre animaux et à la nécessité de couper queues et dents. Elle apaiserait également le stress des truies au moment de la mise bas, lorsqu’elles cherchent à construire un nid. [26] Une étude a d’ailleurs établi que dispenser les truies de leurs stalles et leur permettre de vivre en groupe ne couterait qu’environ 1$ de plus par an à l’acheteur de viande de porc. [27] Les cochons devraient pouvoir vivre en petits groupes et les porcelets rester plus longtemps aux côtés de leur mère. [28]

Concernant le bien-être des bovins, un élevage à l’herbe en plein air se rapproche le plus de leur milieu naturel. Les veaux ne seraient pas retirés à leur mère quasiment après la naissance mais passeraient environ huit mois au pâturage avec elle. [29] Si l’on élève des vaches à lait, il faut les traire suffisamment régulièrement pour qu’elles n’aient pas à supporter un poids trop lourd. Les veaux des vaches à lait devraient être autorisés à se développer pour produire la viande qu’ils peuvent et non tués à la naissance.

Au sujet des lapins, ceux-ci sont des animaux sociaux qui, dans des conditions naturelles, vivent en groupes et creusent des terriers. Ils aiment courir, bondir et ont aussi besoin de matériaux à ronger pour limer leurs dents, comme des arbustes ou buissons. Une alternative à l’élevage en cage consiste dès lors à élever les lapins dans des enclos mobiles de prairie quotidiennement déplacés, des parcs clôturés ou encore des bâtiments avec un accès à un parcours extérieur herbeux. L’âge d’abattage pourrait être différé, comme c’est déjà le cas en Label Rouge avec 91 jours et 100 jours minimum en bio. [30]

  • Concurrence mondiale, moteur de l’élevage intensif Si l’on veut parvenir à assurer les conditions d’élevage décrites ci-dessus, il faut parvenir à sortir du système d’élevage intensif. Pour cela, il est d’abord nécessaire de comprendre pourquoi l’élevage intensif tel quel nous le connaissons aujourd’hui existe ? L’on pourra en effet mieux soigner les symptômes si l’on en connait les causes.

Un constat se pose d’entrée : dans le système actuel, les agriculteurs vendent régulièrement à perte sur un marché agricole nullement régulé. Un exemple frappant est celui du lait : son prix est déterminé par des cours d’échanges mondiaux impliquant les néo-zélandais et les chinois alors que plus de 90 % de la production est commercialisée régionalement. Ce système ne survit tant bien que mal que grâce à la prise en charge de quasiment 80 % des revenus des agriculteurs par les primes de la Politique Agricole Commune. La crise actuelle résulte en fait de la dérégulation des marchés agricoles voulue par la Commission Européenne et de la mise en concurrence des productions alimentaires sur des marchés mondiaux. [31] En effet, l’Europe ne se contente pas de mettre les paysans des pays membres de l’Union en concurrence mais elle a aussi donné d’importantes facilités aux pays tiers pour vendre leurs produits agricoles en Europe. [32] Retenons donc que les éleveurs et agriculteurs européens font face à une concurrence mondiale.
La globalisation du marché agricole pousse dès lors les agriculteurs dans une course aux meilleurs rendements afin de pouvoir être compétitif. Cette course est le moteur sous-jacent de l’élevage intensif : au plus l’on veut augmenter les rendements d’une exploitation, au plus l’on va intensifier/industrialiser l’élevage. Dans cette optique, les éleveurs ne sont pas perçus comme source de l’élevage intensif, mais plutôt comme des victimes prises dans l’engrenage d’un système de concurrence mondiale effrénée.

-*Alors, que faire et comment ?

Il y a deux manières de parvenir à garantir le bien-être animal dans l’élevage. L’une se joue sur le long-terme, l’autre peut déjà être effective dans le court ou moyen-terme.

Pour garantir le bien-être animal en élevage, il faut, comme déjà mentionné, leur consacrer l’espace et le temps nécessaire à leur épanouissement. Mais cela n’est possible que si nous décidons d’élever moins d’animaux et donc de diminuer notre consommation de viande.

Comment parvenir à cela ? Pour changer nos habitudes de consommation, il faut changer nos mentalités. Ce changement ne peut se produire du jour au lendemain mais doit passer par l’éducation, des campagnes de sensibilisation à la souffrance animale en élevage intensif et un changement de conviction de la part de l’ensemble de la société. Ce n’est donc vraisemblablement que sur le long-terme que ce changement pourra avoir lieu. Cependant il est également possible d’agir à court-terme par le biais de réglementations prises par les pouvoirs publics. Compte tenu du contexte de concurrence mondiale sur les marchés agricoles, des réglementations prises au niveau européen semblent une échelle plus adaptée qu’au niveau fédéral belge. Dans ce qui va suivre ci-dessous, il sera surtout question des moyens pour le court et moyen terme, cependant il est important de mettre les moyens pour le long-terme simultanément en place. En effet, la transition vers un nouveau mode d’élevage sera d’autant plus douce grâce à ce travail de fond.

Les réglementations que l’UE devrait mettre en place afin de garantir le bien-être animal en élevage sont les suivantes :

  • Des aides européennes à la reconversion des élevages intensifs en élevages permettant le bien-être animal (élevage extensif)
  • Des aides européennes permettant de combler une partie du manque à gagner des éleveurs après reconversion
  • Mise en place d’une commission d’experts définissant les normes de bien-être animal à respecter dans les élevages Puisque l’UE n’est pas directement compétente en matière de fiscalité, voici les réglementations que les Etats membres de l’UE devraient mettre en place sur leur territoire en se coordonnant [33] :
  • Un système de taxation des élevages intensifs, suivant leur degré d’industrialisation
  • Une taxe sur l’importation de produits provenant d’élevages intensifs de pays hors UE Plus précisément, voici comment ce système fonctionnerait : les éleveurs européens pratiquant l’élevage intensif auraient le choix entre être taxés sur leur activité d’élevage (au plus leur élevage est industriel et néglige le bien-être animal, ce qui serait établi par la commission d’experts, au plus ils seraient taxés) ou profiter d’une aide européenne qui couvrirait leurs frais de reconversion vers un élevage extensif dont les normes de bien-être animal seraient définies par la commission d’experts. Si l’éleveur décide de se reconvertir, ce qui sera plus intéressant financièrement pour lui, il élèvera moins d’animaux et vendra donc moins de viande/produits de provenance animale. En conséquence, il devra augmenter le prix de ses produits afin de dégager un bénéfice. Les supermarchés devront donc acheter de la viande plus chère et la revendre également plus chère au consommateur afin de dégager eux-aussi un bénéfice. Cependant, aucun de ces trois acteurs ne verrait de différence significative pour son portefeuille. En effet, d’une part l’UE prendrait en charge une partie de l’augmentation du prix de la viande en permettant ainsi à l’éleveur de vendre sa viande aux supermarchés un peu moins chère que le coût réel de production et d’autre part, le consommateur final consommerait moins de viande et ne dépenserait donc pas beaucoup plus qu’avant. De plus, l’éleveur serait assuré que sa viande serait vendue car elle ne serait pas soumise à la concurrence d’une viande moins chère produite en élevage intensif. En effet, la taxe sur les élevages intensifs européens rendra leur viande plus chère que celle des élevages extensifs et en ce qui concerne les importations de viande provenant d’élevage hors UE, celles-ci seront également taxées. Ce système pourrait d’ailleurs pousser les éleveurs hors UE à investir dans l’élevage extensif afin de pouvoir exporter leur viande en Europe. Un cercle vertueux s’installerait alors. Notons au passage que les aides européens aux éleveurs pourraient être en partie financées par le système de taxes.

Sur le plan juridique, ce système serait possible sur base de l’article XX, paragraphe b du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Cet accord régit le commerce international des marchandises et a pour objectif le développement du libre-échange. [34] Cependant, l’article XX de cet accord prévoit un certain nombre de cas particuliers dans lesquels les Membres de l’OMC (dont les pays de l’UE font partie) peuvent être exemptés des règles du GATT. [35] En vertu du paragraphe b, les Membres de l’OMC peuvent adopter des mesures incompatibles avec les disciplines du GATT mais nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux. Sur base de cette exception, les Etats pourraient donc taxer l’import de viande provenant d’élevages intensifs afin de protéger la vie et la santé des animaux. Ils pourraient également invoquer la santé des personnes puisque la viande provenant d’élevages intensifs n’est pas inoffensive pour la santé humaine. En effet, comme vu plus haut, à cause de ses dures conditions d’élevage, l’élevage intensif a largement recours aux antibiotiques afin de maintenir les animaux en vie. Cette situation pose un sérieux problème pour la santé humaine puisque cela contribue à faire émerger l’antibiorésistance chez les animaux qui peut être transmise à l’homme par la consommation de leur viande. [36] En élevage bio, par exemple, les antibiotiques ne sont ainsi pas autorisés en traitement préventif mais seulement curatif. [37]

Bien que le niveau européen permettrait d’avoir un plus large impact sur l’amélioration du bien-être animal, on pourrait également appliquer ce système au niveau national. L’Etat fournirait dès lors lui-même les aides aux éleveurs et en ce qui concerne les taxes sur les produits d’élevages intensifs importés, il pourrait, en plus de de l’article XX, paragraphe b du GATT, se baser sur le droit européen afin de taxer les imports provenant des pays membres de l’UE. C’est en effet l’article 36 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE qui précise que des restrictions sur les imports peuvent être mises en place si celles-ci se justifient, notamment, pour la protection de la vie et de la santé des humains ou animaux.

En conclusion, bien que ce dispositif puisse sembler ambitieux, il est important de ne pas perdre de vue les bienfaits d’une diminution de notre consommation de viande et d’un changement de système d’élevage. Au niveau environnemental, les bénéfices seraient significatifs puisque l’élevage est responsable de 18% des émissions de gaz à effets de serre, de l’accaparement d’un tiers des terres arables de la planète et de la pollution des sols due aux nitrates. [38] Pour la santé humaine, la diminution de la consommation de viande aurait aussi ses bienfaits puisque la surconsommation de viande, en particulier de viande rouge, tend à augmenter le risque de certaines maladies (comme le cancer du côlon, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité ou le diabète de type 2). [39] L’antibiorésistance est un autre problème qui a été évoqué plus haut. De plus, une viande d’élevage extensif est de qualité nutritionnelle supérieure. [40] Et finalement, n’oublions pas les principales victimes de l’élevage intensif, les animaux, pour qui une diminution de notre consommation de viande pourrait bien changer toute leur vie…

[7Organisation Des Nations Unies Pour L’alimentation Et L’agriculture (2009), La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, Rome, p.43, [PDF]

http://statbel.fgov.be/fr/binaries/Recensement%20agricole%20de%20mai%202010_tcm326-119111.pdf

SPF Economie (2016), Communiqué de presse, Toujours moins d’exploitations agricoles en 2015, pp.1-2, [PDF]

[9Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming

[14I ntensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming, p.13

[15Réinventer notre alimentation Le Vif/L’Express – 23 jui. 2017 – Page 42

[17Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming p.7

[20Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming, p.7

[22Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming

[25Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming, p.14

[26http://www.gaia.be/fr/campagne/elevage-cochons Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming

[27Intensive Farming and the Welfare of Farm Animals, Compassion in World Farming p.4

[28Ibid. p.14

 

 

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