La montée de la menace climatique et la croissance inéluctable des prix de l’énergie nous font aujourd’hui redouter que la décroissance de l’empreinte écologique se fasse de manière à la fois abrupte et autoritaire. Eviter un tel scénario requiert un changement aussi rapide que profond, du moins si nous voulons que les solutions négociées et démocratiques l’emportent sur les scénarios de crise. L’idée d’autonomie est en mesure d’y contribuer, précisément parce qu’elle peut nous aider à retrouver collectivement une prise sur une évolution qui donne l’impression de nous échapper. C’est sans doute un projet déjà ancien, mais son histoire n’a pas fini de nous occuper.

La modernité comme sortie de l’hétéronomie

Avant de revenir sur la signification politique que peut encore receler aujourd’hui le développement de la sphère autonome, il peut être utile de revenir sur le contexte historique dans lequel elle apparaît. L’idée d’autonomie occupe en l’occurrence une place de choix dans la pensée démocratique moderne, telle qu’elle émerge au XVIIIème siècle à l’époque des Lumières. Elle n’est pas alors pensée comme un secteur de l’activité humaine indépendant de l’emprise de l’Etat et du commerce, comme le formalise Philippe Van Parijs en 1990, mais bien comme le mouvement même par lequel l’homme est invité à se détacher de ses déterminations extérieures, qu’il s’agisse de la tradition ou du pouvoir du monarque ou de la religion. Pour avancer dans la connaissance, l’homme doit se servir de son propre jugement et ne pas se contenter de ce que lui disent les autorités en place. « Apprends à penser par toi-même », dit le philosophe Kant1. A l’hété-ronomie du rapport à la tradition, il s’agit de substituer l’auto-nomie de l’homme qui développe un savoir acquis indépendamment, même s’il se confronte aux autres, dans ce que Kant appelle « l’usage public de la raison ». Le mouvement ne peut jamais être interrompu. Nul n’a le droit de renoncer à une connaissance, ce serait un crime contre le progrès et contre les générations futures qui en auraient été privées. Les Lumières jettent ainsi les bases intellectuelles du mouvement de modernisation qui, au travers de la révolution industrielle, se traduit par une croissance sans précédent de la production économique.

Sur le plan politique également, elles vont former le fond sur lequel se développeront les grandes idéologies du XIXème et du XXème siècle. Au « penser par soi-même » correspond le « légiférer » par soi-même des révolutionnaires qui veulent faire de la Nation la source de la souveraineté à la place du roi de France. Le clivage gauche-droite naît le 28 août 1789 lorsque les députés de l’assemblée constituante réunis à Versailles sont appelés à se prononcer sur le « veto royal », c’est-à-dire sur le droit du roi de France à s’opposer aux décisions de l’assemblée. Entre les opposants au veto qui se rangent à gauche du président de l’assemblée et ses partisans qui se retrouvent à droite, la France se divise entre une monarchie constitutionnelle et un régime encore absolutiste qui maintient à l’extérieur de la Nation la détermination de ses normes. C’est également le choix entre l’hétéronomie et l’autonomie. Dès son origine, la gauche emmène un mouvement d’arrachement par rapport à la tradition que l’on retrouve dans la volonté de « changer le monde » que porteront par la suite tous les révolutionnaires et réformistes du XIXème et du XXème siècle.

De l’émancipation à l’individualisation

A ce niveau, l’autonomie est donc à comprendre comme l’émancipation par rapport aux autorités politiques ou religieuses héritées de l’Ancien Régime. Le libéralisme insiste sur sa dimension individuelle. La liberté est d’abord le droit de l’individu à protéger ses activités privées et notamment économiques de l’arbitraire du pouvoir, qu’il soit royal ou républicain, comme sous la Terreur révolutionnaire. Il revient aux démocraties représentatives de garantir le respect de l’individu dans sa sphère privée et de ne pas l’obliger à devoir constamment s’occuper de politique2. En réaction, le socialisme développe la critique d’une liberté réservée aux propriétaires, sur le dos d’une classe ouvrière privée de voix au chapitre. A ses yeux, pas d’émancipation sans égalité réelle, l’émancipation individuelle et l’émancipation collective sont indissolublement liées. Dans la version marxiste ou communiste, leur réalisation passe par l’abolition de la propriété privée et par la dictature du prolétariat3. Dans la version sociale-démocrate, elle requiert la réalisation du suffrage universel. En Belgique, le Parti Ouvrier Belge choisit d’en faire l’instrument d’émancipation de la classe ouvrière4. La démocratie représentative devient alors le théâtre où s’affiche la contradiction entre le travail et le capital. Les arbitrages qui s’y opèrent débouchent sur la constitution progressive tout au long du XXème siècle d’un Etat-providence qui permettra progressivement aux individus de s’émanciper des appartenances familiales, communautaires et sociales. C’est le paradoxe de la lutte pour l’égalité. Au cours des « Trente Glorieuses »5 qui suivent la seconde guerre mondiale, la sécurité sociale accélère une individualisation qui fragilise progressivement les anciennes solidarités de classe qui l’ont pourtant rendu possible. L’individu de la seconde moitié du XXème siècle a de moins en moins besoin non seulement des solidarités proches que lui assuraient les communautés locales et familiales, il s’« émancipe » également des solidarités de classe qui s’organisaient dans le mouvement ouvrier. Cette tendance sera encore accélérée par la massification de l’enseignement et par les attentes d’ascension sociale qu’elle multipliera. Le mouvement pour l’émancipation débouche sur un renforcement de l’individualisation.

1968-1973 : la galaxie des autos

Mai 68 qui constitue l’une des étoiles les plus importantes de la constellation historique sous laquelle naît l’écologie politique est marqué à la fois par un renforcement de l’individualisme et par une remise en question radicale de tous les dispositifs d’autorité qui le rendent possible : l’école, la famille, l’usine, l’Etat… Le mouvement qui touche tous les pays industrialisés (à l’Ouest comme à l’Est) permet d’abord la reconnaissance des « différences » de conceptions de vie et notamment des minorités sexuelles, on l’a un peu oublié entretemps. Mais il donne aussi le jour à ce qu’on appelle « l’utopie communautaire »6. Bloqués dans leurs perspectives d’ascension sociale par une économie qui n’assure pas les débouchés sociaux permettant la concrétisation des attentes considérables suscitées par un contexte culturel du « tout est possible » (la profusion créatrice de l’époque en témoigne) et l’élévation de leur niveau de formation, une génération de jeunes souhaite explorer de nouvelles formes de vie sociale. Puisque « la » société dans laquelle ils ont grandi est incapable de leur permettre de « s’auto-réaliser », ils se proposent d’inventer concrètement un tout autre modèle qui rompra avec les schémas de reproduction sociale de la génération antérieure. La multiplication des expériences de vie communautaire à laquelle on assiste entre 1968 et la première moitié des années 70 témoigne de la recherche d’un autre mode de socialisation proprement « alternatif ». Il s’agit de fuir l’autoritarisme et la standardisation qu’ont en partage l’Etat et l’économie industrielle. La contestation porte autant sur la société de consommation que sur la massification des comportements qu’elle présuppose. C’est aussi le retour de l’utopie d’une société « où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous », pour reprendre la formule célèbre du Manifeste communiste de 1848. A l’époque, certains disciples des héritiers de Marx (Lénine, Staline, Trotsky, Mao…) pensent encore que la prise de pouvoir – si nécessaire par la violence – va permettre son avènement. Les plus « modernes »7, tablent sur le développement pacifique d’un réseau d’entreprises « autogérées », c’est-à-dire dont la propriété des moyens de production est détenue par les producteurs eux-mêmes et non par l’Etat ou le capital. Leur objectif est de construire une économie qui se développe en harmonie avec ses producteurs et les collectivités dans lesquelles elle s’instaure, sans passer par l’étatisation généralisée de la vie économique dont on peut voir les résultats réels de l’autre côté du rideau de fer.

1968-1973 : une science qui change le regard

Mais rapidement, c’est une préoccupation très différente qui émerge dans l’espace public. La première moitié de la décennie 70 est celle du surgissement de l’enjeu écologique. René Dumont est, en 1974, le premier « candidat de l’écologie » à l’élection présidentielle française. A une époque où l’on ne parle pas encore de dérèglement climatique, la crise du pétrole de 1973 et les dimanches sans voiture qui la suivent donnent un caractère tangible aux prophéties des premiers écologistes qui annoncent que le mode de vie occidental conduit l’humanité et la nature dans le mur. C’est l’époque où les travaux du Club de Rome sur les limites de la croissance sont débattus et commentés dans les mass-médias et où des biologistes et des agronomes comme Joël de Rosnay8 invitent les scientifiques et les politiques à changer de lunettes et à tenter de comprendre le monde dans sa globalité complexe et fragile. La coupure traditionnelle entre sciences de la nature et sciences de l’homme se brouille au travers des recherches d’Edgar Morin et de l’Ecole de Palo-Alto… Mais comme le dit alors André Gorz, dans un ouvrage qui marquera profondément la première génération de militants écologistes, nulle morale ne découle de l’écologie comme science9. Il faut un engagement, un choix, pour orienter la marche du monde nouvellement compris. L’écologie permet certes de mieux comprendre le monde contemporain, mais elle n’impose pas pour autant de conduite. C’est la différence entre l’écologie comme science qui « s’occupe des conditions que l’activité économique doit remplir et des limites externes qu’elle doit respecter » et l’écologisme « qui utilise l’écologie comme le levier d’une critique radicale de cette civilisation et de cette société ». Dans « Ecologie et politique », André Gorz, qui s’inspire lui-même d’Ivan Illich, estime que le choix à effectuer en fonction de ce que la science écologique nous enseigne, se résume à l’alternative entre « convivialité ou technofascisme » : « Ou bien nous nous regroupons pour imposer à la production institutionnelle et aux techniques des limites qui ménagent les ressources naturelles, préservent les équilibres propices à la vie, favorisent l’épanouissement et la souveraineté des communautés et des individus ; c’est l’option conviviale ; ou bien les limites nécessaires à la préservation de la vie seront calculées et planifiées centralement par des ingénieurs écologistes, et la production programmée d’un milieu de vie optimal sera confiée à des institutions centralisées et à des techniques lourdes. C’est l’option technofasciste, sur la voie de laquelle nous sommes déjà plus qu’à moitié engagés : ‘convivialité ou technofascisme’ »10.

« Convivialité ou technofascisme »

A l’époque, les proto-écologistes soutiennent clairement la première branche de l’alternative. Pour sortir de la crise, il faut « vivre autrement », décentraliser les décisions et changer de modèle de développement. La critique des centralismes et des atteintes au milieu naturel se croisent. Comme le dit encore Gorz, « la domination totale de l’homme sur la nature entraîne inévitablement une domination de l’homme par les techniques de domination »11. Dans l’eugénisme, par exemple, le problème, ce n’est pas tellement le fait que la société industrielle et les ingénieurs « touchent » à une nature que Gorz refuse de sacraliser, c’est que, ce faisant, ils renforcent leur emprise sur les hommes. « Mieux vaut laisser la nature que de la corriger au prix d’une soumission croissante des individus aux institutions, des hommes au pouvoir d’autres hommes », écrit-il. On s’en doute, l’écologisme de Gorz est alors incompatible avec le capitalisme comme avec le « socialisme autoritaire » parce qu’ils procèdent tous deux d’une volonté d’emprise sur les hommes. En revanche, « le choix écologiste n’est pas incompatible, (…), avec le choix socialiste libertaire ou autogestionnaire, mais il ne se confond pas avec lui »12. En l’occurrence, le socialisme autogestionnaire ne dit rien au sujet de la nécessité de changer les outils pour qu’ils ne se transforment pas en instruments de pouvoir et de contrôle, comme le nucléaire. « Le socialisme n’est pas immunisé contre le technofascisme. Il risque, au contraire, d’y basculer d’autant plus facilement qu’il perfectionnera et multipliera les pouvoirs d’Etat sans développer simultanément l’autonomie de la société civile », dit encore Gorz. Sans se confondre avec elle, l’écologisme partage alors avec la gauche autogestionnaire une fascination pour l’auto-organisation en dehors de l’économie de marché et du socialisme d’Etat qui rappelle les pionniers du socialisme utopique du XIXème siècle13.

Les débuts de l’écologie politique sont marqués par une grande ébullition. Des tentations réactionnaires voire scientistes ou autoritaires (Gorz et Illich auraient dit « technofascistes ») s’y font jour, mais elles sont finalement maintenues en marge du mouvement vert « officiel »14 qui commence à se présenter aux élections à la fin des années 70. En tout cas, jamais il n’y est question d’un retour à une société pré-moderne, même si à la même époque, c’est ce que tente de faire croire le lobby nucléaire.

La crise culturelle de la société industrielle

En Wallonie, la flambée des prix de l’énergie vient révéler les faiblesses structurelles d’une économie qui n’est plus adaptée aux défis du moment. Le désinvestissement des groupes financiers comme la Société Générale de Belgique ainsi que l’attachement culturel de la gauche socialiste et communiste au modèle de la grande industrie ainsi qu’au rôle de l’Etat comme acteur économique donnent un tour aussi dramatique qu’interminable à l’effondrement de la vieille industrie wallonne. L’écologie européenne qui s’est construite sur une critique des aveuglements de la société industrielle connait ses premiers grands succès au cœur même d’une région frappée de plein fouet par la désindustrialisation.

La gauche traditionnelle mettra du temps pour comprendre (y est-elle jamais complètement parvenue ?) que la crise n’est pas seulement économique, mais qu’elle comporte également une remise en question du modèle culturel et social. De la critique de la figure de l’ingénieur en passant par le déclin de la grande industrie et des mobilisations de masse qu’elle permet, c’est la représentation qu’une société se fait d’elle-même qui vacille et qui empêche d’entrevoir la porte de sortie15. Ce n’est donc pas un hasard si ceux qui sont porteurs d’un autre modèle culturel sont rapidement dénoncés comme des fossoyeurs de l’économie, alors qu’ils ne sont sans doute que les précurseurs d’une nouvelle époque.

En Belgique comme ailleurs en Europe, Mai 68 donne aussi le jour à une forme de nostalgie pour une politique qui n’est pas réservée aux professionnels de la chose publique mais où chacun a voix au chapitre de manière quasi-permanente, un peu comme dans la Liberté des Anciens de Benjamin Constant. Dans le programme de Démocratie Nouvelle, petite organisation politique créée à Namur par quelques-uns des futurs fondateurs d’Ecolo, on trouve un projet de fédéralisme intégral16 qui combine une critique des bureaucraties centralisées avec la volonté de remettre du lien entre les citoyens et la politique, sans passer par l’inscription dans les organisations de piliers qu’a produites en Belgique la société industrielle.

Le projet du progrès choisi

Mais les écologistes ne veulent pas de retour en arrière ou de basculement brutal dans un tout autre modèle. Comme le dit en 1985, la « Déclaration de Louvain-la-Neuve-Péruwelz exprimant les principes fondamentaux du Mouvement Ecolo »17, il s’agit plutôt de « choisir l’avenir » par la « maîtrise de la croissance » et par le « gonflement de la sphère autonome », qui est alors définie comme toutes les activités qui échappent à « la logique du marché comme à celle de l’Etat et peuvent donc être directement axée sur les valeurs d’usage, sur la satisfaction directe des besoins ».

Le développement de la sphère autonome – qui est ainsi expressément thématisé dans le premier grand texte idéologique du « mouvement Ecolo » – est aussi un moyen de « modifier fondamentalement les rapports sociaux, en promouvant le développement de coopératives, de petites entreprises et d’associations à l’échelle locale, en luttant pour plus de démocratie dans les entreprises et dans les administrations, les écologistes visent à instaurer une société où les travailleurs – mais aussi, le cas échéant, les consommateurs, les usagers, les résidents – aient le droit de participer à la prise de décision qui les concernent », dit encore le texte à la rédaction duquel Philippe Van Parijs a activement contribué. On y entend comme un écho assourdi de la critique marxiste des mécanismes d’exploitation du capitalisme (qui n’est pas cité) et de leur impact sur les rapports sociaux. Mais en même temps, le matérialisme, invoqué traditionnellement par les marxistes, est récusé tant dans sa dimension destructrice de l’environnement que dans sa dimension autoritaire.

Le « ni gauche, ni droite » qui prévaut à l’époque à Ecolo s’explique alors par la conviction que la gauche partage avec la droite les mêmes mythes de la production, de l’accumulation et de la destruction. Le système de valeurs des sociétés industrielles de l’Est comme de l’Ouest, affirme la « Déclaration de Peruwelz-Louvain-la-Neuve » est « essentiellement matérialiste » parce que « la poursuite du bonheur s’y réduit à la croissance de la consommation ». La déclaration précise que « pour le mouvement écologiste, par contre, l’être prend le pas sur l’avoir, l’esprit de la domination sur la nature fait place au respect des équilibres écologiques, la recherche de l’autonomie se substitue à l’esprit de compétition entre les hommes et entre les peuples ».

L’ère de la participation et de la solidarité au cube

Plus de vingt ans après ces discussions où en sommes-nous ? L’histoire des aventures de la sphère autonome à l’intérieur de la doctrine écologiste reste encore à écrire. Mais pour l’essentiel, le bourgeonnement communautaire et autogestionnaire s’estompe progressivement dans le courant des années 80. Le rêve de microsociétés libérées des rapports de pouvoir succombe aux coups de boutoir d’une réalité humaine qui ne peut être constamment généreuse. L’histoire de l’utopie communautaire devient aussi celle des mobilisations qui retombent, quand les caisses sont vides et quand les jalousies l’emportent. Mais en même temps, une forme de reconversion de l’idéal communautaire s’opère progressivement dans le tiers secteur qui devint « non marchand » et dont le refinancement est la grande revendication d’Ecolo tout au long des années 90. La défense du pluralisme, d’une école indépendante des piliers va de pair avec une restauration de la légitimité de l’Etat qui, encore vecteur de domination dans les années 80, devient progressivement un instrument d’émancipation au cours de la décennie suivante. Tout au long des manifestations enseignantes et étudiantes et puis plus tard à la Marche blanche, on parle beaucoup de citoyenneté. On veut mettre l’accent sur les « réseaux », « la participation » et sur « le monde vécu ». Certes le sujet qui s’exprime est censé être la « société civile », mais son aspiration est également de restaurer le pouvoir protecteur d’un Etat que, quelques années plus tôt, on récusait encore avec des qualificatifs parfois infamants.

A peu près vers la même époque, le concept de développement durable effectue une percée spectaculaire dans la sphère institutionnelle. La responsabilité des sociétés contemporaines envers les générations futures trouve ainsi sa « traduction » en droit international. Certains parmi les écologistes les plus radicaux qui voient pourtant leur acharnement à défendre l’écosystème planétaire légitimé par le principe d’une justice élargie, font parfois la moue. Ils disent préférer la notion d’écodéveloppement à celle de développement durable qui, à leurs yeux, n’est que le résultat d’un pâle compromis entre la demande de développement des pays du sud et les inquiétudes environnementales des pays du nord. Il est vrai que dans le même temps, la revendication d’autonomie, le refus de toute domination, de l’homme sur la nature, comme de l’homme sur l’homme, sont progressivement occultés par l’extension quasiment illimitée du rayon d’action de la responsabilité humaine.

Combiner justice et émancipation

Aujourd’hui encore, les Verts se proposent d’articuler cet élargissement maximal du collectif humain et le spectre étroit de la liberté individuelle. « La Charte du Parti Vert européen »18 qui constitue le document idéologique « officiel » le plus récent des partis verts, concentre l’action des écologistes autour des objectifs de justice et d’émancipation, voire d’auto-détermination. Cela n’est pas formulé comme tel, mais, au fond, il s’agit d’appliquer une conception étendue de la justice (et/ou de la solidarité) afin d’assurer une « égale liberté réelle » à tous. « Egale liberté réelle » implique dans une tradition anti-autoritaire de ne pas déterminer à la place des êtres humains quel sera le « contenu de leur vie bonne », mais de permettre à chacun de disposer des conditions lui permettant « réellement » de choisir sa vie. Cela passe par la réalisation d’une série de conditions. La première est que chacun dispose d’un égal accès aux ressources naturelles qui permettent purement et simplement de (sur-)vivre. La seconde réside dans la réalisation des conditions permettant de ne pas dépendre complètement et constamment de son entourage immédiat, mais de choisir librement son mode de vie, solitaire ou communautaire, dans la clôture étroite de l’individualisme éventuellement étendu aux frontières familiales, voire élargi librement à une relation plus forte avec une communauté de vie, que ce soit dans une entreprise, une association ou une collectivité locale. La troisième est en réalité la condition de possibilité des deux premières. Elle implique que les choix de vie que nous posons soient constamment limités en fonction de leur impact sur les autres êtres humains, voire sur la totalité de l’écosystème planétaire, ce qui inévitablement reviendra à remettre en question la conception que certains peuvent se faire de « la vie bonne ». Toute la question est évidemment de savoir comment on y parvient démocratiquement, tout en donnant constamment la priorité aux personnes les plus défavorisées, parce que c’est la meilleure manière pour, qu’au bilan, chacun soit traité équitablement, quelle que soit sa situation. L’établissement de cette justice élargie est donc indissociable du combat de la gauche pour la justice sociale, au sens de la recherche de l’égalité, comme condition de possibilité de la liberté. Elle en élargit simplement le champ d’application dans l’espace et dans le temps.

Le défi de la régulation

Pour les écologistes, la défense de la nature est fondamentalement un engagement pour la justice et à ce titre un engagement social. Mais dire cela ne suffit pas. On peut en effet très bien concevoir une défense de la nature sur un mode injuste et autoritaire et qui limite la qualité de vie à un petit nombre de personnes. Ce n’est pas le choix effectué par les partis écologistes. Comme le dit Alain Lipietz, « l’écologie politique sait qu’il n’y a pas de rapport sain de l’humanité à la nature sans justice sociale entre les humains eux-mêmes »19. Mais, on s’en doute, cela ne va pas sans débats. Aujourd’hui, les négociations sur le climat montrent les difficultés auxquelles on se heurte quant on veut appliquer le principe d’une justice élargie et qu’il faut en même temps, tenir compte du fait que tous les Etats n’ont, ni la même responsabilité dans la situation actuelle, ni les mêmes moyens de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Concrètement, l’application de tels principes aboutit à une pression formidable sur les économies industrielles. C’est une véritable redistribution de l’utilisation des ressources et de l’usage de l’environnement qui s’opère au plan mondial. Elle implique que les économies de vieille industrie diminuent rapidement leur dépendance aux énergies fossiles. La redistribution « écologique » croise l’autre « redistribution » qui est, elle, opérée par le capitalisme et qui entraîne à la fois la croissance économique des pays émergents et la mise sous pression des Etats-providence des pays de vieille industrialisation. L’objectif doit être également de parvenir à la régulation de cette mondialisation-là, via la mise en œuvre de normes sociales et écologiques au niveau mondial, ce qui passe inévitablement par le renforcement de l’Union européenne20. Mais le risque est réel que, faute d’anticipation par les gouvernements nationaux, les travailleurs et les consommateurs qui dépendent directement ou indirectement de l’utilisation des énergies fossiles, soient tentés de confondre les deux redistributions et d’en incriminer ceux qui pensent que la justice au cube est tout aussi importante que la justice établie au niveau national.

Les biens publics comme moyens pour l’autonomie

En l’occurrence, l’enjeu est de savoir comment on articule une justice mesurée au niveau planétaire avec la justice dont le champ traditionnel est celui de l’Etat-Nation, au travers notamment de la fiscalité. En toute logique, le choix des écologistes ne peut être de renforcer les inégalités au plan national, même au motif de réduire les inégalités au plan mondial. Mais a-t-on vraiment pris la mesure exacte des changements et surtout de la vitesse à laquelle il va falloir les opérer ? Comment réorienter massivement les comportements sans faire recours à une fiscalité écologiques dont la conséquence pourrait être que seules les personnes les plus riches pourraient encore se payer le « luxe » de polluer, à moins que nous préférions en passer par la généralisation de normes et d’interdictions ou tout au moins par l’imposition de plus en plus ferme de standards de consommation. L’exemple de la mobilité montre aujourd’hui l’ampleur du débat. Certaines personnes à revenus modestes sont contraintes par le coût du logement à habiter loin de leur lieu de travail, sans disposer toujours de vraies possibilités de transport collectif. On voit donc bien que le débat sur l’écofiscalité n’est pas dissociable de celui, plus général, sur le renforcement des dispositifs de redistribution, comme le développement de biens collectifs tels que les services publics de transport21. Mais plus fondamentalement et c’est sans doute une différence de taille entre les écologistes et la gauche traditionnelle, ce débat ne peut être coupé d’une discussion approfondie sur le sens et le contenu des pratiques de consommation. Autrement dit, à quoi bon redistribuer plus équitablement les revenus, si c’est pour faciliter l’accès à une consommation de masse, aussi abrutissante que destructrice de la planète ? Evidemment, avec la gauche traditionnelle, en bonne logique libérale, on défendra qu’il n’appartient pas au politique de décider du contenu de la vie privée. Mais doit-on pour autant renoncer à tout jugement sur le contenu de « la vie bonne » ? Ou doit-on se contenter d’établir les limites de la vie bonne pour que celle-ci soit « juste »? Au vu de la catastrophe écologique qui vient, cette discussion ne ressemble-t-elle pas à un congrès de gastronomes organisé en pleine famine ? D’aucuns pourraient en effet être enclins à penser que nous n’avons plus le temps suffisant pour convaincre démocratiquement les terriens de passer à « tout à fait autre chose » et qu’il faut choisir la manière forte, en instaurant immédiatement des normes de consommation nettement plus restrictives. L’urgence écologique ne deviendrait-elle pas alors le cheval de Troie d’un certain « éco-fascisme », pour rappeler l’alternative un peu binaire de Gorz en 1977 ?

Les critères de la transformation

C’est tout l’enjeu de l’accélération de la transition écologique : comment parvenir à réorienter complètement nos économies pour ramener nos émissions de gaz à effet de serre de plus de 14 tonnes par an en moyenne par Belge à quelque 3/4 tonnes ? Les critères de la réussite de cette transition doivent être simultanément, la réduction des inégalités, l’accroissement du bien-être (mesurable par des indicateurs établis démocratiquement) et le renforcement des processus démocratiques. L’accroissement du bien-être ? Oui, c’est sans doute dans la conviction que moins cela peut-être beaucoup mieux que réside l’utopie aujourd’hui. Que l’égalité ne se résume pas à l’universalisation du droit de consommer n’importe quoi22. Que moins de bagnoles (en commençant par les villes), c’est plus de qualité de vie pour tous. Que moins de viande, c’est plus de forme et de diversité alimentaire. Que moins de temps à produire et à consommer des choses à l’utilité douteuse (comme des grosses bagnoles, des programmes de télé débiles…), c’est plus de temps consacré à lire ou à toute autre activité, productive (un potager collectif, par exemple) ou moins directement productive (une fanfare ?). L’utopie, c’est de vouloir faire gagner cette conception de la « vie bonne » de manière démocratique, avec le système tel qu’il existe actuellement, même s’il faut le transformer très fort et très rapidement.

Certes les personnes qui ne disposent que de leur revenu d’intégration ou tout simplement les travailleurs pauvres (de plus en plus nombreux) pourront à juste titre rétorquer que la « simplicité ‘‘volontaire’’, ils connaissent ». Aussi, la poursuite d’une fiscalité équitable qui permet le renforcement des biens publics (comme la sécurité sociale ou l’éducation) doit être un objectif central des écologistes, non pas dans le but d’entretenir la machine de la consommation, mais de conserver simplement la liberté de choix la plus grande, sans laquelle il n’y a pas d’émancipation possible, même si elle n’en constitue assurément pas la condition suffisante.

Le débat sans doute le plus chaud au sein de la gauche (et donc de la famille écologiste) porte sur la manière d’y parvenir et, en l’occurrence, sur la place et les limites à y conférer aux mécanismes du marché ? Pourra-t-on notamment accélérer la réduction de notre empreinte écologique sans recourir à des mécanismes de marché comme les Mécanismes de Développement Propre (MDP) ? Mais si la modernisation écologique se fera aussi avec le secteur privé, elle ne sera rien sans l’action de l’Etat qui doit veiller autant à empêcher les effets rebonds dans les consommations globales qu’à éviter que l’écofiscalité soit disjointe de la fiscalité générale sur tous les types de revenus, qu’ils soient professionnels ou financiers.

L’autonomie, alternative au chacun pour soi ?

Reste que comme l’a bien montré Paul-Marie Boulanger, la modernisation écologique du capitalisme, pour aussi nécessaire qu’elle soit, ne peut être l’alpha et l’oméga des écologistes. Elle ne nous met pas à l’abri des effets rebonds, notamment parce qu’elle est basée sur un individualisme réduit à la maximisation illimitée des intérêts personnels. Au contraire, la société doit retrouver une capacité d’action sur elle-même pour empêcher que « le chacun pour soi » ne se retourne contre chacun d’entre nous. Il s’agit de permettre que la société retrouve « la maîtrise de son destin collectif »23, en l’occurrence qu’elle récupère une réelle capacité d’action pour empêcher la catastrophe. Dans le même sens, on fera ici le pari que la poursuite de l’idéal d’émancipation inventé par les Lumières dépend aujourd’hui autant du renoncement au caractère infini de la croissance que des actions collectives qui permettront de passer d’un individualisme du chacun pour soi à un individualisme qui, dans une tradition plus républicaine que libérale24, table sur la reconnaissance et le développement des liens de dépendance, notamment par rapport au monde naturel. Dans cette perspective, la promotion de la sphère autonome ne peut se réduire à une sortie solitaire (même en groupe) du marché et de l’Etat, mais doit passer par le développement de liens de réciprocité, par exemple dans l’esprit de l’économie sociale, des SEL ou dans la tradition du mouvement coopératif. Il ne s’agit pas tant de vouloir fuir dans des communautés autarciques (mais pourquoi pas après tout, si cela se fait toujours sur une base libre ?) que de réintroduire le plus possible d’autonomie, en l’occurrence de maîtrise des individus organisés en relations de coopération, à l’intérieur du fonctionnement du marché et de l’Etat. C’est non seulement le meilleur remède contre leur tendance bureaucratique implacable à confisquer le pouvoir. C’est également une possibilité de vivre dans un sens plus juste et plus proche des écosystèmes. Des projets comme l’Eolienne des Enfants, les potagers collectifs de quartier, les SEL, le succès croissant des « quartiers durables », ne témoignent pas d’un retour à l’utopie communautaire, mais d’une forme « détendue » de volonté d’être ensemble, tout en se réservant la possibilité d’être seul. A la promiscuité plus ou moins volontaire des maisons communautaires succède le désir de vivre en habitat groupé, où l’on peut être seul sans être jamais abandonné et où on peut en faire beaucoup plus ensemble, pourvu qu’on le souhaite vraiment… Nous n’en sommes peut-être qu’au début de la redécouverte du potentiel des liens de réciprocité qui s’étaient sédimentés au fil des siècles dans les sociétés traditionnelles et qu’une certaine industrialisation et d’ailleurs Mai 68 ont contribué à liquider avec un peu trop d’entrain. Les pourfendeurs du retour des communautarismes doivent accepter que les solidarités proches ne sont pas exclusives de mécanismes plus abstraits de solidarité comme la sécurité sociale ou tout simplement la fiscalité, pourvu qu’elles renoncent au flicage et au contrôle social, ce qui ne sera jamais possible que si l’Etat est là pour le garantir.

Autonomie et modernisation réflexive

Le préambule du programme des Verts allemands approuvé en 2002 fait explicitement référence à la tradition des Lumières. « Nous relions la tradition des Lumières avec l’expérience des limites de l’industrialisme dont l’écologie nous a fait prendre conscience », dit la « Charte de base » du parti25. Les Lumières, ce long processus ouvert sur la volonté de sortir de l’hétéronomie des traditions aboutit dans la seconde moitié du XXème siècle sur une remise en question. L’écologie comme science des écosystèmes nous montre que la modernisation bute contre les limites naturelles qu’elle a largement ignorées et, qu’en outre, elle contribue à produire elle-même de nouveaux problèmes. La modernisation est invitée à s’appliquer à elle-même, à faire en quelque sorte son « auto-critique »26. Dans le domaine politique, les doctrines politiques traditionnelles sont sommées de répondre aux défis d’une individualisation que leurs compromis ont heureusement favorisée mais qui s’est également soldée par un renforcement de leur dépendance aux dispositifs centralisés et par une surconsommation de masse aux impacts environnementaux dévastateurs. L’écologie qui se veut l’héritière critique de cette tradition espère à la fois remettre en question la négation des limites naturelles et rendre à l’homme une capacité d’action sur son destin, individuel et collectif, alors que le produit de sa nouvelle dépendance est le résultat d’un projet libérateur bâti sur la même intention. Il y a là comme un paradoxe qu’il est sans doute un peu insensé de défendre, au moins par rapport à tous ceux que la brutalité du monde n’étonne plus. La lucidité, pourtant, n’oblige pas à réduire l’histoire à une succession de catastrophes déclenchées par la démesure humaine. Les attentes souvent – mais pas systématiquement – déçues de progrès ne peuvent nous faire espérer que le monde bascule sans crier gare dans tout autre chose.

Basculement ? C’est peut-être ce qu’attend encore Ivan Illich lorsqu’il intervient à Louvain-la-Neuve le 22 avril 1988 dans le cadre d’un projet de recherche sur la « Critique du modèle de développement ». A son issue, Philippe Van Parijs27 dissimule mal sa perplexité. Interrogé sur le dispositif institutionnel à mettre en place pour combattre ce qu’il appelle « l’individualisme envieux » qu’il a identifié comme l’un des grands responsables de l’état du monde, le maître à penser de l’écologie radicale répond qu’« il n’a pas de stratégie à proposer » et que son travail ne consiste pas à proposer un discours normatif. Confronté à la question de savoir si sa dénonciation ne risque pas de se traduire par une forme d’« éco-intégrisme », il refuse de répondre et estime que « plus généralement, s’efforcer de réfléchir à la manière dont pourraient s’articuler l’égalité, la liberté, la ‘convivialité’, l’efficience… dans un modèle de société, constituent à ses yeux des exercices de ‘masturbation intellectuelle’ ».

Le scepticisme d’Illich sur les chances et le sens des réformes bute sur le scepticisme de ceux qui pensent qu’il n’y a pas vraiment d’autre choix juste que de modifier progressivement notre modernité, sans attendre son renversement complet, aussi subit que prophétique. Cela n’implique pas un renoncement à l’analyse des causes profondes de la situation actuelle.

1Emmanuel KANT, « Qu’est-ce que les Lumières ? », Les classiques de la philosophie, Hatier.

2Benjamin CONSTANT, « De la Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes: Benjamin Constant », Discours prononcé à l’Athénée royal de Paris en 1819, Collection La Pléiade, Gallimard.

3Karl MARX & Friedrich ENGELS, «Manifeste du Parti Communiste » , Poche.

4Marcel LIEBMAN, « Les socialistes belges, 1885-1914, la révolte et l’organisation », Vie Ouvrière, Bruxelles 1979, pp 80-82.

5D’après le titre de l’ouvrage de l’économiste français Jean FOURASTIE, Fayard, 1979. « Les Trente glorieuses » désignent cette période de croissance matérielle sans précédent qu’ont traversée au sortir de la seconde guerre mondiale la plupart des sociétés occidentales industrialisées.

6Bernard LACROIX, « L’Utopie communautaire, Mai 68, Histoire sociale d’une révolte », PUF, 1981.

7En France, le Parti Socialiste Unifié (PSU) se fait le champion de l’autogestion.

8Joël DE ROSNAY, « Le Macroscope, Vers une vision globale », Seuil, 1975.

9André GORZ, Michel BOSQUET, « Ecologie et Politique », Points, Seuil, 1978, p. 23.

10GORZ, op. cit., p. 23.

11GORZ, op. cit. p. 28.

12GORZ, op. cit, p. 26.

13Voir la contribution de Jean-Paul DELEAGE à « L’Histoire des gauches en »rance», sous la direction de Jean-Jacques Becker et de Gilles Candar La Découverte-poche, Paris, 2005.

14Voir notamment JACOB, Jean, « Histoire de l’écologie politique », Albin Michel, 1999.

15Voir la lecture critique réalisée en 1986 par le CEFE, l’ancêtre d’Etopia, au sujet de l’échec des politiques industrielles publiques menées en Wallonie. « De la croissance au développement. Approche écologiste de la crise et des politiques industriel-les en Wallonie », Bruno CARTON, Gaston ROBILLARD et Jean-Luc ROLAND, Editions CEFE, Namur, 1986.

16« Manifeste pour une Démocratie Nouvelle », Février 1973 (consultable au centre d’archives d’Etopia)

17Le texte intégral de la déclaration peut être téléchargé sur www.etopia.be dans la rubrique « Ecolo et partis verts »

18« Charte des Verts européen », adoptée au 2ème Congrès du PVE, Genève, 13-14 octobre 2006.

19Alain LIPIETZ in « L’économie politique » n°34, « La gauche face à la mondialisation », Alternatives économiques, avril-mai-juin 2007 ».

20« A l’heure actuelle, il n’existe qu’un seul ensemble politique supranational en voie de formation, l’Union européenne. Fragile réalisation, elle est en quelque sorte le banc d’essai de la possibilité de sauver la planète et ceux qu’elle porte », LIPIETZ, id, p. 24.

21Il s’agira notamment d’arbitrer finement entre les priorités de défense du pouvoir d’achat et les priorités de réduction de l’empreinte écologique autrement que suivant la politique du gaufrier idéologique pratiquée par l’alliance socialiste-libérale qui sort (certes interminablement) de gouverner la Belgique fédérale. En se partageant leurs sphères d’influence (les dépenses sociales pour les rouges et les réductions d’impôts pour les bleus), socialistes et libéraux ont vidé les caisses de l’Etat belge et hypothéqué l’avenir des fonctions collectives, comme la sécurité sociale et la capacité d’investissement dans la transition écologique et la recherche scientifique. S’il s’agit de choisir entre le pouvoir d’achat et les fonctions collectives, les écologistes doivent clairement donner la priorité à celles-ci parce qu’elles sont à terme productrices de beaucoup plus d’égalité et d’autonomie.

22Je ne résiste pas à la tentation de citer encore GORZ sur l’égalité : « La concurrence, l’envie, la revendication au nom de l’égalité ou de la « justice sociale » ne sont possibles que dans un univers social homogène où les différences sont d’ordre purement quantitatif et donc mesurables. Les catégories du « plus » et du « moins » supposent un continuum socio-culturel dans lequel l’inégalité n’est conçue que comme une différence économique entre des individus principalement égaux ». op. cit. p. 42.

23Entretien avec Dominique BOURG, « La société doit retrouver la maîtrise de son destin collectif », Revue Durable Numéro 26 (août-septembre-octobre 2007).

24Hervé POURTOIS, « Comment peut-on (ne pas) être libéral ? », La Revue Nouvelle, n°10 Octobre 2005.

25« Die Zukunft ist grün, Grundsatzprogramm von den Gruenen », téléchargeable en Version anglaise sur www.gruene.de

26« Il ne s’agit donc plus ou plus uniquement de rentabiliser la nature, de libérer l’homme des contraintes traditionnelles, mais aussi et avant tout de résoudre des problèmes induits par le développement technico-économique lui-même. Le processus de modernisation devient ‘’ réflexif’’, il est lui-même objet de réflexion et problème », dit à cet égard Ulrich BECK, « La Société du risque – Sur la voie d’une autre modernité » Flammarion – Champs 2003, p. 36.

27Philippe VAN PARIJS, « Ivan Illich, de l’équivoque à l’espérance », La Revue Nouvelle, N°4, Avril 1989, p.97-106.

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