1. L’histoire

 L’éducation populaire (avec les disciples de Cardijn, chez les catholiques, et les Maisons du Peuple, chez les socialistes) naît au début du XXème siècle et l’Etat adopte un premier cadre légal (arrêtés royaux de 1921 et de 1925 « déterminant les conditions générales d’octroi de subventions aux œuvres complémentaires de l’école ») qui permet de les subventionner ;

 C’est en 1929 qu’est créé le Conseil Supérieur de l’Education Populaire, ancêtre de l’actuel CSEP (Conseil Supérieur de l’Education Permanente);

 Après une première révision du cadre légal via un arrêté royal de 1971, c’est en 1976 qu’un décret «révolutionnaire »(« fixant les conditions de reconnaissance et d’octroi de subventions aux organisations d’éducation permanente des adultes en général et aux organisations de promotion socioculturelle des travailleurs ») redéfinit la nature de l’éducation permanente et, surtout, formule de généreuses promesses quant au financement de son emploi et de son activité, distinguant les associations actives en milieu populaire (chapitre II, De l’octroi de subventions aux organisations de promotion socioculturelle des travailleurs) des autres…

 En 2003, à l’issue d’un long processus de concertation sectorielle, un nouveau décret est adopté, sauvegardant, dans les grandes lignes, les appellations contrôlées et les concepts hérités du passé, mais révolutionnant leur mode de subvention (cf. infra).

2. Les acteurs

 Le décret de 1976 permettant tout aussi bien la reconnaissance d’associations locales, que de régionales ou de mouvements communautaires, il existe plus de 600 associations de types très divers qui sont reconnues par la Communauté française

 Il y a les historiques : il y a principalement les catholiques (MOC, Equipes populaires, Vie Féminine, ACRF,…) et les socialistes de l’action ouvrière (ACSS, Fondation Renard,…) : pendant longtemps, ce sont eux qui ont fait la pluie et le beau temps dans l’éducation permanente

 Il y a les très connus (outre ceux déjà cités, La Ligue des Familles, Causes Communes, CIRE,…) et les beaucoup moins connus (les Amis de la Fagne,…)

 Il y les « verts » (Amis de la Terre, Nature & Progrès, Inter Environnement Wallonie et Bruxelles,…)

 Il y a les « politiques » : du côté socialiste, on trouvera le service d’études du PS (IEV), mais aussi PAC, GSARA, CESEP, … Des organismes très proches du cdH (le CPCP) et du MR (Institut libéral de formation et d’animation culturelle) sont également reconnus dans le cadre de l’éducation permanente

 Il y a les émergents : par définition, ils sont plutôt « outsider » du système de reconnaissance, mais cela ne les empêche pas de se faire entendre (voir les diverses Cartes Blanches assassines au moment de la négociation du décret), ni de se faire reconnaître petit à petit (cf. les avancées obtenues dans le cadre du nouveau décret). Il s’agit notamment d’organismes culturels et urbains, comme le Cinéma Nova ou Radio Panik.

3. Le Conseil Supérieur

 Le Conseil Supérieur, alors de l’Education Populaire, a été créé par la loi du 3 avril 1929… abrogée 70 ans plus tard par un décret « créant le Conseil supérieur de l’éducation permanente » (lui-même modifié par le décret de 2003 )

 Le Conseil a pour mission de formuler des avis sur la politique générale en matière d’éducation permanente, ainsi que la reconnaissance et le subventionnement des associations (pour chaque demande de reconnaissance, deux membres du Conseil sont désignés afin d’établir un avis du secteur)

 Le Conseil est composé de 36 membres « représentatifs de la pluralité des associations reconnues dans le cadre du décret », désignés par le gouvernement (ce qui fait l’objet d’un subtil équilibrage)

 Un bureau, composé du président et de ses vice-présidents, assure la gestion quotidienne et la représentation du CSEP. Il a évidemment une influence prépondérante sur le déroulement des travaux.

4. Parallèlement, l’émergence de la Commission Partiaire 329 et d’un pôle patronal

 Mise sur pied au milieu des années 1990, la Commission Paritaire du secteur socioculturel a pris une importance grandissante dans le processus de représentation et de concertation du secteur de l’éducation permanente (et du socioculturel en général)

 L’attention syndicale pour ces secteurs s’est manifestée depuis des années (CNE, SETCA,…)

 Un pôle patronal s’est constitué : chaque secteur dispose de sa fédération (en l’occurrence, la FESEFA pour l’éducation permanente), l’ensemble des fédérations étant regroupées dans une coupole patronale, la CESSoC (confédération des employeurs des secteurs sportif et socioculturel)

 Un doublement et/ou un glissement des lieux d’influence s’est réalisé vers la FESEFA et la CESSoC : il faut être tant au CSEP qu’à la FESEFA/CESSoC pour construire une véritable compréhension et capacité d’influence sur les enjeux

 D’autant que la législature arc-en-ciel a vu l’adoption aux différents niveaux de pouvoir des accords « non-marchand », qui vise à une harmonisation à la hausse du statut et des barèmes des milliers de travailleurs du secteur. A ce niveau et malgré son refinancement, la Communauté française reste à la traîne dans l’alignement sur les barèmes de la CP 305.1 (hôpitaux). Cela constitue un enjeu central des prochaines années.

5. Le Décret de 2003

 Un processus : la réforme du décret sur l’éducation permanente adoptée en juin 2003 est le fruit d’un long travail de concertation du secteur. Le mérite vient en grande partie du secteur (qui s’est mis en réflexion dès 1998 sur le sujet, dans le cadre du projet « Culture et Citoyenneté »). Ce fut souvent lent et chaotique en terme de pilotage par le Cabinet compétent entre 99 et 2004. L’accord final du secteur est surtout la conséquence du refinancement de la Communauté Française. Les « émergents » d’il y a 25 ans ont vu leur reconnaissance se stabiliser. S’il faut regretter une grande frilosité quant à la place laissée aux acteurs émergents d’aujourd’hui et quant à la volonté réelle d’une évaluation sans complaisance des pratiques et réalités actuellement reconnues… il n’était sans doute pas gagné d’avance de faire la quasi unanimité du secteur de l’éducation permanente et de réussir (ne fût-ce que sur papier) cette réforme…

 Les fondements du texte :
o Les principes de base du décret de 1976, en terme de définition de l’éducation permanente, sont globalement sauvegardés , malgré des tentatives maladroites du MR de remettre en cause la priorité donnée au « milieu populaire » et à la visée égalitaire de l’éducation permanente
o Les principes d’autonomie critique des associations et de leur concertation permanente (via le CSEP) sont sauvegardés également
o Une logique de financement « durable » est adoptée par le biais de:
1. la sortie du système des « dépenses admissibles » (intenables pour les associations en ces périodes de récession : elles devaient trouver d’importants moyens en « ressources propres » pour combler le non-financé par la CFWB) : elles bénéficient dorénavant d’un forfait
2. une évaluation objective et assez fine du volume et du type d’activités réalisés détermine le financement (par un système complexe de points)
3. le coût et la nécessité de l’emploi (en lien avec les accords non-marchands et l’émergence de la CP 329) sont pris en compte
4. le financement est pluriannuel, via le système de contrats-programmes de 5 ans pour le financement des activités

o Une simplification administrative et dans le calcul des subventions
o Une meilleure prise en compte (et donc une meilleure visibilité) des différents « métiers » de l’éducation permanente (traduite dans l’établissement des axes : formation, action, services,…), y compris via le maintien de la catégorie « mouvements » (grosse revendication des « historiques »)

o La transparence, l’ouverture du système et son pilotage, notamment via une série de principes de bonne gouvernance (défendus par Ecolo en négociation) : publication annuelle des subsides (notamment extraordinaires) et des reconnaissances, évaluation quinquennale du décret, place des « émergents » dans le CSEP,…

6. L’application du décret de 2003

 Dans ces derniers mois d’activités, le Gouvernement de la Communauté française a adopté une partie des arrêtés d’application nécessaires à l’entrée en vigueur du décret

 Demotte/Dupont partis vers d’autres cieux, c’est à Fadila Laanan de procéder à la mise en application effective du décret.

 Manifestement, la mise en application du décret pose des questions budgétaires (le refinancement sera-t-il suffisant pour donner à chacun ce à quoi il a droit ou il croit avoir droit ?), administratives (on semble assister à une re-complexification ce qui avait été simplifié) et de calendrier (alors que le décret est d’application théorique depuis le 1er janvier 2004, il semble que la période transitoire prévue jusque début 2007 soit plus qu’utile)…

Georges Gilkinet, chercheur-associé à étopia

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